L’intercession des Saints, dulie et humilité en Bretagne

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synaxe saints bretons – Monastère orthodoxe de Kerbénéat

La question de l’Intercession des Saints, c’est-à-dire la demande spécifique d’intervention d’un Saint en faveur de notre prière, reste assez complexe pour bon nombre de nos contemporains. Ancrée dans la communion des Saints, la définition claire que nous connaissons aujourd’hui est assez tardive dans l’Histoire de l’Eglise : c’est en effet en 1563 que le Concile de Trente pose la distinction entre la dulie (culte réservé aux saints et bienheureux), l’hyperdulie (culte réservé à la Sainte Vierge Marie) et la latrie (l’Adoration réservée à Dieu et aux personnes de la Sainte Trinité).

C’est dans ce contexte de début de Contre-Réforme que se développent les statuaires, les grands vitraux, calvaires et catéchèses particulières, en sus bien évidemment des grands pèlerinages comme le Tro-Breiz qui connaissent aux XIV° et XV°Siècles leurs grandes heures. Dans la liturgie cornouaillaise, il existe un adage particulier qui permet d’éclairer cette question de l’Intercession des Saints : « Septem sanctos veneremur, et in illis admiremur, septiformam gratiam qui perversos converterunt qua repleti repleverunt dogmate Britanniam » (Vénérons les Sept Saints et admirons en eux les sept dons du Saint-Esprit, Ils ont converti les égarés et rempli de la Foi qui les animait toute la Bretagne).

Ainsi en premier lieu peut-on parler de vénération des Saints, vénération de leurs reliques, et non Adoration, ce terme étant réservé à la seule latrie. Cette vénération des Saints est d’abord à voir comme un honneur rendu à ces exemples de Foi en Bretagne, comme le disait le Bienheureux Père Julien Maunoir : « Ces brillantes lumières furent envoyées par Dieu dans les dernières limites de la Gaule celtique, pour dissiper les ténèbres de l’infidélité »[1]. Exemples de Foi et de courage dans les épreuves, exemples de persévérance et de Fidélité dans l’adversité : Saint Samson n’a-t-il pas traversé les flots déchaînés pour évangéliser l’Armorique ? Saint Pol Aurélien n’a-t-il pas terrassé le Dragon de l’Île de Batz par la force de sa Foi ? Saint Hervé, aveugle, ne s’est-il pas complètement abandonné à la Providence face au loup ? Tous ces Saints sont donc honorés en tant que serviteurs exemplaires de Dieu, et non en tant que Dieux eux-mêmes, comme le clameront les protestants lors de la grande Réforme du début XVI°Siècle.

Leurs reliques et statuaires ont donc naturellement une place précise : ils humanisent le Saint, et préviennent les dérives cultuelles – le Saint est même souvent lié à un lieu précis, soit dans l’église où il aurait rendu son âme à Dieu (Saint Salomon à l’église de la Martyre par exemple) soit un lieu où il eut une place toute particulière (Saint Corentin à Quimper par exemple). Prier nos Saints devient donc également une prière d’une communauté particulière, pour ancrer toujours davantage ces Saintes vies dans nos quotidiens, poussés vers la prière constante pour notre prochain. Saint Cyprien de Carthage (III°Siècle), Père de l’Eglise, écrivait dans de habitu virginum : « Occupons-nous les uns des autres dans nos prières, ne soyons tous, en priant qu’un coeur et qu’une âme, en ce monde et en l’autre, soulageant avec une charité mutuelle, nos douleurs et nos afflictions. Que la charité de celui à qui Dieu fera la grâce de partir le premier, persévère devant le Seigneur, qu’il ne cesse de prier pour ses frères. »[2]

Enfin, comme le disait Bossuet : « Le vrai honneur que nous devons rendre aux Saints, c’est de les imiter. Leurs reliques nous prêchent, en nous invitant à suivre leurs exemples ; elles nous demandent un reliquaire vivant, les vertus, le cœur ».  Ainsi, chaque statue, calvaire et vitrail reste une belle invitation à méditer cette intrinsèque humilité des Saints qui nous ont précédé, Dieu restant « le premier servi ! ».

[1] Abbé Guillotin de Corson, Les Pardons et Pèlerinages de Basse-Bretagne

[2] Abbé Bernard, La Raison du christianisme et du catholicisme donnée aux jeunes

Cet article est tiré de Kroaz ar Vretoned 2022. Les articles de Kroaz ar Vretoned ont aimablement été versé au Fond Ar Gedour par Augustin Debacker, suite à la fin des publications de Kroaz ar Vretoned. 

À propos du rédacteur Augustin Debacker

Augustin Debacker a été directeur de publication du mensuel Kroaz ar Vretoned de 2021 à 2023, version actualisée d’un hebdomadaire qui fut publié en breton entre 1898 et 1920.

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