Comment inciter les paroisses à l’expression de la foi en langue bretonne ?

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Le chant breton a-t-il la place qui normalement devrait lui revenir dans nos églises ?

Si les concerts de groupes comme les Kanerion Pleuigner, les Kaloneù Derv Bro Pondi, le Trio Kervarec et bien d ‘autres sont des lieux qui permettent d’entendre nos chants, les moments religieux sont bien moindres. Exit les cantiques bretons, sauf durant les pardons à qui on laisse encore un peu de liberté pour chanter le cantique local, voire quelques autres. Et encore, ça dépend où ! Ceux qui sont attachés à leur propre culture ne semble plus être que les derniers des mohicans au sein d’une hégémonie monolithique, issue d’un impérialisme linguistique, dans laquelle la langue du coeur n’a plus sa place.

Peu importe la paroisse, on retrouve les mêmes chants, les mêmes airs, issus des mêmes carnets anciens ou du renouveau charismatique. Pourquoi toujours faire appel au même répertoire dans nos liturgies ? Au Pays Basque, en Corse, à Tahiti, et ailleurs, on a la joie d’entendre des chants traditionnels durant les messes dominicales, tout au long de l’année. Pourquoi est-ce si compliqué en Bretagne d’entendre des chants bretons ? Nous vous proposons donc aujourd’hui des pistes d’action.

Une unité musicale dans la liturgie

Aujourd’hui, on retrouve les mêmes messes tout au long de l’année : St Paul, Pro Europa, St Boniface, Peuple de Dieu, Petite messe, St Jean… Or avant, en fonction du temps liturgique, le Kyriale (l’ordinaire de la messe) variait : on avait la messe Orbis Factor pour les dimanches en vert, le kyriale I Lux et Origo pour le Temps Pascal ou le kyriale XVII pour l’Avent et le Carême, le Kyriale IX Cum Jubilo pour les fêtes de la Vierge ou encore la messe des défunts (Kyriale XVIII) pour les funérailles, etc… Cela exprimait une certaine catholicité en même temps qu’on ponctuait l’année liturgique avec des musiques dédiées au temps liturgique, nourrissant la piété populaire en harmonie avec le cycle de la Liturgie. On retrouvait cela partout. Et les cantiques locaux (bretons dans notre cas) prenaient bonne place dans ce concert sacré chantant le saint mystère, enracinant cette foi dans une réalité culturelle concrète.

Tout cela a été plus ou moins effacé en même temps dans l’idée que le progressisme liturgique imposait l’éradication des langues locales, alors que l’inclusion de chants bretons dans le répertoire des messes peut être un moyen merveilleux de célébrer le Christ Jésus via la richesse culturelle de la Bretagne. Une richesse musicale auquel le monde séculier ne manque pas de faire honneur, que ce soit via les artistes bretons en concert, les bagadoù… Il suffit de voir comment sont fréquentés les concerts de chants sacrés bretons, d’orgue & bombarde… pour se dire qu’une vraie pastorale peut exister pour peu que l’on s’intéresse au fond culturel breton.

Des pistes inclusives pour le breton à l’église

Il est donc essentiel de travailler à ce que nos paroisses se saisissent à nouveau de ce patrimoine exceptionnel, tout en incitant à la création de nouveaux cantiques en breton. Voici quelques idées pour encourager les paroisses à adopter cette pratique :

  1. Sensibilisation culturelle : organisez dans vos paroisses des événements ou des ateliers pour sensibiliser les membres de la paroisse à la richesse culturelle des chants bretons. Expliquez l’importance de cette tradition, la continuité de ce que chantaient nos aïeux, et comment elle peut enrichir l’expérience spirituelle de la messe, à la fois par les paroles profondes des cantiques et par les mélodies parlant au coeur.

  2. Concerts : organisez des concerts de chants bretons dans les paroisses pour montrer la beauté de cette musique. Invitez des groupes locaux ou des artistes renommés pour captiver l’audience. Puis n’en restez pas à ces concerts et peu à peu, proposez des chants durant la liturgie.

  3. Collaboration avec des musiciens locaux : Encouragez la collaboration avec des musiciens bretons locaux. Beaucoup de paroisses ont des talents musicaux au sein de leur communauté, et cela peut renforcer le lien entre la foi et la culture locale.

