En 2007, l’écrivain spécialiste du scoutisme, Christophe Carichon nous avait gratifié d’un excellent livre «Scouts et Guides en Bretagne». Loin d’avoir épuisé le sujet, il nous offre un second ouvrage consacré à quelques « Grandes figures du scoutisme » (1). Figures fondatrices : Antoine Cornette, Jacques Sevin, Paul Coz, Arthur de Salins, Louis de Maud’huy, Paul Doncoeur, Guy de Larigaudie, Michel Menu, Jeanine Chabrol, et quelques autres personnalités qui marquèrent de leur personnalité très forte cette « Grande aventure » de la jeunesse.
Cependant, ces figures sont celles d’un scoutisme français, ce qui n’est pas dans notre propos un reproche, mais un constat, car ce qui dans cet ouvrage très complet nous intéresse, ce sont deux autres figures, bretonnes : celles de Perig et Lizig Géraud-Keraod, fondateurs en 1946 d’un scoutisme authentiquement breton, les Scouts et Guides Bleimor, avant de devenir les piliers fondateurs des scouts et guides d’Europe et des Europa Scouts. Dans les années 60-70, avec bien d’autres, ils seront les sauveteurs de l’authentique scoutisme livré à une remise en question destructrice de ce qui en faisait un scoutisme chrétien, catholique, une école d’honneur, de don de soi, une école, pour peux que les jeunes restent fidèles à leur promesse.
Dans cet ouvrage, Christophe Carichon reprend des thèmes de son premier livre, ce qui n’en fait pas pour autant un doublon, mais le complète. En ce qui concerne Perig et Lizig Géraud-Kéraod, effectivement, l’auteur ne se prive pas de reprendre la biographie de nos deux bretons du premier livre. Cela est d’autant plus normal qu’il n’y a pas trente-six façons de conter des vies aussi riches, tout en nous apportant de l’inédit. L’aventure des Scouts et Guides Bleimor est longuement traitée, prouvant ainsi que ce scoutisme breton ne fut pas une anecdote folklorique, mais une belle réalité qui compta beaucoup, à tel point -mais cet épisode n’est pas indiqué – qu’à l’initiative d’Etienne de Monneron et de quelques autres, un revival des Bleimor fut initié dans les années 2000. Précisons qu’actuellement, une troupe malouine tente de remonter un groupe Bleimor. Par ailleurs, le bagad Tri Bleiz – malgré des embûches – s’inscrit dans les pas du Bagad Bleimor.
Notons encore que l’auteur cite Herry Caouissin et son épouse Janig Corlay qui créèrent en 1943, le mouvement de jeunesse bretonne, l’Urz Goanag Breiz (Ordre de l’Espérance de Bretagne) qui devait disparaître dans la tourmente des évènements de 1944, mais dont s’inspireront les Géraud-Keraod. De même est cité le père Joseph Chardronnet, autre figure remarquable d’un Mouvement breton qui était alors profondément chrétien, et qui fut longtemps l’aumônier des Bleimor.
Ce livre est donc le complément du premier et rend un juste hommage à ces personnalités qui consacrèrent leur vie, leur foi chrétienne à des générations de jeunes. En ce qui concerne Perig et Lizig Géraud-Keraod, l’hommage est plus que mérité, tant ils semblent être bien oubliés, même par les scouts et guides d’Europe d’aujourd’hui. Ils reposent au cimetière de Pontivy, à l’ombre d’une magnifique croix celtique de granit.
NDLR : La responsable de la communication des guides et scouts d’Europe Anne Poirier Hirel nous signale à la lecture de cet article que « Perig et Lizig Géraud-Keraod ne sont pas oubliés chez les guides et scouts d’Europe. Ainsi depuis la rénovation de nos locaux à Château Landon, une salle porte leur nom au même titre que le Père Sevin ou Lord and Lady Baden Powell ».
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1)
- Scouts et Guides en Bretagne, édition Yoran embanner. 25 euros.
- Grandes figures du scoutisme, édition Artège. 21,90 euros.
