Le 4 août 2018, à l’Abbaye sainte Anne de Kergonan, pour le cinquantenaire de l’encyclique du bienheureux pape Paul VI : « Humanæ Vitæ »
Conférence du Cardinal Robert SARAH, Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements
« Humanæ Vitæ, voie de sainteté »
Je n’ai pas lu l’encyclique du bienheureux pape Paul VI en date du 25 juillet 1968.
Elle commence par la phrase latine : « Humanae vitae tradendae munus gravissimum » dont les deux premiers mots vont lui donner son titre : « humanae vitae ». La traduction française en est : « le très grave devoir de transmettre la vie humaine ».
La suite sur le site du Vatican (cliquez ici)
Mais je sais qu’à la suite du concile Vatican II que le Pape Paul VI avait clôturé le 7 décembre 1965, le Saint Père, conscient de l’importance de son ministère pétrinien, s’était réservé la question du contrôle des naissances que la lettre encyclique dont on célèbre le demi-siècle est venu trancher.
Je sais aussi que le point de vue adopté par le pape, reprenant les termes même de la constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes, n° 50-2), adoptée le 21 novembre 1964 par les pères conciliaires à une majorité de 2151 voix contre 5, n’a pas suivi la voie entrevue par la majorité qui s’était exprimée au sein du concile œcuménique Vatican II.
Je n’ai, à mon grand regret, pu être présent le samedi 4 août à l’abbaye de Kergonan, près de Carnac en Morbihan pour écouter la conférence du cardinal Robert Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, intitulée : « Humanae vitae, voie de sainteté » en l’honneur du cinquantenaire de la dite encyclique.
Mais je sais qu’il faut, pour le moins, un bon demi-siècle pour apprécier à leurs justes mesures et les textes conciliaires sur un sujet aussi épineux que celui de l’amour conjugal et de la fertilité du mariage et, pour ce qui concerne plus spécialement le contrôle des naissances, la lettre encyclique du bienheureux pape Paul VI, dont les cérémonies pour la canonisation sont, d’ores et déjà, prévues à Rome le 14 octobre prochain.
Alors, j’ai été lire le texte de la conférence publié sur le site suivant.
Voici, ce qu’en a dit le conférencier, après avoir, en préliminaire, montré que le titulaire du ministère pétrinien avait fait preuve, en l’espèce, pour le moins, d’une courageuse « parrésia »
C’est dans son exhortation « Gaudete et exultate » du 18 mars 2018, au N° 129, que le Pape François nous explique ce qu’est la parrésia : « nous avons besoin de l’impulsion de l’Esprit pour ne pas être paralysés par la peur et par le calcul, pour ne pas nous habituer à ne marcher que dans des périmètres sûrs. Souvenons-nous que ce qui est renfermé finit par sentir l’humidité et par nous rendre malades. Quand les Apôtres ont senti la tentation de se laisser paralyser par les craintes et les dangers, ils se sont mis à prier ensemble en demandant la parresía : « À présent donc, Seigneur, considère leurs menaces et [permets] à tes serviteurs d’annoncer ta parole en toute assurance » (Ac 4, 29). Et la réponse a été que « tandis qu’ils priaient, l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31) ».
Ne serait-ce qu’en raison de la parrésia dont a fait preuve son auteur, l’encyclique « Humanae Vitae » mérite largement d’être célébrée.
Lucidité prophétique
A l’occasion de son audience générale du 31 juillet 1968, Paul VI a présenté lui-même son encyclique dans ces termes : « Nous avons pesé les conséquences de l’une ou de l’autre décision, et Nous n’avons pas eu de doute sur Notre devoir de prononcer Notre sentence dans les termes exprimés par la présente encyclique »
Risquant le reproche de « procrastination » qui lui sera fait, il lui a fallu quatre années de réflexions pour se prononcer sur l’épineuse question qu’en sa qualité de représentant du ministère pétrinien, il s’était réservé.
Une erreur de perspective
Le conférencier s’attache tout d’abord à prévenir son auditoire :
« Accueillir Humanæ Vitæ n’est donc pas d’abord une question de soumission et d’obéissance au Pape, mais d’écoute et d’accueil de la Parole de Dieu, de la bienveillante révélation de Dieu sur ce que nous sommes et sur ce que nous avons à faire pour correspondre à son amour. L’enjeu est en fait celui de notre vie théologale, de notre vie de relation avec Dieu. Les Cardinaux, les Evêques et les théologiens qui ont rejeté Humanæ Vitæ et incité les fidèles à la rébellion contre l’Encyclique se sont donc mis délibérément et publiquement en lutte contre Dieu lui-même. Le plus grave, c’est qu’ils invitent les fidèles à s’opposer à Dieu ».
