“Le comment et le pourquoi du mobilier et du décor dans les églises en Bretagne”, les conséquences du concile de Trente (1542-1563)

Amzer-lenn / Temps de lecture : 9 min

Une conférence de Jean-Jacques Bougot dans le cadre des mercredis de la Basilique d’Hennebont, le 14 août 2019.

Le Concile de Trente a été le moteur de la Contre-Réforme, certes, mais il existait déjà au sein de l’Eglise une aspiration réelle au renouveau, et ceci indépendamment de la nécessaire mise au point entrainée par la publication par Martin Luther (1483-1546), en 1517 à Wittenberg où il enseigne la théologie, de ses 95 thèses contre les indulgences et le trafic qu’en fait la papauté pour financer la construction de la basilique Saint Pierre du Vatican.

Le mouvement de régénération de l’Eglise romaine part du cœur de l’Italie de la Renaissance et ce manifeste par la fondation de nouveaux ordres religieux qui s’imposent une stricte pauvreté et dont le plus représentatif est la Compagnie de Jésus, les jésuites, fondée en 1540 par Ignace de Loyola.

Face à la vision pessimiste de l’humanité, la pensée tridentine incite à la responsabilité et à l’initiative : le concile de Trente affirme la liberté de l’homme et par là, sa souveraine dignité.

Cet optimisme, cette ambition proposée à l’humanité de maitriser l’univers pour le triomphe du bien s’expriment avec emphase dans l’art baroque, également qualifié de « jésuite », qui en connaitra tout autant la grandeur que les excès dans le triomphalisme et le dogmatisme.

Les mots d’ordre sont « rigueur, ordre et clarté » qui se traduiront dans l’ordonnancement des églises par un chœur magnifié, dégageant la vue sur l’autel, souvent honoré d’un baldaquin qui le surplombe et en fait le centre de l’édifice, comme de toute la liturgie.

La première conséquence en est la disparition des « jubés » qui, à l’instar des iconostases orthodoxes, séparaient le chœur des clercs, de la nef des fidèles et l’apparition des « chaires de vérité » destinées à permettre à chacun d’entendre malgré tout et dans de bonnes conditions le prêche du célébrant.

L’autel va s’orner d’une prédelle au-dessus de laquelle s’élèvera le retable sous forme d’un tableau où s’exprimera le goût de l’artiste pour le mouvement, les jeux d’ombre et de lumière, la souplesse de la composition…

En forme de tombeau et non plus de table, l’autel sera masqué par un antependium tissé de fil d’or dont l’effet décoratif est particulièrement recherché.

Le ciborium en forme d’oiseau qui contenait les hosties consacrées va laisser place au tabernacle situé sur et au milieu de l’autel.

Vont ainsi naître des meubles dédiés à l’usage de chacun des sacrements, particulièrement de ceux remis en cause pas la religion prétendue réformée (RPR). On vient de voir ce qu’il en est pour l’eucharistie, le sacrement des sacrements, que l’encensoir vient précisément offrir à la vénération des fidèles.

Il en est ainsi également des confessionnaux, meubles aujourd’hui quelque peu délaissés, des baptistères situés au début de la nef, près de la porte d’entrée de l’église, mais à l’intérieur de celle-ci.

Pour ce qui est des images, qu’elles soient peintes ou sculptées, il est fait strictement application des règles définies par le Concile de Trente,  il s’agit du décret de la XXVe session du 3-4 décembre 1563, intitulé : “Décret sur l’invocation, la vénération et les reliques des saints et sur les saintes images” (Dentziger N° 1821 à 1825)

1821  Le saint concile enjoint à tous les évêques et à tous les autres ayant la charge et le devoir d’enseigner que, conformément à l’usage de l’Eglise catholique et apostolique, reçu dès les premiers temps de la religion chrétienne, et conformément au sentiment unanime des saints Pères et aux décrets des saints conciles, ils instruisent diligemment les fidèles, particulièrement sur l’intercession des saints et leur invocation, les honneurs dus aux reliques et le légitime usage des images. Aussi leur enseigneront-ils que les saints qui règnent avec le Christ offrent à Dieu leurs prières pour les hommes qu’il est bon et utile de les invoquer humblement et, pour obtenir de Dieu des bienfaits par son Fils Jésus Christ notre Seigneur, qui est notre seule Rédempteur et Sauveur, de recourir à leurs prières, à leur aide et à leur assistance. Ceux qui nient que l’on doit invoquer les saints qui jouissent dans le ciel d’un bonheur éternel ; ou bien ceux qui affirment que ceux-ci ne prient pas pour les hommes ou que les invoquer pour qu’ils prient pour chacun de nous est de l’idolâtrie, ou que cela va à l’encontre de la Parole de Dieu et s’oppose à l’honneur de Jésus Christ, seul médiateur entre Dieu et les hommes 1Tm 2,5 ; ou bien encore qu’il est stupide de supplier vocalement ou mentalement ceux qui règnent dans les cieux : tous ceux-là pensent d’une manière impie.

