Fête des lumières versus Fête de l’Immaculée Conception

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

On a tendance à voir de plus en plus fleurir chez les cathos le terme de “Fête de la Lumière / Fête des Lumières” en parlant de la fête de l’Immaculée Conception, célébrée le 8 décembre. Un concept fourre-tout qu’il nous semble judicieux d’évoquer ici, d’autant que certaines villes, comme Gourin par exemple, se saisissent de cette appellation.

A l’origine, la fête des lumières prend racine dans la ville de Lyon. La Vierge Marie y est vénérée depuis bien longtemps, mais il faut savoir qu’en 1643, la ville s’est mise sous sa protection alors que le sud de la France était touché par une épidémie de peste. Les magistrats et les notables de la cité (les échevins) ont alors fait le vœu de rendre hommage chaque année à la Vierge si l’épidémie cessait. Le peuple teint promesse et rend depuis un hommage à la Vierge, ce chaque année. Les Lyonnais déposent spontanément des lumignons au bord de leurs fenêtres et la fête a pris une grande ampleur avec de nombreuses illuminations, jusqu’à devenir un événement qui attire des visiteurs du monde entier. Quant au voeu des échevins, il appartient au passé puisque les élus ont du mal à pousser la porte de la basilique de Fourvière depuis quelques années, malgré un cadre consensuel posé entre l’Eglise et les édiles il n’y a pas si longtemps.

Il n’aura échappé à personne que l’année 1643 est bien loin de la date de proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Le vœu des échevins de Lyon concernait les fêtes mariales et surtout la naissance de la Vierge le 8 septembre. L’Immaculée Conception n’était pas encore reconnue officiellement. Elle ne le sera qu’en 1854. L’origine de la fête du 8 décembre à Lyon remonterait non du voeu des échevins en 1643 mais au 8 décembre 1852. Une statue devait être inaugurée le 8 décembre à Lyon, à Fourvière. Malgré un orage violent, la statue a pu être inaugurée. La population lyonnaise, d’un geste spontané, illumina ses fenêtres, c’est l’origine de illumination de Lyon que les lyonnais font de leurs façades en cas d’événement exceptionnels. La ville célèbre alors avec deux ans d’avance la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception.

Il y aurait lieu de vérifier les motifs diversement invoqués qui en 1852 ont fait reculer du 8 septembre au 8 décembre l’inauguration de la statue dorée de la Vierge à Fourvière. Crue de la Saône ou le bruit courant déjà de la prochaine proclamation dogmatique de Pie IX ?
Il est important qu’on ait ensuite concentré la réalisation du vœu de 1643 sur la fête de l’Immaculée Conception, car elle englobe «  de facto » la nativité de Marie fêtée le 8 septembre, et éclaire le mystère de la naissance du Christ Vrai Dieu, et vrai homme ( sans péché, prenant sa chair de la chair de sa mère).

Certains avancent, comme le média Lyon Capitale, que “pendant l’Antiquité, les illuminations marquaient les fêtes et autres glorieux événements. Les habitants des villes ornaient alors leurs fenêtres de lampes et autres lumignons pour célébrer tout ce qui devait l’être. Chez les Gaulois, de grands feux sont allumés à l’occasion de Beltaine, fête organisée le 1er mai en l’honneur des dieux Belenos, Belisama et Lug. Paradoxalement, ce dernier est peu présent à Lugdunum, un transfert s’étantopéré sur Mercure. À Rome, les saturnales, qui se déroulaient mi-décembre, étaient l’occasion de s’offrir bougies et autres flambeaux, tandis que maîtres et esclaves échangeaient symboliquement leurs rôles. Le brassage culturel de Lugdunum était tel que la ville n’a pas dû échapper à ces festivités”.

Il est à noter que cette année à Lyon, la fête des lumières durera quatre jours et non trois comme l’an dernier (en raison du Covid), du 8 au 11 décembre. Le maire Grégory Doucet (vert) attend 2 millions de personnes, disant que « ça n’a pas été une option de l’annuler car elle fait partie de l’ADN de la ville… C’est important de conserver ces grands moments où l’on est tous ensemble ». Rue de la République à Lyon , la déesse grecque des tempêtes Cymopolée, l’une des filles du dieu grec Poséïdon, fera son apparition sur un bassin d’eau ! Il serait maladroit de s’en offusquer, étant donné que notre culture vient de Jérusalem, d’Athènes et de Rome. Nous pouvons peut-être faire comme certains Pères de l’Eglise, en y voyant la préfiguration de Marie, l’étoile qu’il faut invoquer pour surmonter les tempêtes… mais cela n’empêche que le glissement pose question.

De la Fête de L’Immaculée Conception à la Fête des lumières…

Depuis quelques années, la tradition de mettre des lumignons aux fenêtres dépassent la ville de Lyon, et on retrouve cette tradition un peu partout, notamment sur le passage des processions qui se font dans les rues, comme par exemple à Vannes. Cependant, une attention est à porter sur l’appellation de la fête, d’autant que les profanes s’engouffrent dans cette tradition. A Gourin, les organisateurs expliquent que “la fête ne se limite pas à une manifestation religieuse, elle est ouverte à tous, dans un esprit amical et solidaire. Les Lyonnais souhaitaient que cette année la Fête des lumières s’étende à toute la France, c’est donc l’occasion de l’organiser, à Gourin. En ces temps difficiles, marqués par l’irruption de la pandémie et de la guerre en Ukraine, les habitants ont besoin d’espérance et de paix. La fête est destinée à mettre un peu de lumière dans les yeux des enfants et à partager la magie de Noël, un peu en avance”.

Aujourd’hui, on parle de moins en moins de l’Immaculée Conception, à savoir que la Vierge Marie est née sans la tâche du péché originel. On se met à fêter “les lumières” en pensant qu’elles redonneront sans doute une certaine flamme. Mais l’espérance et la paix, ce sont la Vierge Marie et l’Enfant-Jésus qui les portent, témoignages ultimes et exemples lumineux. Si on déracine la fête de son origine, quel sens cela prend-il ? Que des gens des périphéries se saisissent d’une tradition qui peut les porter à la transcendance, pourquoi pas… mais par pitié, que les cathos n’entrent pas dans cette formulation détrônant peu à peu la raison de cette fête, au risque de se faire complice d’une paganisation de la société déjà en marche. Au contraire, que soit assumé cet héritage pour l’avenir et que les catholiques tiennent donc bon sur le caractère marial de la fête dite “des lumières”.

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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Un commentaire

  1. Merci pour cet article et surtout le dernier paragraphe que j’apprécie PARTICULIEREMENT !!! MERCI ENCORE.

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