Le 11 décembre 1981, il y a 40 ans aujourd’hui, disparaissait un monument de la littérature bretonne, un personnage qui n’a rien à envier aux grands des autres nations, un héraut des temps modernes à la plume aussi acérée qu’à l’âme portée vers le ciel. Xavier Grall, le poète méconnu, l’inconnu que l’on dévore quand on le découvre.
Un poète d’un immense talent
Immense poète, fils de Rimbaud, de Kerouac et de Céline, Xavier Grall fut un barde rebelle, un beatnik, un insurgé solitaire et mystique dont les mots éclatent encore aujourd’hui de couleurs, de colère, de sensualité et d’un « insatiable besoin de routes et de prières ».
De Solo à l’Inconnu me dévore, de Stèle pour Lamennais à la Marche des Calvaires, en passant par chacune de ses autres oeuvres, même si toutes ne sont pas égales, chacun peut se reconnaître dans ses lignes au parfum de bruyère et de granit, entre lesquelles se glissent quelques éclats d’embruns. Croyant ou non, cabossé de la vie ou homme heureux, femme de bonheur ou croyant d’infortune, athée convaincu ou agnostique au doute prégnant, catholique de naissance ou nouveau converti, pasteur authentique ou clerc fonctionnaire, laïc désengagé ou missionnaire, génération de sages ou jeunesse des périphéries, petite main des sacristies ou incontournable des paroisses, bigot ou pilier d’église, à chacun s’adresse son oeuvre, particulièrement à une époque où nous en avons bien besoin.
Cette année, au Salon du livre de Carhaix, j’ai rencontré au détour d’un repas l’écrivain Philippe Mouazan, qui avait commis Xavier Grall, la rage et la tendresse (Nature et Bretagne, Quimper, 1983). Celui-ci nous a fait part de nombreuses anecdotes qui permettent de mieux cerner le personnage, simple et complexe à la fois, tendre et rugueux comme le roc breton, complexité qui offre finalement de telles oeuvres. En ce quarantième anniversaire de sa mort, nous ne pouvons que remettre en avant cet immense écrivain, qu’il conviendrait de faire connaître aux générations nouvelles. Pour conclure cet hommage, rien de tel que cet extrait de Solo :
Seigneur Dieu
A mes frères et amis
aux femmes que j’ai aimées
à tous ceux que mon cœur à croisés
avant que d’entrer dans les ténèbres
transmettez je vous prie
mon espérance testamentaire
nul chant nul solo
nulle symphonie nul concerto
qui porte nostalgie d’amour
et soif et faim de tendresse
ne sera perdu dans la détresse de la mer
voilà et puis encore ceci
par la dernière larme
par l’ultime halètement
par le dernier frémissement
par le moineau qui s’envole
par le geai sur la branche
par la dernière chanson
par la joie dans la grange
par le vent qui se lève
par le matin qui vient
tout simplement
je vous rends grâce
d’avoir été dans le bondissement
incroyable
de votre création
un pauvre hère mortel divin
et misérable
oui
tout simplement
un être humain
parmi les milliards
et les milliards de vos créatures
à présent que les feuilles
et les mains
de douce nature
me closent les yeux !
Mais Seigneur Dieu
comme la vie était jolie
en ma Bretagne bleue.
Trugarez Efllamm evit da bennad kaer en enor da Zavier Grall, ar barzh meur.
Merci Eflemm pour ton bel hommage à Xavier Grall. Oui, comme tu le dis, il s’agit d’un immense poète et en bien des aspects d’un prophète aussi. L’ayant visité quelques mois avant sa mort, Eric Bonnet m’avait dit : « J’ai vu Xavier Grall. Il ne peut plus respirer sans ses bouteilles d’oxygène. Il faut le voir et l’entendre : en lui c’est la Bretagne qui étouffe. »
Un de ses plus beaux textes, méconnu : la préface du Double Page de son ami Michel Thersiquel. Fulgurant de beauté et d’intelligence !