Alan Stivell sort un live de son concert avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne : « contribuer un tant soit peu à la paix est un devoir »

Amzer-lenn / Temps de lecture : 8 min

Une idée de cadeau de Noël à offrir à vos proches, ou à vous offrir : le nouvel album d’Alan Stivell, qui vient de fêter ses 80 ans, et qui saura sans nul doute vous conquérir.

Si chaque album d’Alan Stivell est attendu, démontrant au fil des années qu’il est capable d’innover dans des approches musicales toujours actuelles mais en restant dans une cohérence musicale aux racines bien ancrées tout en ayant ses multiples influences provenant de tous les continents, un disque en live est toujours délicat à produire, avec les aléas d’un enregistrement en direct. Stivell nous offre ici un bel opus, qui marquera sa discographie.

Son concert live à Rennes le 7 avril 2022 au Liberté, auquel j’avais eu la chance de participer aux premiers rangs, avait été un véritable succès, avec de très bons musiciens entourant le barde breton, brossant un tableau du parcours musical de Stivell dans une dimension symphonique. C’est d’ailleurs en ce sens j’attendais ce concert : découvrir ce que je n’avais connu que sur support musical, la Symphonie Celtique revisitée plus de 40 ans plus tard. Certes, Alan n’en a interprété que quelques extraits, mais sans aucun doute les plus emblématiques, avec la participation de l’Orchestre National de Bretagne, mais également un orchestre celtique et des choeurs, un bagad, des solistes, un joueur de  uillean-pipe, sans oublier ses musiciens de scène rock habituels. Au total, près de 60 musiciens sur scène.

Sur 20 titres dans un double album Digipack incluant un DVD et un livret de 48 pages, Alan Stivell offre au public un tour du propriétaire, avec des morceaux qui ont fait sa popularité, comme  « Tri martolod », « Brian boru » ou « Pop-plinn », réécrits pour des orchestrations symphoniques, leur donnant une autre dimension. Mais vous retrouvez également des titres où la seule harpe et la voix de Stivell vous transportent à l’ère de Renaissance de la Harpe Celtique, des titres plus rock issus de ses albums Brian Boru ou enfin le Bro Gozh. Un live qui fait l’événement non seulement parce que jouer avec un orchestre est déjà en lui-même marquant, mais aussi parce que la Symphonie Celtique et les titres choisis peuvent particulièrement résonner en cette période troublée dans le monde, résonner comme un chemin musical à la recherche de la paix.

Nous avons posé quelques questions à Alan, afin d’en savoir plus sur son approche musicale, mais aussi en allant un peu plus loin.

@Gael Kerbaol

Qu’est-ce qui vous a motivé à sortir un album live de votre concert à Rennes, et qu’est-ce que vous espérez transmettre à vos fans à travers cet enregistrement ?

Alan : J’ai énormément travaillé aux orchestrations symphoniques de tout un concert que j’ai pu donner à Rennes (Le Liberté) et à Paris (Pleyel) en avril 2022. Alors que la pandémie était juste en train de se finir, le public a été nombreux et enthousiaste. Quand j’ai pu écouter l’enregistrement (qui n’était alors que pour un souvenir privé), je pensais qu’il fallait vraiment le diffuser.

J’aime bien l’originalité, et ce n’est pas courant, pour quelqu’un ayant choisi de ne pas aller au conservatoire, d’écrire pour un orchestre symphonique. Mais c’est quasi philosophique chez moi, lié à l’idée de Liberté. Cela vaut ce que ça vaut, mais ça me parait difficile d’en contester l’originalité. Elle vient de mon parcours totalement atypique : je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’autre qui est tombé dans la marmite interceltique dès l’âge de neuf ans. Il y a donc cette expertise en musique celtique. Mais ceci est complété par des bases dites classiques (piano à cinq ans, cours d’une prof de harpe classique, écriture dès mes quatorze ans), avec un énorme intérêt dès l’enfance pour les musiques anciennes et musiques ethniques, puis (porté aussi vers un futurisme) pour le rock, les musiques électroniques, etc. Ceci explique pourquoi j’ai toujours voulu fusionner la musique autour de mes racines. Il y a donc un propos humaniste, respectueux de toute l’humanité, en cherchant à la faire vivre ensemble musicalement.

Le concert à Rennes a été un véritable succès, avec une grande variété de musiciens sur scène. Pouvez-vous nous parler de la préparation et de la logistique derrière ce concert ?