Une vérité conforme à la raison et confirmée par la révélation
Le caractère raisonnable fonde l’affirmation de Paul VI confortée par les propos de Jean-Paul II : « les normes morales d’Humanæ Vitæ font partie de la loi naturelle. Tout homme de bonne volonté peut pressentir et découvrir qu’une attitude contraceptive est contraire à la vérité humaine de l’amour conjugal » (Saint Jean-Paul II, Audience générale du 7 décembre 1981)
Par l’Encyclique Humanæ Vitæ, l’Église ne fait que transmettre ce qu’elle a reçu de Dieu lui-même. Elle n’a pas, elle n’aura jamais le pouvoir d’y changer quoi que ce soit. La norme morale d’Humanæ Vitæ « appartient non seulement à la loi morale naturelle, mais aussi à l’ordre moral que Dieu a révélé : de ce point de vue également, elle ne pourrait être différente mais seulement et uniquement telle que la transmettent la Tradition et le Magistère » (Saint Jean-Paul II, Audience générale du 18 juillet 1984)
L’enjeu est bien, affirme le cardinal, « celui de notre vie théologale, de notre relation avec Dieu ». Rien de moins !
Trois erreurs
Trois pièges à éviter pour une bonne réception de l’encyclique « Humanae Vitae », notamment le passage suivant :
N° 16 : «Si donc il existe, pour espacer les naissances, de sérieux motifs dus, soit aux conditions physiques ou psychologiques des conjoints, soit à des circonstances extérieures, l’Église enseigne qu’il est alors permis de tenir compte des rythmes naturels, inhérents aux fonctions de la génération, pour user du mariage dans les seules périodes infécondes et régler ainsi la natalité sans porter atteinte aux principes moraux que Nous venons de rappeler.(Cf. Pie XII, A.A.S. 43 (195 1), p. 816.)».
1° – chez les fidèles et les époux
« Il faut dire combien le refus des pratiques et de la mentalité contraceptives libère le couple des pesanteurs de l’égoïsme. Une vie selon la vérité de la sexualité humaine libère de la peur! Elle libère les énergies de l’amour, elle rend heureux! » Et s’adressant à son auditoire : « vous qui le vivez, dites-le! Écrivez-le! Témoignez! C’est votre mission de laïcs! L’Église compte sur vous, elle vous confie cette mission!
Vous devrez donc témoigner du fait que l’encyclique Humanæ Vitæ ne doit pas être reçue avec une obéissance qui ne serait que matérielle. Elle doit être reçue avec intelligence et l’assentiment du cœur. L’intelligence doit s’approprier la vérité qui y est contemplée et dévoilée. Le cœur doit désirer le bien proposé à notre amour. »
2° – erreur, à imputer aux moralistes et théologiens
« Quand on vous dit: il y a des situations concrètes qui peuvent justifier un recours au contraceptif, on vous ment! On vous prêche une doctrine frelatée (cf 2 Cor 2, 17) ! Bien plus, on vous fait du mal, car on vous indique une voie qui ne conduit ni au bonheur, ni à la sainteté ! »
« Le bien du couple passe toujours par une vie selon sa nature profonde, selon son être. «Les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte « subjectivement » honnête ou défendable comme choix» (Saint Jean-Paul II, Veritatis Spendor, 81.)
La 3° erreur se trouve chez les pasteurs, prêtres et évêques
Comme le dit Paul VI, « Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes » et, s’adressant aux évêques, le Bienheureux Pape continue: « Travaillez avec ardeur et sans relâche à la sauvegarde et à la sainteté du mariage, pour qu’il soit toujours davantage vécu dans toute sa plénitude humaine et chrétienne. Considérez cette mission comme l’une de vos plus urgentes responsabilités dans le temps présent » (HV 29 et 30)
Le cardinal poursuit ainsi : « Paul VI nous a montré par son encyclique un bel exemple de charité pastorale, n’ayons pas peur de l’imiter! Notre silence serait complice et coupable. N’abandonnons pas les couples aux sirènes trompeuses de la facilité! »
Remarquons d’ailleurs, ajoute le cardinal, « que notre célibat est un gage de crédibilité. Si nous vivons en vérité la joie d’une vie donnée dans la continence totale pour le Royaume des cieux (cf Mt 19,12), nous pouvons prêcher la joie d’une vie d’époux donnée dans la fécondité responsable et dans la générosité de la continence périodique quand cela est nécessaire. »
Une raison supplémentaire, s’il en était besoin, de prêcher la tolérance zéro pour tout ce qui concerne les abus sexuels commis par des ecclésiastiques, particulièrement à l’égard des enfants.