Ce qu’était Bleimor correspondait à une époque et notre époque a besoin d’autre chose. C’est ce que me disait une ancienne Telenn Bleimor il y a 12 ans alors que je lui faisait part de « l’expérience Bleimor » dans les années 19998-2004. Effectivement. Le « revival » qu’a tenté certains GSE il y a 20 ans était honnête et généreux mais son appellation Bleimor n’avait pas grand-chose à voir avec le scoutisme Bleimor des origines, seul le « badge » pouvait faire sens dans une référence historique qu’il convient de ne pas mythifier. S’il est bien vécu, la pédagogie scoute traditionnelle (SUF, GSE) telle qu’elle est, est formidablement riche, et elle permet parfaitement de « jouer et vivre » la matière et l’identité bretonne sans avoir besoin de « se coller » une identité supplémentaire. Il convient d’être vigilant et prudent sur cette tentation identitaire dans le scoutisme, symptôme d’un appauvrissement pédagogique et d’une déviance de fond, qu’on observe ci et là.
Dans l’article, il y a un beau mélange des genres « feiz-ha-breiz-centré » qui dépasse largement le fait et la pratique scoute. PGK et Lizig sont reconnus pour bien plus que leur bretonnité : vision pour la paix, capacité à rassembler, pédagogie scout, etc. Tout le travail de formalisation qu’avait mené PGK n’a pas laissé de « trace bretonne » notamment dans le cérémonial des GSE, mais permet l’expression juste et harmonieuse de chaque peuple. C’est sans doute pour cela que le livre ne met pas davantage en avant de bretons.
Non, le cérémonial des GSE ne permet pas l’expression juste et harmonieuse de chaque peuple. Cela aurait pu l’être, mais par exemple trouvez-moi un seul endroit capable d’accepter qu’un jeune fasse sa promesse en breton. Non que ce jeune veuille cela comme une bannière identitaire, mais parce qu’il vit la Bretagne de tout son coeur et que ce moment essentiel qu’est la promesse, il veut la vivre dans la langue de son coeur. Aucun groupe n’est capable de l’accepter, parce que soit ils s’en moquent, soit il n’y a personne pour recevoir cette promesse en breton. Or à l’époque de PGK, il y avait cette volonté de transmettre la culture et la langue. Lorsque PGK a été écarté, le reste l’a été avec lui. Que quelques personnes tentent ici et là non de refaire vivre le passé, mais de se placer dans un certain héritage pour vivre un scoutisme d’aujourd’hui dans leur langue ou du moins avec un peu de leur culture ne parait donc pas délirant. Et ce n’est pas pour autant que ces personnes sont de facto dans de l’identitarisme. Que reste-t-il comme choix à ceux qui veulent vivre leur vie en breton si des discours comme le vôtre et bien d’autres les stigmatisent, jusqu’à les ghettoïser ?
Tentative identitaire, dites-vous ?
A chaque fois que des Bretons essaient de lever la tête et veulent par exemple vivre un scoutisme conforme à leur vie, assumant une identité propre (sans être dans l’identitarisme que vous fustigez à raison), il faut que des gens – et vous semblez être de ceux-là – critiquent cette volonté. Seul devrait rester le suprémacisme franco-français, avec un vernis folklorique en fonction du lieu où l’on vit ?
Nous n’avons plus le droit de vivre dans notre langue que dans la sphère familiale, et cela devrait suffire ?
L’expression juste et harmonieuse de chaque peuple est loin d’être là aujourd’hui dans les groupes scouts. La dérive identitaire, elle est dans la tête de tous ceux qui pensent que la Bretagne ne vaut qu’un badge sur un uniforme… et encore !
La dérive identitaire, elle est dans la tête de tous ceux qui, n’apprenant pas le breton et se contentant (et c’est leur droit) de monolinguisme alors qu’ils sont en Bretagne, au lieu de s’occuper de leurs affaires, imposent ce schéma de pensée à tous, y compris ceux qui ne souhaitent simplement que vivre en breton, sans rien demander d’autre. Un colonialisme de la pensée qui montre que la reconquête bien française à tendance conservatrice, elle est également là, cachée dans ces bons sentiments. Et ça, ca dépasse aussi largement le fait et la pratique scoute.
Dissoudre et coaguler, qu’ils disaient…
Si, je vous assure, le cérémonial le permet mais il y a l’humain qui ne permet pas toujours. Vous savez, avant de vouloir proposer un « scoutisme d’expression bretonne », il s’agit d’abord de « proposer du scoutisme ». Ça peut paraitre simpliste mais c’est fondamental et ça ne s’improvise pas. Bien-sûr, il ne faudrait pas que ce soit une excuse pour ne pas en rêver et œuvrer pour cela.