Alan : c’est déjà une longue histoire : mon envie de revisiter ma symphonie celtique, ma rencontre avec Marc Feldman de l’ONB, puis la pandémie m’ayant donné un peu de temps pour en écrire une nouvelle version (maintenant en voie de finalisation), une première approche à l’Interceltique 2021, puis la préparation des concerts de Rennes et Paris en avril 2022, pour lesquels a été décidé de donner une partie de cette symphonie, mais aussi faire jouer l’orchestre sur des titres plus connus. Il m’a donc fallu un travail supplémentaire d’écriture, orchestrale, mais j’ai aussi recherché de nouvelles adaptations (en kabyle, irlandais et algonquin). Et ce furent enfin les répétitions (trop limitées à mon goût), la gestion avec mon régisseur de la partie technique, etc. J’ai eu la chance par ailleurs, d’avoir pu inviter, en plus de l’ONB, quelques perles comme le chef d’orchestre Johannes Le Pennec, la chanteuse Juliette Chevalier, le sonneur de cornemuse Loïc Denis, de bombarde Tangi Sicard, de pib-ilin et whistles Brewen Favrau, etc.

Vous avez réécrit certains de vos morceaux pour des orchestrations symphoniques. Quel a été le processus de réécriture, et comment avez-vous choisi les titres à inclure dans l’album live ?

Alan : J’ai appliqué ma méthode pour la symphonie sur mes titres populaires ou moins : un travail en MAO (musique assistée par ordinateur) avec le logiciel Cubase, puis un transfert au logiciel Finale pour les partitions. J’ai pu peaufiner chaque instrument, chaque pupitre, aidé par le coaching, puis les corrections d’André Couasnon. Mais je ne voulais pas de co-écriture.

Tout le concert s’est retrouvé dans le double-album, parfois plus rock, parfois plus tribal, parfois plus onirique, mais toujours une musique de fusion où le symphonique joue son rôle, à part deux exceptions solo.

La Symphonie Celtique est un élément clé de votre parcours musical. Pouvez-vous nous parler de la façon dont vous avez revisité cet élément dans le concert à Rennes, et ce que cela signifie pour vous ?

Alan : Il y a eu sept extraits de la Symphonie celtique n°2. Cela sur un total de vingt titres. J’ai trouvé intéressant de donner de nouveaux arrangements, incluant l’orchestre symphonique, pour des titres pour lesquels on ne s’attend pas forcément à cette approche (tels Tri martolod ou Pop-Plinn). Mais il est évident que me tenait à cœur d’abord ma symphonie celtique. Déjà en 1979, il s’agissait d’une approche musicale très nouvelle, car, à ma connaissance, personne n’avait tenté avant de réunir un si grand nombre de genres musicaux. Et, m’étant aussi spécialisé dans la musique celtique depuis tant d’années, j’étais déjà un expert je crois indiscutable (toute modestie à part…) dans ce domaine. Passer à nouveau du temps sur cette « œuvre », lui apporter l’expérience de quatre décennies supplémentaires me motivait énormément.

La Symphonie Celtique a cette dimension à la fois transcendante et de fraternité entre les peuples, une sorte de communion symphonique. Offrir au public ces extraits en 2024, associés à des titres comme Brian Boru, Spered Hollvedel et Délivrance, alors que diverses parties du monde sont en feu peut-il être le prélude à une relecture actuelle de cette Symphonie Celtique ? Quel message peut porter cette œuvre au monde de 2024 ?

Alan : Il y a un peu de méthode Coué dans la démarche. Réunir les influences culturelles les plus diverses autour de ce qui est mon centre, l’archipel celtique, est d’abord symbolique. Il ressort une (relative) facilité à le faire musicalement. Elle démontre que le monde est très divers, mais sans véritables frontières, à part celles imposées par des appétits bien triviaux. Ce message pacifique est comme toutes les bouteilles à la mer. A combien d’humains cela peut faire prendre conscience ? Il faut le faire sans se poser cette question. Mais contribuer un tant soit peu à la paix est un devoir.

Comment voyez-vous l’évolution de votre musique au fil des années, et comment pensez-vous que cet album live reflète votre parcours musical ?

Alan : Tout mon voyage, depuis mon piano à cinq ans, se retrouve dans tout ce que je propose sur scène ou en disques. Mais souvent je choisi de mettre en avant tel ou tel aspect, parfois plus rock, parfois plus intimiste. Dans certains, c’est l’idée de musique globale qui l’emporte. C’est le cas aujourd’hui, même si j’appuie le côté symphonique, marié au reste.

Quels sont vos projets futurs, et comment pensez-vous que cet album live va influencer vos prochaines créations musicales ?

Alan : En attendant avec espoir de pouvoir donner l’intégrale de ma Symphonie celtique n°2, je vais proposer en scène une réduction des arrangements de Liberté-Roazhon, cette fois pour dix personnes sur scène, ceci à partir de juin. Cette tournée « LIBERTÉ » se croisera avec le prolongement de celle que je donne en églises. J’ai aussi trois autres projets que j’aimerais offrir. Mais le temps commence à presser.

Propos recueillis par Eflamm Caouissin

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

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