1822  Les fidèles doivent aussi vénérer les saints corps des martyrs et des autres saints qui vivent avec le Christ, eux qui ont été des membres vivants du Christ et le Temple du Saint-Esprit 1Co 3,16 ; 6,15 ; 6,19 ; 2Co 6,16 et qui seront ressuscités et glorifiés par lui pour la vie éternelle ; par eux Dieu accorde de nombreux bienfaits aux hommes. Aussi, ceux qui affirment qu’on ne doit ni honneur ni vénération aux reliques des saints, ou bien que c’est inutilement que les fidèles les honorent ainsi que les autres souvenirs sacrés, et qu’il est vain de visiter les lieux de leur martyre pour obtenir leur soutien, tous ceux- là doivent être totalement condamnés, comme l’Eglise les a déjà condamnés autrefois et les condamne encore aujourd’hui.

1823  De plus, on doit avoir et garder, surtout dans les églises, les images du Christ, de la Vierge Marie Mère de Dieu et des autres saints, et leur rendre l’honneur et la vénération qui leur sont dus. Non pas parce que l’on croit qu’il y a en elles quelque divinité ou quelque vertu justifiant leur culte, ou parce qu’on doit leur demander quelque chose ou mettre sa confiance dans des images, comme le faisaient autrefois les païens qui plaçaient leur espérance dans des idoles Ps 135,15-17, mais parce que l’honneur qui leur est rendu renvoie aux modèles originaux que ces images représentent. Aussi, à travers les images que nous baisons, devant lesquelles nous nous découvrons et nous prosternons, c’est le Christ que nous adorons et les saints, dont elles portent la ressemblance, que nous vénérons. C’est ce qui a été défini par les décrets des conciles, spécialement du deuxième concile de Nicée, contre les adversaires des images (Denzinger 600-603)

1824  Les évêques enseigneront avec soin que, par le moyen de l’histoire des mystères de notre Rédemption représentés par des peintures ou par d’autres moyens semblables, le peuple est instruit et affermi dans les articles de foi, qu’il doit se rappeler et vénérer assidûment. Et l’on retire aussi grand fruit de toutes les images saintes, non seulement parce que sont enseignés au peuple les bienfaits et les dons que lui confère le Christ, mais parce que, aussi, sont mis sous les yeux des fidèles les miracles de Dieu accomplis par les saints et les exemples salutaires donnés par ceux-ci de la sorte, ils en rendent grâces à Dieu, ils conforment leur vie et leurs mœurs à l’imitation des saints et sont poussés à adorer et aimer Dieu et à cultiver la piété. Si quelqu’un enseigne ou pense des choses contraires à ces décrets : qu’il soit anathème.

1825  Si certains abus s’étaient glissés dans ces saintes et salutaires pratiques, le saint concile désire vivement qu’ils soient entièrement abolis, en sorte qu’on expose aucune image porteuse d’une fausse doctrine et pouvant être l’occasion d’une erreur dangereuse pour les gens simples.

  S’il arrive parfois que l’on exprime par des images les histoires et les récits de la sainte Ecriture, parce que cela sera utile pour des gens sans instruction, on enseignera au peuple qu’elles ne représentent pas pour autant la divinité, comme si celle-ci pouvait être vue avec les yeux du corps ou exprimée par des couleurs et par des formes.

  On supprimera donc toute superstition dans l’invocation des saints, dans la vénération des reliques ou dans un usage sacré des images ; toute recherche de gains honteux sera éliminée ; enfin toute indécence sera évitée, en sorte que les images ne soient ni peintes ni ornées d’une beauté provocante…

  Pour que cela soit plus fidèlement observé, le saint concile statue qu’il n’est permis à personne, dans aucun lieu… de placer ou faire placer une image inhabituelle, à moins que celle-ci n’ait été approuvée par l’évêque. On ne reconnaîtra pas de nouveaux miracles, on ne recevra pas de nouvelles reliques sans l’examen et l’approbation de l’évêque.

Photo Fondation Patrimoine

« Enseigner, émouvoir, convaincre » tel est l’objet du décor de nos églises qui n’est pas réservé aux connaissances d’un public averti mais doit servir à la plus grande gloire de Dieu, selon la devise jésuite (« ad majorem Dei gloriam ») tant est grande, alors, la nécessité de rechristianiser une population rurale largement retombée dans une superstition frisant l’idolâtrie. C’est ce à quoi s’attelleront les Pères Jésuites, vénérables et bienheureux, Michel Le Nobletz (1577-1652) et Julien Maunoir (1606-1683) à l’aide des fameux « taolennou » …

Le conférencier, grand connaisseur de l’église Saint Cornély de Carnac dont il est l’un des spécialistes, terminera son propos en nous invitant à visiter l’église ND de Carmès à Neulliac (dont le pardon a lieu dimanche prochain, 18 août à 11h)

En attendant, la série des mercredis de la basilique d’Hennebont se clôturera pour cette année 2019 mercredi prochain 21 août par un concert d’orgue (Vincent Meslet), bombarde (Jean-François Talmont) et chant (Anne-Françoise Meslet et le Père Ronan Graziana)

A ne pas manquer !

À propos du rédacteur Yves Daniel

Avocat honoraire, il propose des billets allant du culturel au théologique. Le style envolé et sincère d'Yves Daniel donne une dynamique à ses écrits, de Saint Yves au Tro Breiz, en passant par des chroniques ponctuelles.

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