Une voie de sainteté pour les couples
A la suite des Pères conciliaires qui avaient déjà évoqué la « sainteté du mariage et de la famille » (Gaudium et spes N° 48), Paul VI encourage ainsi les couples à « conformer leur conduite aux intentions créatrices de Dieu » (HV 20)
Il s’agit bien là, pour le conférencier, « de la voie d’une spiritualité de communion avec le projet du Créateur car la volonté de Dieu ne constitue pas pour l’homme une loi imposée de l’extérieur, qui le force, mais la mesure intrinsèque de sa nature, une mesure qui est inscrite en lui et fait de lui l’image de Dieu, et donc une créature libre. (…) Dès lors, nous n’avons pas à dominer ou à manipuler arbitrairement la nature, notre propre nature, mais, comme dit le Pape François (laudato si, n° 106), à l’accompagner, à se plier aux possibilités qu’elle offre. Il s’agit de recevoir ce que la réalité naturelle permet de soi, comme en tendant la main. Car à travers notre nature, celui qui nous tend la main et se révèle; c’est l’auteur de la nature: le Créateur. »
Pour autant ce n’est pas là un dispositif naturel, « écologique » de régulation des naissances : « ce milieu naturel n’est pas seulement un matériau dont nous pouvons disposer à notre guise, mais c’est l’œuvre admirable du Créateur, portant en soi une « grammaire » qui indique une finalité et des critères pour qu’il soit utilisé avec sagesse et non pas exploité de manière arbitraire. (cf. Benoit XVI, Caritas in veritate, n° 48) ».
Le cardinal précise : « Paul VI encourage ainsi les couples à « conformer leur conduite aux intentions créatrices de Dieu » (Saint Jean-Paul II, Audience général du 1er août 1984). Il y a dans cette volonté d’épouser l’intention créatrice une véritable voie d’union théologale à Dieu en même temps que de juste réalisation de soi. C’est vraiment aimer Dieu que d’aimer ce que sa sagesse a inscrit dans ma nature. Et cela ouvre à un juste et réaliste amour de soi. »
Un art de vivre
A propos des méthodes « naturelles » de régulation des naissances, Saint Jean-Paul II, au cours de son audience générale du 5 septembre 1984, apportait la précision suivante : « il arrive souvent que la méthode, détachée de la dimension éthique qui lui est propre, soit mise en œuvre de manière purement fonctionnelle, et même utilitaire. Si l’on sépare la méthode naturelle de sa dimension éthique, on cesse de percevoir la différence qui existe entre elle et les autres méthodes et moyens artificiels, et on arrive à en parler comme s’il s’agissait simplement d’une autre forme de contraception ». Le Cardinal Lopez-Trujillo parlait, à ce propos, de méthodes naturelles qui se transforment en « contraceptions écologiques » (Cardinal Lopez-Trujillo, in Famille chrétienne, 17 novembre 2001, p. 23.) parce qu’elles sont utilisées dans une mentalité hédoniste, fermée à l’accueil de la vie. »
En définitive, les méthodes, même « naturelles », de régulation des naissances, mais, « vécues que matériellement sans ce contexte de responsabilité, de générosité, de charité qui leur est connaturel », précise le Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, restent inadmissibles.
Sinon, la seule véritable contraception (d’une redoutable efficacité) restera donc l’abstinence pure et simple, mais, semble-t-il, sous la condition d’être vécue par les époux dans un contexte «de responsabilité, de générosité, de charité » …
Entrer dans l’adoration
Selon les mots de Jean-Paul II au cours de son audience générale du 21 novembre 1984, « le respect pour l’œuvre de Dieu contribue à faire en sorte que l’acte conjugal ne soit pas dévalué et privé d’intériorité, qu’il ne devienne pas une « habitude », et qu’en lui s’exprime une adéquate plénitude de contenus personnels (…) mais aussi de contenus religieux, c’est-à-dire la vénération pour la majesté du Créateur, unique et ultime dépositaire de la source de la vie ».
