Saints bretons à découvrir

Mont St Michel & marchands du Temple…

Amzer-lenn / Temps de lecture : 7 min

AR GEDOUR avait déjà évoqué par ailleurs le côté « marchands du temple » du Mont Saint Michel. Certains commerçants, non contents de vendre simplement des archanges et des objets en rapports avec le Mont et son histoire, se mettent à vendre des Tours Eiffel miniatures, des fées et autres trolls. Il y a évidemment tout ce qui a rapport avec le médiéval, mais cela a encore sa place, dirons-nous. Le reste ? A voir… Bon, si les commerces vendent ces objets, c’est qu’il y a des clients… 

 

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Cependant, lors d’une visite récente, nous avons été frappé par la vente de bouquins ésotériques. Cela commence aux symboliques de l’Apocalypse, au nombre d’Or, et autres littératures certes intéressantes mais qui dans ce haut lieu spirituel chrétien et en l’absence de littérature religieuse, amène à penser que l’on ne considère plus vraiment le Mont comme lieu de pèlerinage authentiquement chrétien. Le pompon va à une boutique qui, si elle vend de belles statues de Vierges à l’enfant, de moines « pleurants » ou de St Michel terrassant le dragon, qui en vitrine tapent la discute à une fée Morgane bien bâtie ou à un korrigan de la baie, propose aussi au conso-pèlerin un large panel de croix celtiques, de gargouilles en pierre reconstituée, ou encore de symboles maçonniques. Un regret : Siloë, la seule boutique religieuse du Mont où l’on peut trouver médailles et ouvrages en lien direct avec le site, n’est pas ouverte tout le temps, alors même que cela est essentiel, d’autant qu’elle est située dernier magasin avant l’abbatiale. Même les horaires d’ouverture manquent à l’affichage.

Passons ces boutiques et orientons-nous maintenant vers l’Archéoscope et les autres musées proposés dans un Pass multiple donnant accès au Logis Tiphaine, au Son & Lumière, au Musée Historique et au Musée Maritime. Un bon accueil, précédé d’une retape de la part des exploitants qui nous incite à nous y rendre. L’ensemble parait prometteur, mais en s’avançant dans l’espace consacré à la mer et aux bateaux on s’aperçoit que la muséographie est à l’ancienne, et qu’une bonne mise en scène serait souhaitable, avec une actualisation de la projection d’une vidéo qui est clairement surannée. Rien que le survol en drone de la baie changerait la donne. On entre ensuite dans l’Archéoscope… l’introduction sonore dans le hall d’attente augure d’un moment intéressant. Quelques mots sonnent à nos oreilles. S’ouvre alors la porte pour laisser place à un foisonnement d’allégories maçonniques, sans que soit évoqué à un seul moment qui est réellement Saint Michel… Tout n’est qu’est recherche d’harmonie entre le ciel et la terre, montées de marches et passage de l’ombre à la lumière…  Queue dalle sur le Mal et celui qui s’y oppose ! Pourtant, la scénographie est intéressante, notamment grâce à une maquette du Mont émergeant de l’eau et un jeu entre projections et plan d’eau. Y’a matière à…

Passons le Musée historique qui multiplie les tableaux, beaux mais exposés n’importe comment et sans protection contre l’air ambiant et la lumière, négligeant ainsi un trésor pictural sensible dont des oeuvres du XVème siècle. Des amas de coqs de montre, de sceaux… sont présentés dans des vitrines mais la masse tente de pallier à la pédagogie. Les étendards bien anciens (époque Charles Quint, par exemple) sont présentés verticalement, alors que n’importe quel connaisseur sait que le tissu en pâtit automatiquement, ce que l’on voit au premier coup d’oeil. On préfère nous montrer un périscope décrépi qui n’a aucun intérêt. Seul le son et lumière sort du lot. Réalisé par le Musée Grévin dans les12033080_10206524915094257_6973176764290466468_n.jpg réduits (très réduits) des cachots, un spectacle de 6 minutes nous est proposé. Bien mis en scène, notre regret va toutefois vers le côté astrologique donné en ligne conductrice, le dépoussiérage limité et un son qui mériterait d’être remasterisé. A noter que l’Alleluia final n’est pas vraiment d’époque.

