La Toussaint, nos saints et les âmes trépassées

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Novembre, le mois des semailles, le mois de la vie, était aussi le mois des morts, et le second jour de Kalan-Gouiañ (les Calendes d’hiver) ramenait chaque année la fête des Trépassés (Gouil er ré tremenet), à ne pas confondre avec la Solennité de la Toussaint célébrée la veille. Des jeunes gens, par groupes de trois ou quatre, allaient la nuit de la Toussaint, de maison en maison, réveiller les vivants et prier pour les morts.

Jezus en des hun digasetD’hou tihunein, mar doh kousket…

“Jésus nous a envoyé vous réveiller si vous dormez…”

D’hou tihun ag hou hun ketanDe bedein Doue get en Enan.

“Vous tirer de votre premier sommeil pour prier Dieu pour les défunts”

En Enan, c’est l’Anaon des Finistériens, collectif qui s’étend à toute l’humanité disparue.

Et les chanteurs continuaient :

“Si vous êtes couchés dans un lit, vos morts, eux, ne le sont pas. Ils sont dans une basse fosse noire, avec du feu de tous côtés. Ils crient au milieu de leurs peines : “Au secours, parents et amis !” Pour eux, il faut prier Jésus. Sortez promptement de vos lits et venez sur la terre fraîche dire cinq Pater et cinq Ave, pui aussi un un De profundis. Quand on va aux foires et aux marchés, il faut emporter bonne mesure. La mesure que vous avez prise vous sera donnée après la mort. Saint Michel avec ses balances pèsera le vrai et le faux. Il pèsera le mauvais et le bon, devant vous, sous votre regard. Alors arrivera la Vierge Marie, ayant son rosaire avec elle. Elle jettera un grain sur la balance pour secourir les âmes :

Nezé tei er Huerhiés Vari

Chapeled er Rozaer geti

Daoulou ur gran er balans deheu

Aveit sekour en inéaneu.

Et resquiescat in pace  ! Restez sous la garde de Dieu ! Que Dieu et ses saints et ses anges et la Vierge Marie bénie donne santé à la compagnie et le salut des pauvres âmes”.

Les chanteurs formaient deux groupes : l’un à la fenêtre, l’autre à la porte. Le patron n’ouvrait qu’à la dernière strophe et l’on récitait le De profundis. On buvait une tasse de café et l’on recueillait les offrandes. Il y avait cette nuit-là un peu de feu dans le foyer et, toute la nuit, il jetait sa lumière de veilleuse pour réchauffer les âmes des morts. Sur la table, dans une écuelle, on abandonnait quelques crêpes aux pommes pour que ces pauvres âmes affamées puissent se rassasier.

anaonLes pommes, c’est aussi ce que nous retrouvons dans la tradition de l’arbre à pommes. Gwerzenn an Anaon ou Gwerzenn avaloù est une tradition que l’on retrouve à Plougastel-Daoulas et qui a lieu le 1er novembre, jour de la Toussaint. La cérémonie (si l’on peut dire) se déroule dans le placître de la chapelle. On procède à la mise aux enchères d’un petit arbre en if (1,50m) sur lequel ont été plantées sur les branches des pommes rouges (Avaloù an Anaon). L’argent recueilli sert à célébrer des messes pour les défunts. Même chez les croyants, on est persuadé que le défunt rejoint le paradis sans trop d’encombres, oubliant trop souvent que les défunts ont certainement besoin des messes. Le purgatoire n’est pas qu’une vue de l’esprit ou une catéchèse désuète. Nos anciens le savaient, et les quelques survivances nous le montrent.

L’if, l’arbre des cimetières breton, dispense des baies qualifiées de manred en breton (âmes germes). Ici, l’if comme le pommier, symbolise l’arbre de l’Autre monde. La Bretagne partage avec les autres pays celtiques un même mythe ; leur paradis se situe sur une île merveilleuse : Enez Avallon, Ynis Afalach, Emain Abhlach, Avallonis Insula, Insula Pomorum

L’île des pommiers est omniprésente dans le folklore et la mythologie. Ce paradis celtique est terre de l’éternelle jeunesse. Quoi de plus naturel que d’en ouvrir la porte à la Toussaint en croquant la pomme, qui fut fruit d’immortalité chez les Celtes ? 

L’immortalité… c’est bien cela que l’on touche du doigt en écoutant “Gwerz ar Purgator”, dont vous pouvez retrouver les paroles sur Kan Iliz, et que nous vous invitons à écouter ici en ce 2 novembre, où nous prions pour les fidèles défunts.

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À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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Un commentaire

  1. Quel plaisir de vous lire !!!! Merci.

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