« En vérité », affirme le conférencier, « c’est bien la pointe de ce qui est en jeu dans Humanæ Vitæ. (…) Humanæ Vitæ ouvre bien une voie de sainteté conjugale, une pédagogie de l’adoration, de la réception filiale et adorante du plan divin. Dieu lui-même est ainsi aimé comme un Père, ses dons sont reçus avec reconnaissance et vénération. Sa bienveillante majesté est expérimentée par les époux ».
Et, s’adressant à l’assistance, le cardinal poursuit en ces termes : « votre amour d’époux doit ressembler à l’amour de Jésus, et l’amour de Jésus est un amour qui va jusqu’au bout de l’amour, jusqu’à la mort sur la Croix. En effet, aller jusqu’au bout de l’amour, c’est mourir pour ceux qu’on aime. Pour cela il est impossible d’entrer dans l’Amour sans entrer dans la souffrance, sans mourir comme le Christ. Car Dieu nous a prédestinés à reproduire l’image de son Fils, Jésus, afin qu’il soit l’Aîné d’une multitude de frères (Rm 8, 29) ».
La voie royale de la Croix
« Oui, chers amis, chers époux, je ne vous prêche pas la facilité. Je vous annonce Jésus, Croix des soucis matériels qu’engendre la générosité dans l’accueil de la vie, Croix des difficultés dans la vie du couple, Croix de la continence et de l’attente à certaines périodes ».
« Les tentatives toujours renaissantes d’un christianisme sans sacrifice, un christianisme liquide, à l’eau de rose, sont vouées à l’échec » (Saint Jean-Paul II, 23 septembre 1983). Le Catéchisme de l’Église Catholique l’exprime avec force : «C’est en suivant le Christ, en renonçant à eux-mêmes, en prenant leur Croix sur eux que les époux pourront « comprendre » le sens originel du mariage et le vivre avec l’aide du Christ. Cette grâce du mariage chrétien est un fruit de la Croix du Christ, Source de toute vie chrétienne» (CEC 1615)
« Car ce qui est arrivé sur la Croix, c’est tout à la fois la plénitude de la souffrance et la victoire sur la mort, le sacrifice parfait et la joie la plus grande, la conséquence du péché et la consommation de la sainteté. La famille est un lieu d’immense bonheur parce que c’est un lieu d’amour, donc un lieu au centre duquel se dresse la Croix, la source de tout amour. »
Et de conclure par ces mots : « Comme le disait Benoît XVI à l’occasion du 40ème anniversaire d’Humanæ Vitæ, il y a dix ans : « Ce qui était vrai hier, reste également vrai aujourd’hui. La vérité exprimée dans Humanæ Vitæ ne change pas. » Et la nécessaire invocation : « Que Dieu protège l’Eglise et que l’Eglise protège les familles et le monde ! »
Mon père m’avait enseigné, adolescent, les deux instincts qui régissent le monde animal et humain : l’instinct de conservation et l’instinct de reproduction, celui-là étant un aspect du premier, étant observé que si l’on peut mourir de faim, l’abstinence sexuelle n’a jamais tué personne.
Mon père m’avait montré la sagesse du créateur qui avait mis chez l’homme du plaisir dans la satisfaction de ces deux instincts, plaisir de bouche, plaisir de chair. (En effet, quoi de plus ragoûtant que d’ingurgiter des produits destinés, en définitive, à être éliminés par défécation et miction, sans parler de la mécanique copulatoire, observation étant faite de la proximité des organes utiles à la satisfaction de l’une et l’autre de ces fonctions ?…. )
Il m’avait appris non pas l’abstinence mais le jeûne, à quitter la table sans être totalement rassasié, à apprécier les mets savoureux tout en se gardant du gras sucré, que c’était là une excellent façon de se garder en bonne santé, sachant que « c’est avec les dents que l’on creuse sa tombe » !!.
Et puis, on n’est pas des bêtes !
N’est-ce pas ce qu’enseigne l’encyclique de Paul VI pour ce qui est du « très grave devoir de transmettre la vie » ?