Quant au Logis Tiphaine, la demeure de Madame Du Guesclin… il est bien mis en valeur… sauf qu’une scénographie serait souhaitable. Pourquoi par exemple installer chaises et coffres auprès d’un même mur, au lieu d’installer la pièce comme un vrai lieu de vie, comme le fait si bien le Domaine de La Chabotterie, en Vendée. On nous dira que c’est une question de moyens, mais le touriste a vocation a être autre chose qu’un pigeon. L’élever dans sa connaissance, cela peut être aussi un objectif… Un appel aux scénographes du Puy du Fou ne serait sans doute pas un luxe.

Passons à l’abbaye elle-même : heureusement qu’elle est là… et ouverte au public, même si on a parfois affaire à des familles Groseille qui ont plus de respect pour la boule de Neige « Mont St Michel » que pour les pierres anciennes, empêchant le visiteur d’errer dans les méandres lithiques d’un temps passé. Bon… vu que c’est l’Etat qui exploite, le côté religieux y est partiellement gommé, y compris dans la boutique. Nous sommes dans un lieu culturel dans lequel le spirituel n’a plus vraiment sa place. Il parait même que les religieux louent l’abbaye à l’Etat…

Heureusement, les moines et moniales proposent la liturgie des Heures et la Messe chaque jour (notons aussi que la messe est aussi célébrée à l’église paroissiale à 11h), et cela étant ouvert au public, ce dernier peut donc laisser son âme se rapprocher de Dieu. Peut-être le visiteur d’un jour rencontrera-t-il Dieu en cet instant qui le suspend dans le temps, à l’écart du fourmillement des ruelles ? Les mêmes religieux proposent chaque jeudi une adoration eucharistique à l’église paroissiale, le soir, alors que les boutiques se ferment et qu’au soleil couchant le Mont redevient alors un endroit qui porte à la contemplation et à la prière.

Niveau restauration : si on regarde bien, la multiplicité des restaurants n’est que façade. Les menus sont souvent identiques, aux mêmes tarifs, etc… Des menus aux sandwiches, tout est hors de prix. De même pour les hôtels. Presque toutes les habitations sont prévues pour héberger le touriste de passage. On se rend compte que l’ensemble des commerces appartiennent juste à un nombre restreint de propriétaires, dont 2 grands groupes qui se partagent 80% de la manne touristique, et que ceux-ci comptent bien continuer à profiter de la poularde aux oeufs d’or.  De même pour les parkings : les navettes sont gratuites mais la gratuité est déguisée, puisque les parkings sont payants, et pas qu’un peu. Notre expérience va plus loin : notre réservation d’hôtel indiquait que notre véhicule devait se garer sur un parking dédié aux clients. Nous avions un code, et il était mentionné un règlement sur place le lendemain de 12,50 euros. Pas de chance… ils avaient omis de préciser que c’était pour 24h, et qu’il fallait partir du Mont 24h précises après notre arrivée, sans quoi le montant à régler était de 25 euros. Tarif fixé par les élus, il paraît….

12088016_10206528985676019_5175738567094617806_n.jpgDécidément, le visiteur de Saint-MichelLand est ponctionné de partout. Le pèlerin est amené malgré lui au Mont d’Or, et même sans en faire un fromage, il convient de souligner que ce qui fut le Mont Tombe perd peu à peu son âme, troquant la vénération de l’archange pour celle de Mamon, finalement dans une fidélité à l’héritage révolutionnaire qui en fit des cachots plus que dans celle des bâtisseurs qui érigèrent cette splendeur d’Occident pour la gloire de Dieu. Le parcours du combattant pour un pèlerin/visiteur évoluant dans les ruelles escarpées du Mont dédié à Saint Michel devient-il parcours initiatique entre Bien et Mal ?

En tous les cas, le mélange des genres est très limite dans un lieu de spiritualité clairement chrétien, même si celui-ci a été créé sur les ruines d’un lieu de culte dédié à Belenos puis à Jupiter. Entre un mont qui attire les néo-païens ou encore certains maçons qui voient en l’archange Mikaël un maître de l’initiation, ou enfin les amateurs d’héroïc-fantasy et médiéval-fantastique en carton-pâte, le parc à thème du Mont St Michel mériterait un bon coup de nettoyage remettant à l’honneur le côté religieux, phare d’évangélisation sur l’Occident.

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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