Saints bretons à découvrir

 » Le geste d’un gendarme autant que le geste d’un chrétien »

Amzer-lenn / Temps de lecture : 10 min

Cet article vous est proposé par Yann Lukaz, l’un de nos lecteurs. 

Ceux qui entendent le breton ou portent le prénom de Beltram (autrement dit Bertrand, en français), ont vite compris, aussitôt connue la nouvelle de l’assassinat du lieutenant-colonel, que ce dernier n’était pas sans lien avec la Bretagne. Et en effet, c’est en Tredion (Morbihan), en juin prochain, qu’était projetée la célébration de son mariage religieux (le mariage civil étant déjà acté).

Tredion est situé dans le nord de Vannes, en plein-coeur des Landes de Lanvaux. Un château, respectable et élancé, se reflétant dans une étendue d’eau, marque l’entrée du bourg. Il est facile d’imaginer que le jeune adolescent, en vacances dans la région, a pu rêver devant cet élégant château, plutôt imposant et fier, construit à la période des ducs de Bretagne. Il se dit que le roi de France François 1er y aurait passé une nuitée, ultérieurement. Quoi qu’il en soit, c’est ici qu’Arnaud Beltrame a découvert la Bretagne, et par la suite il l’a aimée.

Il pleut. Aujourd’hui, ce ne sont que gerbes d’eau sur la voie rapide. Comme si le ciel pleurait sur la Bretagne. Pour l’enterrement de celui qui vient d’être promu Colonel (à titre posthume) hier à Paris, après être tombé, il y a quelques jours, sous des coups d’une sauvagerie telle que leur simple évocation suscite l’aversion.

A Tredion, l’école primaire est placée sous le vocable de Saint Martin, un militaire d’origine hongroise qui fut officier dans l’armée romaine. Il est très connu pour avoir donné sa cape à un pauvre homme rencontré en chemin. Un acte d’amour, déjà ! En fait, non pas l’intégralité mais la moitié de sa cape, séparée au fil de l’épée, puisqu’il ne détenait la propriété que pour moitié, l’autre moitié revenant à l’armée. Ce fut donc un geste certes circonstanciel, mais certainement longuement germé et mûri au préalable. Geste de charité dans le respect de la loyauté, tout à la fois. Arnaud Beltrame se situe dans le sillage de Saint Martin. Bien évidemment ! On lira à ce propos ce qu’écrit de lui l’Evêque aux Armées, Mgr Antoine de Romanet. (voir le site)

L’Eglise est pleine à déborder. Au fond du chœur, un vitrail à l’effigie de Jésus est émouvant par ses couleurs : le bleu d’une partie du manteau, symbole d’Espérance et aussi rappel marial, le blanc lumineux du visage, symbole de la Foi ; et le rouge de la poitrine et du cœur qui évoque inévitablement le sang donné et versé. Désormais, ce vitrail racontera à tous, par l’intensité de ses couleurs, l’histoire du Colonel devenu si proche du Christ. Définitivement !

La célébration commence sur un air de bombarde (Karante doc’h Doue / L’amour pour notre Dieu). Nous sommes bien en Bretagne ! Et le Colonel était d’origine bretonne !

De l’homélie, prononcée par le Père Philippe Le Bigot, Vicaire épiscopal au diocèse de Vannes, je retiens une phrase qui n’apparaît pas dans la version écrite publiée (voir le site):

« Le martyre de sang est toujours précédé d’un martyre blanc ». Et l’on a pu lire à ce sujet que le Colonel n’aurait pas échappé, dans son parcours,  à des embûches inhérentes à  sa foi chrétienne. Celle-ci étant survenue à l’âge adulte, au cours d’un pèlerinage à Lourdes dit-on, vers l’âge de trente-trois ans.