  4. Adaptation des chants liturgiques : Encouragez l’adaptation en breton de chants liturgiques plus actuels. Sans mettre de côté le répertoire traditionnel, cela permet, via ce point d’entrée d’intégrer la culture locale de manière organique dans la liturgie. Vous pouvez aussi travailler comme certains à des chants bilingues ou trilingues à l’instar du sanctuaire de Lourdes.

  5. Ateliers de chant breton : Organisez des ateliers de chant breton au sein de la paroisse pour enseigner les mélodies et les paroles. Cela peut créer un sentiment de communauté et encourager la participation active. N’oublions pas le côté fraternel en proposant de se retrouver ensuite autour d’un verre de l’amitié.

  6. Incorporation progressive : Introduisez les chants bretons de manière progressive pour permettre à la communauté paroissiale de s’y habituer. Commencez peut-être par des occasions spéciales, comme les fêtes principales, avant de les intégrer régulièrement aux messes, en lien avec le projet missionnaire diocésain de Vannes qui demande à chaque paroisse de placer au moins un chant breton à chaque messe dominicale. Et pourquoi pas proposer l’angelus en breton à la fin de chaque office.

  7. Support pastoral : Impliquez le clergé et les responsables de la paroisse dans le processus. Assurez-vous qu’ils comprennent l’importance culturelle et spirituelle de l’inclusion des chants bretons. Que la liturgie s’enracine dans l’héritage breton, et ne soit pas hors-sol. Il s’agit là aussi d’une dimension non négligeable de l’écologie intégrale.

  8. Création de recueils de chants : Compilez des recueils de chants bretons adaptés à la liturgie. Facilitez l’accès à ces recueils pour les membres de la paroisse afin qu’ils puissent suivre et participer activement. En proposant la traduction en regard du texte breton, vous permettez à ceux qui ne comprennent pas le breton de suivre, voire d’adopter ensuite les chants en percevant la richesse théologique de nos cantiques. Pour cela, le site Kan Iliz est à votre disposition.

  9. Événements spéciaux : Organisez des célébrations spéciales dédiées à la musique bretonne au sein de l’église. Cela pourrait être une journée spéciale où la messe est centrée sur la culture bretonne, y compris les chants traditionnels.

  10. Promotion de l’unité : Soulignez que l’inclusion des chants bretons n’est pas seulement une expression culturelle, mais également une façon de renforcer l’unité et la diversité au sein de la paroisse.

Certains diront que nous ne sommes pas assez nombreux dans les paroisses. Il suffit pourtant d’une forte volonté, et d’être au moins deux ou trois à porter les projets, avec le soutien du recteur de la paroisse. Il est important d’adopter une approche collaborative et respectueuse, en encourageant la participation et en tenant compte de la diversité culturelle au sein de la communauté religieuse locale. Pour cela, l’idéal est d’avoir un bon équilibre français, latin et breton, permettant à chacun de se sentir rejoint.

Ensemble, nous devons tisser les fils de la foi et de la culture, guidés par la mélodie magnifique de tous nos chants bretons. Dans l’éclat des messes, nous devons redécouvrir la richesse de notre patrimoine, une symphonie qui résonne au cœur de la dimension spirituelle bretonne et dans le chant des peuples pour Dieu. Nous devons inviter la communauté à embrasser cette expérience unique, unissant les traditions sacrées à la vivacité de notre héritage breton. En intégrant ces chants dans nos célébrations, nous élevons nos voix dans une diversité qui ferait la force de nos paroisse. C’est bien plus qu’une harmonie musicale ; c’est une expression vibrante de qui nous sommes et de notre foi commune, pour la gloire de Dieu. Au-delà des sensibilités, nous devons donc nous unir dans ces instants, où chaque note devient une prière, et où la culture et la foi se rejoignent, vecteur d’évangélisation. Ensemble, chantons le futur de nos paroisses, mêlant l’héritage breton à la lumière éternelle de la foi. Evit Doue ha Breizh.

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Un commentaire

  1. Mille fois d’accord.

    C’est jouable. Dans le cadre de la paroisse, nous avons en plusieurs années, dans l’ordre de réalisation, une messe mensuelle totalement ou partiellement en breton a minima tous les cantiques, un groupe de chanteurs entre 20 et 30 personnes qui répètent deux fois par mois et enfijn, tous les 5 ou 6 semaines, trois cantiques en breton à tous les messes dominicales.

    Mais nous sommes trois/quatre à gérer cela et c’est lourds et surtout, la question de la relève des « organisateurs » se pose.

    Allez y, cela existe.

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