Née dans certains esprits décérébrés de quelques campus américains, la cancel culture ou culture de l’effacement se propose d’éradiquer – rien de moins – toutes les cultures nationales à seule fin d’imposer un même marché mondial. Cette maladie intellectuelle fait déjà des ravages dans la vieille Europe. La Bretagne doit s’immuniser la première et mener croisade, en donnant l’exemple, contre cet abêtissement généralisé. Et proclamer combien elle est redevable à ses compatriotes d’exception qui ont habité – ou le font encore – la grande histoire bretonne. Devrions-nous en rougir ? Je me propose d’y prendre ma part et j’attends avec impatience le procès des béjaunes et des pisse-froids, unis dans un même ressentiment qui ne manqueront pas d’instruire à charge le procès de nos ancêtres : parce qu’ils sont partis à la conquête d’un monde qui n’était pas le leur, parce qu’ils défendaient une civilisation qui n’a plus cours aujourd’hui, parce qu’ils affirmaient œuvrer, pour beaucoup, pour la seule gloire de Dieu, parce qu’ils revendiquaient des libertés avec la morale de leur temps… O tempora, o mores !
Je ne sais s’il faut en rire ou en pleurer : lors d’une rétrospective Paul Gauguin à la National Gallery, à Londres, le commissaire de l’exposition s’excusa de présenter les tableaux d’un homme qui fut « un prédateur sexuel » lors de ses voyages dans les îles tahitiennes. On en est arrivé là ! Pauvre Tristan Corbière coupable d’avoir traîné son mal de vivre dans les tavernes de Roscoff comme avant lui Baudelaire pour avoir exploré les paradis artificiels, Verlaine pour tentative d’assassinat et de corruption de la jeunesse, Rimbaud pour avoir fait commerce des armes… Et tous les autres génies sommés aujourd’hui, devant le tribunal de la bêtise, de rendre des comptes pour avoir été des cœurs purs mais pas sans histoires… Des cœurs pétris de boue peut-être mais indéfendables à leurs yeux car leur évocation fait ressortir en creux la consternante médiocrité des sycophantes anonymes qui appellent à l’épuration sur la toile…
Je prends tout de l’héritage. Les ombres et les lumières. Et puisque nous sommes riches de leurs expériences, nous avons tous le devoir de partager et de transmettre à notre tour ce qui se nomme tout simplement la culture.
C’est pourquoi je rêve de composer un panthéon breton des poètes disparus avec Tristan Corbière, Saint-Pol Roux, Max Jacob et tous les autres qui proposeront encore et toujours leurs vers incandescents. Avec les
Trugarez braz Monsieur Abjean pour ce bel article. Nous avons tant de richesses culturelles en Bretagne, il ne faut pas perdre cela.
une fois de plus, j’aime ce billet et j’en remercie infiniment l’auteur. C’est l’immense variété des cultures qui constitue la richesse du tissu humain … l’ennui naquit un jour de l’uniformité ; et pas que l’ennui ! Trugarez Aoutrou Abjean