Sur certaines photos publiées, on voit clairement le Colonel dans un environnement d’altitude (très certainement les Alpes, et peut-être au sommet du Mont-Blanc ?). Du coup, je me demande : aurait-il pu intégrer la gendarmerie de Montagne ? Une structure où l’on est, par nature, exposé au risque, et dont l’objectif est d’arracher au danger des vies menacées ou blessées. Il s’en est allé sur d’autres chemins. En Irak, en forte période d’attentats, par exemple. Là-bas, il parvînt à exfiltrer une jeune femme. Lui, homme de hardiesse, d’une intelligence acérée, solidement bâti, et par-dessus-tout au comportement professionnel. Homme d’action véritablement, entraîné à contrer l’adversaire.

trédion messe colonel BeltrameSa carrière aura été variée. Graduelle. Au fil des formations et des expériences (GIGN, sécurité de l’Elysée, commandement d’un groupement de gendarmerie,…), il est devenu lieutenant-colonel, jusqu’à ce jour funeste, à proximité de Carcassonne.

Lorsque je contemple la photo, en tenue de travail, placée près de l’autel après la messe (une autre photo, en tenue d’apparat, était placée là pendant la célébration), je sens que mon cœur est atteint. Si souriant, si fort, si débordant de vie apparaît être le Colonel que l’on aurait aimé être l’ami d’un tel homme. Hélas…

Soudainement, sa renommée s’est répandue en France, en Europe, et sur le planète entière. Un « héros » proclament les médias ? Plus et mieux encore. Je suis bien certain que dans les mois et années à venir, nous découvrirons des éléments cachés de sa personnalité profonde. Et s’il était un saint nouveau ? Qui sait ? « Le geste d’un gendarme autant que le geste d’un chrétien. On ne peut séparer l’un de l’autre » déclare sa femme, dans un entretien à l’hebdomadaire La Vie. (voir le site)

 

« Un homme s’est levé »  (Président Emmanuel Macron (voir le site) ) parmi nous. Un homme contre la barbarie terroriste. Un homme au regard tourné vers (ou habité par) le Dieu d’Amour et de Vérité, et non pas une quelconque idole. Il est temps de faire front face aux terroristes, d’éclaircir leurs yeux. Il ne peut continuer ainsi le « Shatan » enténébré, celui qui obscurcit les regards, celui qui n’est que mensonge et cruauté, celui qui n’est que le Mal diaboliquement personnifié.

 

« Je voyais Satan tomber comme l’éclair » (Evangile selon Saint Luc,10,18)

«Ar c’homziou-ze, ker mad ha ker karantezuz, a ro nerz d’in» / «Ces paroles, si bonnes et si empreintes d’amour, me donnent de l’énergie»

(Lamennais, Imitation Jezuz-Krist, Pevare Levr, Kenta kentel, lakaet e brezounek gant ann daou Aotrou A. Troude, ar c’horonal ha G. Milin, 1862)  / traduction du petit ouvrage, qui connût une forte diffusion, de Lamenais « Imitation de Jesus-Christ », par le Colonel Troude (auteur d’un dictionnaire de référence) et alt. 1862

 

Evangile (Lc, 10,18)

Addendum /sur la célébration liturgique du 29 mars 2018 à Tredion.

Dans la liturgie de l’Eglise catholique, les références des textes scripturaires lus chaque dimanche sont les mêmes (quelle que soit la langue d’usage et le pays) partout sur la planète. Depuis le Concile Vatican II, le déroulé s’établit sur un cycle de trois années, désignées A, B, C, et non plus sur un simple cycle annuel comme auparavant. Ceci permet d’offrir au public une sélection plus vaste de textes (issus de l’Ancien Testament ou Bible hébraïque : Torah/Pentateuque et autres livres, et du Nouveau Testament : Evangiles, écrits divers…).

 

Dans certaines circonstances particulières – c’est le cas ici – il est possible de choisir d’autres lectures. Il est donc assez naturel de supposer que le choix (Sg 2,23-3,9 , Ps 26, Jn 20, 1-18) effectué pour le Colonel Beltrame, est significatif, soit par rapport à l’histoire du Colonel, soit au regard de la Foi de l’Eglise, ou les deux.

