Homélie du Père Jean-Paul Cado pour le pardon de Notre Dame de Joie le 16/09/2018

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

Dimanche dernier, le Père Jean-Paul Cado, recteur de Kernascléden, a présidé le très beau pardon de Notre-Dame de Joie à Pontivy. Nous vous livrons ici le texte intégral de son homélie. Pour retrouver les lectures du jour, cliquez ici.

 

C’est ce matin l’histoire et la tradition qui nous ont conduits jusque dans cette basilique. Nous connaissons l’historique du pardon : une épidémie frappe la population de Pontivy. Les pontivyens meurent en nombre important. Leur curé Claude Marquet, dans un premier temps, demande à ses paroissiens de prier St Yvi pour que cesse cette épidémie. Mais Yvi resta sourd à toutes ces prières qui s’élevaient vers le ciel ; Le brave curé soucieux de ses paroissiens se tourna alors vers notre Mère du ciel, la Vierge Marie, et tout d’un coup après avoir fait son vœu (faire une procession une fois par an dans les rues de Pontivy, garder la lampe allumée, celle qui se trouve à ma droite ici au petit autel dit de la Vierge) la peste ou dysenterie (on n’a jamais bien déterminé de quelle maladie il s’agissait) cessa progressivement. Voilà que, désormais c’est Notre Dame qui a pris la 1ère place à la paroisse de Pontivy ; elle a supplanté St Yvi ; prenez garde que dorénavant Philippe de Néry ne détrône la Vierge … Ce serait bien dommage pour Pontivy.

Mais y a-t-il à pourchasser d’autres pestes aujourd’hui ? Les pesticides qui attaquent nos âmes sont encore nombreux aujourd’hui : ils s’appellent orgueil, richesses, plaisirs, individualisme etc … et le seul pesticide qui peut tuer tout cela c’est le sacrement du pardon. Figurez-vous qu’il revient à la mode, et partout on le voit revenir sauf chez les personnes d’un certain âge. Mais ça ne va pas être l’objet de mes propos.

Une fois n’est pas coutume, aujourd’hui mon homélie s’appuiera sur la première lecture. C’est l’histoire d’Elie. Quel en est l’intérêt pour nous aujourd’hui ?

Tout d’abord la situation : le roi d’Israël Achab s’est marié avec une princesse étrangère, Jézabel. Païenne, elle réussit à introduire des cultes païens, au risque de supplanter le culte de Yahvé, le Dieu d’Israël. Le prophète Elie est envoyé pour dénoncer les cultes païens. Après bien des péripéties, il apprend que la reine Jezabel en veut à sa vie. Il a peur, il fuit.

Le paganisme serait-il en train de l’emporter sur la religion d’Israël ? Ce risque a toujours existé tout au long de l’histoire. En Afrique du Nord par exemple le catholicisme était puissant au temps de Saint Augustin, et il n’en reste presque plus rien. Nous avons en mémoire les persécutions des premiers chrétiens et celles qui se sont succédé au cours de l’histoire de par le monde, celles que nos frères chrétiens connaissent encore de nos jours. Ces persécutions peuvent être violentes ou sournoises, gangrénant peu à peu la vitalité de la communauté chrétienne. Et c’est peut-être ce que nous ressentons de nos jours dans notre société occidentale. D’autres religions ou des courants religieux semblent s’imposer peu à peu et empiéter sur le christianisme. Un certain matérialisme ambiant fait que la foi et la pratique religieuse s’effritent. Bref, vous ressentez vous-mêmes la situation. Chez nous aujourd’hui il s’agirait plutôt des persécutions larvées. Sous couvert de laïcité on fait en fin de compte de l’anti-religion.

Alors quelles sont nos réactions devant ce qui peut apparaître comme une menace ? Tandis que certains sont en quête de renouveau telle une nouvelle évangélisation comme l’ont demandé les derniers papes, chez d’autres la lassitude, le doute s’installent insidieusement. Et nous ?

En serait-il comme pour Elie, une sorte de fuite dans le désert. Désert intérieur, désert spirituel, désert culturel. On s’interroge : l’Eglise, quelle est sa place aujourd’hui dans la société ? Son message, comment est-il pris ? N’est-il pas considéré comme réactionnaire ? « Maintenant c’en est trop, dit Elie. Il s’étendit sous le buisson et s’endormit ».

