Le site Proliturgia a publié hier un texte issu d’un blog québécois. Remplacez Québec par Bretagne et cela devrait parler à bien des gens :
« (…) Une culture peut-elle vraiment survivre sans ouvrir à une forme de transcendance religieuse, inscrite dans une tradition, qui façonne d’une manière ou d’une autre son paysage physique et mental ? A l’échelle de l’histoire, cela me semble à peu près impossible. Une culture, en un mot, a besoin d’un culte, ou du moins, elle a besoin de rituels pour baliser la quête spirituelle qui la traverse. A tout le moins, elle a besoin de faire une place honorable à ceux qui croient la chose nécessaire. La religion catholique, malgré tout ce qui peut nous exaspérer chez elle, et malgré tout ce qu’on lui reprochera légitimement, a été, dans l’histoire, une force profondément civilisatrice.
(…) Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que l’Eglise catholique, au Québec, a consenti une fois pour toutes à son déclassement historique.
Elle gère ses derniers biens et ses derniers fidèles tout en se laissant mourir, en cherchant seulement à rappeler, de temps en temps, qu’elle n’a pas fait que du mal au peuple québécois, qu’elle a même semé, ici et là, et de bien des manières, un peu de bonté et de beauté. Les rares fois où je suis allé à la messe, j’ai eu l’impression d’entrer dans une cérémonie sans vie, associée à une civilisation crépusculaire.
Tout cela pour dire autre chose.
On apprenait cette semaine que le couvent des Sœurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, que l’Université de Montréal avait acquis il y a quelques années et qui est situé sur le Mont-Royal, a été vendu à un promoteur immobilier. Il y avait un couvent, il y aura désormais des condos. Surprise ! Rien ne sert de maudire l’époque. Personne n’a la nostalgie des soutanes, même si les curés ont été remplacés par des milliers de militants qui veulent aussi sauver notre âme pour peu qu’on suive les milliers de consignes qu’ils nous destinent.
N’empêche. Je ne peux m’empêcher de trouver cela un peu minable. Un édifice religieux, devenu un édifice patrimonial sera pour de bon privatisé et transformé en projet commercial. Ce ne sera plus qu’un beau décor avec une ambiance d’époque pour millionnaires ayant les moyens de se le payer. On me répondra que nous avons l’habitude de cette dépossession et que nous liquidons comme jamais notre patrimoine religieux. Nous y sommes tellement habitués qu’elle ne nous indigne plus vraiment. Sommes-nous néanmoins capables de comprendre que la beauté des vieux bâtiments est indissociable de la foi qui en est à l’origine ?
Un jour, nous nous lasserons peut-être de notre sécheresse spirituelle.
N’est-ce pas déjà le cas, quand on pense à la fascination qu’exerce sur plusieurs les religions orientales qui se présentent ici à la manière de sagesses traditionnelles, porteuses de toutes les vertus ? On imagine difficilement, pourtant, une renaissance du catholicisme tellement nous nous y sommes arrachés violemment. Malgré tout, les Québécois savent, au fond d’eux-mêmes, que le mauvais sort qu’ils réservent à leurs vieilles églises n’est pas à leur honneur.
Un peuple qui n’a plus de lieu pour prier et de cimetières où s’agenouiller est condamné au désarroi existentiel. (…) On dira qu’une vraie prière n’a besoin de rien d’autre que d’un désir de recueillement. Peut-être. Il se pourrait aussi que la prière, pour le commun des mortels, ait besoin d’autre chose. D’un lieu qui lui soit dédié. D’une liturgie qui la magnifie. D’hommes de foi à rencontrer pour nous accueillir malgré nos doutes. A tout le moins, l’humanité l’a toujours cru. Je le crois aussi. »