Soñj m’eus eus ur Gouel Erwann a veze lidet bep ploaz e miz Mae, e-kreizig an « Arènes de Lutèce » (Pariz), er bloavezhioù 60…Un darvoud prizius ha pouezus e veze evit « les Bretons de Paris ». Soñjit’ta..bez eo bet betek 800.000 breton e rannvro Bariz, kêr ha rak-kêr, e bloavezhioù hanter-kant…
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Ur stalig Skaouted Bleimor a veze savet en ur c’horn eus ar Gouel-mañ. War an taol, e veze diskouezet kazetennoù (« Sturier » hag all) ha traouigoù a-bep-seurt evit prennañ. En o souez ar vandenn « Bleimor ».
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N’ouian ket perak e felle din tapout unan nevez (marteze e oa aet da gozh pe dam-zistrujet an hini a oa staget-gwriziennet ouzh skoaz ma roched a zkaout ?). Perig hag a oa oc’h ober war-dro ar stalig war an empoent, just a-walc’h, a c’houlennas diganin ma ouien ar pedenn « Hon Tad », e brezhoneg evel-just?
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Breton e oan, sklaer e oa em c’halon. Bleizig (pe skaout dija ?) ba’Bleimor e oan. Siwazh, a bedenn « Hon Tad » ne ouien ket anezhi (ken). Ma vefe bet eñ o c’houlenn diganin lâred un « Ni hon Salud Mari », ne vije ket bet kudenn ebet. An div bedenn-mañ am boa desket war varlenn ma Mamm-gozh. Siwazh, ankounac’haet e oa bet ar bedenn « Hon Tad » ganin (re hir pe re ziaes da virout em memor) !
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Ha setu perak e chomfen hep prennañ ur vandenn « Bleimor » nevez. An devezh-mañ.
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Hanter-kant bloaz diwezhatoc’h eo bet cheñchet penn-da-vazh. Echu gant « Bleimor ». Mes bep sul, e-kerz an overenn ordinal, e tistagan ar bedenn-mañ (hini anvet « Hon Tad ») e brezhoneg. Forz pelec’h emaon !
bleizig a veze lavaret evit « louveteau » ?
Aujourd’hui, on constate une dérive identitaire dans certaines unités scoutes bretonnes, pour être « bon breton pour être bon français » signe d’une récupération du « fait traditionnel et religieux breton » au service d’une reconquête (sic) bien française à tendance conservatrice « recroquevillée » et nationaliste française. On est bien loin de l’esprit Bleimor.
Je ne vois pas ce qu’il y a de répréhensible à défendre l’identité bretonne aussi bien dans le scoutisme qu’en dehors en se plaçant dans la lignée de la mouvance Feiz ha Breizh. Ce n’est pas du passéisme, mais une continuité organique en puisant dans les racines de l’emsav catholique bretonne pour transmettre notre culture et notre foi aux générations futures.
C’est le travail que fait notamment le pélé Feiz e Breizh, dont une bonne partie des fondateurs et organisateurs sont des anciens de l’AGSE, qui assume l’héritage Bleimor.(notamment lors des veillées).
Le terme identitaire devient un gros mot comme si c’était un repli sur soi, alors qu’il s’agit d’une démarche missionnaire ouverte à tous. Dans la lignée de Y.B Kalloc’h, il n’y a aucune incompatibilité entre petite et grande patrie. De même, le conservatisme n’est pas un gros mot, c’est une pensée politique tout à fait respectable qui a irrigué le catholicisme français et breton et qui continue encore de le faire en résistant à la mondialisation acculturante.
Ce qui est sidérant, ce sont toutes les personnes qui, chaque fois qu’un Breton veut pouvoir vivre sa langue et sa culture chez lui, c’est à dire en Bretagne, il y a toujours des gens pour les reprendre…. « pas bien »… « repli identitaire ». « Il faut s’ouvrir »….. Lorsque la Bretagne était encore bretonnante, tous ces poncifs étaient déjà récités ad nauseam…. Dès qu’une personne non bretonnante arrivait, il fallait se taire et parler français, car parler breton était malpoli en présence d’une personne ne parlant pas breton….. Je l’ai moi-même vécu vers l’âge de 12 ans, entre autres souvenirs, d’une caissière s’adressant à ma mère: « il est normal votre enfant? », en m’entendant parler breton….Quel racisme que de considérer la langue bretonne comme un handicap mental…. Résultat: entendez-vous parler breton aujourd’hui dans la rue? Non. Presque jamais. Le français et d’autres langues, oui. Pas le Breton.
