De nombreux pardons ont lieu l’été en Bretagne. Je n’évoquerai pas ici les grands pardons comme Sainte Anne d’Auray, Sainte Anne la Palud, Le Folgoët, Notre Dame de Toute Aide à Guingamp… Ces événements attirent des foules, drainant jeunes et anciens, touristes et Bretons, croyants ou non, pratiquants ou non…
Mon sujet concerne ici les petits pardons locaux, qui font vivre les chapelles au moins une fois par an, et sont l’occasion d’une fête de quartier enracinée. Cependant, sans toutefois généraliser, de plus en plus de pardons ont de moins en moins de moyens humains (et financiers) et ont des difficulté à attirer les jeunes générations. Bon… soyons clairs, l’apéritif, les repas et les concours de boules attirent plus que la messe et la procession. Mais même là, la majorité est composée de personnes âgées et de quinquas qui redécouvrent leurs pardons et s’impliquent dans l’organisation. Ces pardons ne pourraient vivre sans ces personnes de bonne volonté, mais comment attirer les jeunes, voire leur donner envie de s’impliquer ?
Comment leur faire prendre conscience de l’intérêt de faire perdurer ces pardons, voire d’en faire un tremplin de nouvelle évangélisation ?
Ne nous leurrons, nous ne sommes plus en terre de chrétienté. Nous sommes en terre de mission… c’est-à-dire que tout est à faire, y compris refaire prendre conscience d’une relation essentielle à Dieu. Actuellement, nous sommes à peu près dans la situation d’une civilisation qui voit les monuments d’une religion qui les a précédé, mais ne les considère plus comme sienne. Laissez-les se perdre, et c’est notre peuple lui-même qui se perdra, notre culture qui s »éteindra. Car l’avenir de la Bretagne est (aussi) dans nos églises et nos chapelles.
Comment donc attirer ?
Les pardons sont l’occasion d’une certaine convivialité et de fête en célébrant le saint local. Il existe donc plusieurs pistes possibles qui sont complémentaires :
– Si le verre de l’amitié et le repas sont importants dans un pardon, un pardon où la messe est le parent pauvre n’a pas lieu d’être. Autant faire une fête des voisins. Mais le pardon deviendra alors moribond et restera la fête du quartier qui au fil du temps deviendra à son tour moribond. Il serait donc intéressant d’attirer prioritairement les gens à la messe. Comment ? Tout simplement en proposant une liturgie porteuse, conforme à ce que demande l’Eglise, et en mettant en avant la culture locale. Tous les pardons qui mettent l’aspect culturel breton en avant fonctionnent et attirent une assemblée nombreuse. Comment comprendre que les festoù-noz, le Festival Interceltique ou de Cornouaille, etc… attirent, et que seule l’Eglise ne s’en rendrait pas compte ? Les personnes que nous interrogeons sur les parvis nous témoignent ainsi d’un véritable engouement, comme Michelle qui nous a récemment dit que l’un des pardons de son doyenné attire plus de monde depuis qu’ils ont remis une procession, le tantad (feu de joie) et une liturgie digne. Oui, les gens attendent cela. Quelqu’un me disait récemment que beaucoup de Bretons sont partis de l’Eglise sur la pointe des pieds quand on leur a confisqué leur patrimoine et qu’on leur a imposé quelque chose qui ne leur parlait pas.
Bien évidemment, il ne s’agit pas de transformer un événement religieux en événement culturel, où la procession serait un défilé folklorique, mais d’utiliser un fonds culturel prisé pour évangéliser, et comme nous le disions, faire en sorte de remettre Dieu au centre du Pardon… Garder la seule dimension culturelle n’aurait donc aucun sens s’il n’y a pas autre chose.
J’avais lu quelque part la citation suivante : « l’inculturation est un processus d’évangélisation par lequel la vie et le message chrétiens sont assimilés par une culture, de sorte que non seulement ils s’expriment à travers les éléments propres de cette culture, mais se constituent aussi comme un principe d’inspiration qui transforme, recrée et relance cette culture. L’inculturation implique donc et connote toujours une relation entre foi et culture(s}, réalités qui concernent et embrassent la totalité de la vie et de la personne humaine, au plan individuel et communautaire. »
Si la liturgie -enracinée pour mieux porter du fruit- est digne et belle, capable d’élever l’âme vers Dieu, si elle sait s’adresser à chacun sans des expérimentations inutiles, si le prêtre fait une homélie qui rejoint et nourrit l’assemblée, si les organisateurs impliquent les jeunes en allant les chercher, si les paroisses mettent en avant l’intérêt de soutenir et de valoriser les pardons, si les écoles participent à l’organisation et motivent les troupes, si l’on comprend que le patrimoine des chapelles est un outil formidable de catéchèse, alors plusieurs leviers existeront pour dynamiser les pardons, mais par là-même les paroisses ! Alors certains, venus par hasard, rencontreront alors Dieu…
Le reste…l’Esprit Saint s’en charge…
EC