Le 27 janvier 1794, sur une proposition du député Bertrand Barère (celui qui voulait « effacer les effrayants souvenirs des rois »), la Convention décide que le français est la langue obligatoire pour tous les documents officiels. Voilà que, cataloguant les langues des peuples qui composent le Royaume de France, le député déclare :
“Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l’émigration et la haine de la république parlent allemand; la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle basque. Cassons ces instruments de dommage et d’erreur.”
Par la suite, les attaques sur la langue bretonne seront régulières, de la part d’élites qui n’ont rien à envier aux pires obscurantistes. Mais à côté de ces héritiers des « lumières », d’autres ont bien compris que la langue révèle l’âme des peuples. Ainsi, Mgr Duparc :
“Quand j’entends dire maintenant que le breton fléchit dans certaines paroisses, que les familles ne s’en servent plus parfois pour lire la Vie des Saints et l’Evangile du soir, qu’elles exigent trop souvent la substitution du catéchisme français au catéchisme breton, que l’enseignement public pousse délibérément nos enfants dans cette voie, j’en souffre comme évêque breton, et je m’unis à mes prêtres, à nos maîtres, à nos maîtresses catholiques, pour réagir contre un tel désordre et je rappelle à tous ce que je disais un jour (NDLR : le 9 juillet 1923) devant une assemblée savante (NDLR : Société Archéologique) :
“C’est la langue qui révèle l’âme d’un peuple, qui garde sa personnalité, qui protège sa liberté, qui entretien son patriotisme, qui unit fraternellement le coeur de ses enfants, qui enrichit son patrimoine intellectuel, qui traduit bien tout ce qu’il y a de plus intime, ses convictions religieuses et ses affections de famille. Quand une langue a de tels titres de noblesse, et qu’elle possède des poèmes comme ceux du Barzaz Breiz, des chants populaires comme ceux des “quatre cantons” de Bretagne et des oeuvres religieuses, historiques, poétiques, dramatiques, comme celles qu’admirent aujourd’hui les juges les plus autorisés, elle devrait pouvoir entrer la tête haute dans tous les établissements scolaires. Elle y apporterait sa note d’équilibre et de vigueur, et ne nuirait en rien à la culture grecque et latine, car son style et sa pensée n’ont rien de nuageux, et la mélancolie qui parfois la caractérise n’a pas moins de charme pénétrant que celle d’Homère et de Virgile.”
En lisant cet extrait de discours de Mgr Duparc, évêque de Quimper et Léon, le 6 septembre 1928, il est aisé de comprendre pourquoi certains se battent autant contre la langue bretonne, encore aujourd’hui : elle est encore contre vents et marées témoignage de l’âme d’un peuple. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’avons-nous fait de l’héritage séculaire de nos pères ? Ce texte n’a rien perdu de son actualité car encore aujourd’hui certains cherchent à dépouiller la Bretagne de ce qui faisait son âme propre. Une âme qui a forgé notre culture et notre patrimoine.
Yann-Ber Calloc’h (aka Bleimor) disait : “Apprends-moi les mots qui réveillent un peuple, et j’irai, messager d’espérance, les redire à ma Bretagne endormie.” Les témoignages divers que nous exhumons de nos archives, qui ne datent pourtant pas d’hier, aideront-ils au réveil ?