Et si nous disions que parler français en France quand on est en présence d’une personne non francophone était malpoli, que dirions-nous? Que c’est stupide? Assurément!!!! Que cela conduirait à l’extinction de la langue française? Et bien oui!!!
Alors pourquoi ce raisonnement que l’on a pour la langue française et d’autres langues ne doit pas s’appliquer à nous, Bretons? Ras le bol de devoir mettre notre langue sous le boisseau alors que nous sommes chez nous. Notre langue, notre culture, notre pays et même nos cerveaux (a tel point que les bretons ont tout renié) ont été volés, colonisés, exploités, détruits et on devrait encore dire Amen à cela pour ne pas faire de « repli identitaire »?
Il faut aller au bout de la logique: si un peuple, CHEZ LUI, n’a pas le droit de défendre sa langue et sa culture, c’est qu’il est colonisé.
Si vous ne voulez pas d’identité, alors il faut un gouvernement mondial, une seule langue mondiale, et une « culture » mondiale. Car en définitive, pourquoi un peuple doit-il toujours s’effacer au profit d’un autre?
Trawalc’h!!!!!
Pour moi, c’est simple: si quelq’un ne veut pas de la langue bretonne en Bretagne, qu’il parte de Bretagne. Si quelqu’un ne veut pas de la langue française en France, qu’il parte de France. Si quelq’un ne veut pas de la langue Coréenne en Corée, qu’il parte de Corée. Point barre…..
@An Erminig
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Klevout a ran ar pezh a lavaroc’h. Mes ho hir a zisplegadur-mañ a zo lâret e galleg hepken. Lakomp e vefec’h gouestl da lâred tra pe dra e brezhoneg. Ha pa vefe ur frazenn, ur gêr, ur gêrig nemetken. Grit ! Kit e brezhoneg ! Piv a zifennfe ouzhoc’h ober gant ar yezh, war ul lec’hienn internet pe dre straejoù ar gêr, pe e lec’hioù publik ?
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Aon d’ober fazioù ? Forz peseurt babig o teskiñ ar yezh gant e vamm, da gentañ-penn, ha pelloc’hig gant an dud all (tad, breur ha c’hoar, hag all) tro-dro dezhañ, a ra fazioù….
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Aon nompas anaoud ha kaout gerioù niverus, liesseurt, resis a-walc’h evit lâred e soñj dezhañ ? Forz peseurt beajour o fouetañ broioù estren a zo o taliñ ar memes diaesamanchoù.
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Neuze….Selaouit da gentañ, klaskit c’hwi ho-unan da heul…
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E galleg, evit echuiñ :
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Quelqu’un de mon entourage eut un jour cette remarque : « Tu es heureux quand tu parles breton ! ». Ha koulskoude, ur mailh n’on ket, a c’hellit krediñ ! Et pourtant, je n’en ai pas si souvent l’occasion. Et je suis conscient des fautes et erreurs que, dans l’instantanéité du flot, je produis. Pis, je suis même conscient que mon interlocuteur (d’un niveau supérieur) est lui aussi conscient de ces petites griffures (mutations parfois) ou maladresses (de syntaxe), lesquelles m’atteignent autant qu’elles ne l’atteignent…
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Pourtant, c’est en forgeant (et en lisant) que l’on devient…bretonnant. Les générations qui viennent pourront reconquérir un niveau de langue enviable, si elles s’y attellent. Les outils sont là, développés, disponibles, nombreux. Merci à ceux qui y ont concouru et continuent de le faire, avec abnégation. Le breton est une langue bien décrite, par nos grammairiens et linguistes, désormais.
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La langue peut vivre. Comme vecteur d’échange, ici ou là, entre amis ou connaissances ou inconnus de passage. Au su et à l’insu des oreilles environnantes. Pas besoin de se cacher, de claironner ou fanfaronner. Parler suffit. Merveille de la langue.
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Alors soyons heureux et parlons breton ! Ou plutôt : parlons breton, cela nous rendra heureux !
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N’eus nemet kaozal e brezhoneg evit dont da vezañ eurüs pe eurüsoc’h !
@an erminig Identité et identitarisme sont deux choses bien différentes. Vous avez bien raison de redire que l’identité est précieuse et qu’elle n’est en rien un replis. L’identité bretonne est bien-sûr belle et bonne.