Saints bretons à découvrir

[POINT DE VUE] ERMINS AND STRIPES

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Nous initions ici une nouvelle rubrique. « Point de vue » donne la place à des chroniques proposées par certains de nos collaborateurs, donnant justement leur approche et leur vision de sujets divers; concernant l’actualité, l’Histoire, la société, etc… 

 

MORVAN MARCHAL

     

produits-bretons-celtes_240707_100617.jpgLes Bretons ont du talent. Morvan Marchal avait des talents. Né avec le 20ème siècle, il se fit architecte pour être dans la lignée du Grand Architecte de l’Univers en même temps que maçon initié. Contre le christianisme, il avait une aversion sans nuance. La croix noire lui causait des boutons rouges. Les années 20 étaient l’époque du Modern Style et des films où flottait, en noir et blanc, les Stars and Stripes de la cavalerie yankee au vent de la gloire de l’ extermination des sauvages Indiens. Voilà bien le drapeau sans croix dont  avaient besoin les Bretons des Arts Décoratifs.

 

Un carré herminé pour les régionalistes à nostalgies monarchiques, les bandes verticales du blason de Rennes deviennent horizontales, bien calibrées. Esthétiquement c’est  une réussite. Le Ermines and Stripes  est plus photogénique que son modèle étoilé.

Cela se passe à Paris. Le Cercle Breton de Paris adopte l’innovation. Morvan Marchal pensait-il faire oeuvre sérieuse par cette nouveauté ?  La question peut être posée, car Morvan ne bridait guère son sens de l’humour. Ses familiers savaient l’apprécier. Ainsi, dans les années 50, alors qu’il avait hérité de l’Eglise Positiviste d’Auguste Conte, il en avait fait l’Eglise Druidique et Positiviste. Dans son sanctuaire de la rue des Saints-Pères, son office comportait des cantiques bretons, dont une version païenne du Kantik ar Barados : Lugus, pegen bras eo / Plijadur an den meo…

***

L’accueil du nouveau drapeau ne fut pas partout enthousiaste. Le recteur de Scrignac demanda « Qu’est-ce que c’est que ce caleçon de bagnard ? » En effet, si à Rennes les bandes rappelaient le blason de la ville, les vieux Brestois y reconnaissaient un triste uniforme. Certains, en anglo-breton, le nommaient stripennaoueg. Dans l’ensemble, son impact fut léger.

 

JEU  DE  CROSSES

Ce que n’avait pas prévu Morvan Marchal, c’est que la nouvelle bannière serait bénite. Des chanoines s’avisèrent que, sous l’Ancien Régime, neuf houlettes épiscopales veillaient sur le troupeau breton. Neuf bandes, neuf diocèses, et voici « catholicisé » le drapeau sans croix. On baptisa gwenn Nantes, Rennes, Dol et St-Malo, évêchés putativement  non bretonnants (donc immaculés ?), et  du les évêchés (plus ou moins) bretonnants. L’ emblématique bretonne était ainsi saintement évidente.

 

Voilà qui est bien goupillonné, mais franchement vasouillard. En effet les diocèses de Basse-Bretagne ont été créés en 818-840 de par l’ ordre de Hlodovicus Rex et Imperator, ce qui n’est pas tout à fait de glorieuse mémoire et a causé quelque souci à Nominoé. Par ailleurs, à cette époque, Dol, St-Malo étaient bretonnants, Rennes et Nantes l’étaient en partie. Au 16ème siècle l’historien Pierre Le Baud énumérait trois diocèses « français », trois diocèses bretonnants et trois bilingues (Nantes, Vannes et Saint-Brieuc).  Le breton vannetais a vécu dans l’évêché de Nantes jusqu’au 20ème siècle.

 

Au total l’emblématique du drapeau de Morvan Marchal. se résume aux deux couleurs, ce qu’il partage avec bien d’autres compositions et ne lui donne aucun droit de préséance. Pour autant, le  ermins and stripes  a fait  ses preuves  comme médium de manifestation, de revendication, agent de  startijenn.  

Ce qui n’est pas une  raison pour trahir l’histoire. La Bretagne n’est  pas née en 1923 et n’a pas attendu la mort de Pierre Loti pour avoir son drapeau.  On discerne difficilement quelles tortueuses raisons  feraient  mettre au rancard le pavillon à croix noire de la flotte ducale et des navires marchands bretons, et qui ornait la poitrine des soldats de l’ armée bretonne. Cette croix noire qui, sur fond d’ or, marque la bretonnité du Pays de Retz et la parenté avec le Pays de Galles, où elle est la bannière de du saint patron, Dewi ; croix noire qui est aussi la pièce maîtresse du drapeau de la ville de Nantes.  

 

A.J.R.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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