Peut-être qu’à certaines heures nous sommes fatigués nous aussi, tentés de lâcher … l’engourdissement se fait sentir, la foi vacille … certains n’ont-ils pas déjà quitté le bateau sur la pointe des pieds ?

Lève-toi et mange. Sursaut pour Elie qui se réveille. Près de sa tête, un pain cuit sur la braise et une cruche d’eau. Non, il ne faut pas fuir. Dieu veille sur lui. Il a préparé la nourriture de la route. Elie le prophète n’est pas seul, le messager n’est pas abandonné. C’est lui qui risque d’abandonner !

Lève-toi et mange. Ces mots nous sont adressés à nous, chrétiens du XXIe siècle.

Notre société, en perte de valeurs semble-t-il, a besoin d’hommes et de femmes debout. Le monde a besoin des chrétiens tels des repères dans une société sécularisée qui semble perdre ses assises. Ces assises on les connait : la personne humaine respectée dans sa vie, dans son devenir ; la famille cellule stable d’une société ; la justice pour les plus faibles ; l’amour qui se libère de tout ce qui l’avilit …

Mais Elie s’est rendormi. Qu’il est difficile de reprendre la route lorsque, fatigué, découragé, on l’a quitté.

Et voilà qu’une seconde fois l’ange du Seigneur lui dit : « lève-toi et mange ! Autrement le chemin sera trop long pour toi. »

Nous ne sommes pas abandonnés au bord du chemin de la vie. Un ange nous fait signe et celui-là revêt des réalités bien diverses. La nourriture se présente sous les traits d’une rencontre, d’une amitié, d’une lecture, d’un évènement qui bouscule, d’un passage d’Evangile, et bien sûr de l’Eucharistie, ce pain vivant, le pain de la route qui conduit au-delà de notre existence terrestre jusqu’au Père. Et Marie est là aussi, nous tenant par la main, nous enlaçant comme une mère bien aimée, nous portant même dans ses bras aux heures les plus douloureuses, et nous disant « moi aussi j’ai porté dans mes bras mon fils quand on l’a descendu de la croix. » Combien de fois je me suis arrêté dans la basilique de Pontivy et j’ai été témoin de toutes ces larmes versées par ces humbles et pauvres gens qui ne faisaient pas partie de nos assemblées du dimanche mais qui venaient crier leur douleur. Et les nombreux cahiers remplis comme des livres de prière en sont témoins.

Lève-toi et mange autrement le chemin serait trop long pour toi. Elie se leva, mangea et but, et fort de cette nourriture, il marcha 40 jours dans le désert.

Le chemin qui mène à la rencontre du Seigneur est long. Il ne se chiffre pas en jours ni en années. C’est un chemin spirituel, comme Marie l’a pris dans l’incompréhension de ce Mystère qui naissait en elle. Il nous faut le prendre résolument. Malgré les difficultés, malgré les contradictions. Malgré l’emprise du monde matérialiste, malgré nos faiblesses. Le Seigneur est avec nous, il marche avec nous, même s’il est bien silencieux a certains moments.

Dans nos épreuves personnelles ou dans celles qui affectent l’Eglise, il est près de nous.

Frères et sœurs, tenons-nous éveillés, prenons la nourriture que le Seigneur nous donne.

Marchons vers la montagne du Seigneur, là où il se révèle. Vivons dans l’Espérance.

À propos du rédacteur Père Jean-Paul Cado

Originaire de Kernascléden, il a été ordonné prêtre en 1976. Il servira successivement les paroisses du Faouët, de Guémené, Quéven, Gourin, Grand-Champ, Guer et Pontivy dont il était archiprêtre. Retiré à Kernascléden, il sera au service du doyenné du Faouët puis de Guéméné/ Scorff, avant d'être nommé recteur de Kernascléden en septembre 2017. Attaché à la culture bretonne et à l'expression de la foi en langue bretonne, il met à la disposition des lecteurs d'Ar Gedour certaines de ses homélies.

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