 

Evangile en breton (note technique)

A la différence de sa langue cousine – le gallois – le breton n’a pas bénéficié, jusqu’à présent, d’une traduction unique de la Bible, qui ferait référence en matière de liturgie. On trouve donc plusieurs traductions des Evangiles, dont celle du Minihi Levenez (graphie falc’huneg), pour le diocèse de Kemper (voir le site), et au moins une traduction complète de la Bible (AT+NT), celle des éditions An Tour-Tan (graphie peurunvan). Signalons la traduction de Maodez Glanndour (influence trégorroise) pour sa précision et son élégance. Editions Al Liamm (voir le site)

En cherchant, on en trouvera d’autres (Koad21,…)

Une nouvelle traduction complète de la Bible, au niveau de langue intermédiaire entre les deux précitées (adresses internet ci-dessus), est en préparation (2018).

Ci-après, le texte du Minihi Levenez (graphie brestoise/falc’huneg). Yann (20, 1-18) :

Pennad 20

AR BEZ GOULLO

1 D’an deiz kenta euz ar zizun, da houlou-deiz, pa oa teñval c’hoaz, ez eas Mari Madalen d’ar béz, hag e welas e oa lamet kuit ar mên diwarnañ.

2 D’ar réd e tistro da gavoud Simon-Pèr hag an diskibl all, an hini a oa karet gand Jezuz, hag e lavaras dezo :

— « Lamet o-deus an Aotrou euz ar béz, ha n’ouzon ket e peleh o-deus e lakeet ».

3 Neuze ez eas Pèr hag an diskibl all er-mêz, hag ez ejont d’ar béz.

4 Redeg a reent o-daou asamblez med redeg a reas buannoh an diskibl all, hag eh erruas da genta er béz.

5 Soubla a reas da zelled hag e wél al lurennou lakeet eno. Med chom a ra hep mond tre.

6 D’e dro war e lerh, eh erruas ive Simon-Pèr, hag ez eas e-barz ar béz.

Gweled a reas al lurennou lakeet eno 7 hag al lienenn bet lakeet war ar penn, med houmañ e-leh beza gand al lurennou, a oa rollet brao en eul leh a gostez.

8 Neuze eo eh antreas d’e dro er béz an diskibl all, an hini a oa digouezet da genta. Gweled a reas hag e kredas.

9 Beteg neuze n’o-doa ket c’hoaz komprenet ar Skritur pa lavare e tlee Jezuz sevel a-douez ar re varo.

10 Goudeze e tistroas an diskibien d’ar gêr.

MARI-MADALEN A WEL AN AOTROU

11 Mari a-vad a oa chomet er-mêz, e-tal ar béz, hag a ouele. E ser gouela e soublas e diabarz ar béz, 12 hag e welas daou El, gwisket e gwenn, azezet el leh m’oa bet astennet korv Jezuz, ’unan ouz ar penn hag egile ouz an treid.

13 — « Maouez, emezo dezi, perag e ouelez ? »

Hi a respontas :

— « Kaset o-deus ganto va Aotrou, ha n’ouzon ket e peleh o-deus e lakeet ».

14 E-ser komz evel-se, e tistro hag e wél Jezuz a oa eno, med ne ouie ket e oa Jezuz.

15 Jezuz a lavaras dezi :

— « Maouez, perag e ouelez ? Piou a glaskez ? »

Hi hag a grede dezi e oa al liorzour, a lavaras dezañ :

— « Aotrou, m’az-peus kaset anezañ ganit, lavar din e peleh az-peus e lakeet, ma ’z in d’e gerhad ».

16 Jezuz a lavaras dezi :

— « Mariam ! »

Distrei a reas-hi ha lavared en hebreeg :

— « Rabbouni ! » da lavared eo : « Mestr ».

17 Jezuz a lavaras dezi :

— « N’ez a ket da douch ouzin, rag n’on ket c’hoaz pignet daved va Zad ; med kerz da gavoud va breudeur, ha lavar dezo : « Pignad a ran daved va Zad hag ho Tad, daved va Doue hag ho Toue ».

18 Mari-Madalen a zeuas da gemenn d’an diskibien :

— « Gwelet am-eus an Aotrou, ha setu amañ ar pez e-neus lavaret din ».

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