Le Puy du Fou et l’âme de la Bretagne

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Vous l’avez sans doute vu dans les médias : le Puy du Fou prévoit une nouvelle attraction en 2025, qui remplacera l’ancien spectacle créé en 2013 sur le thème des Chevaliers de la Table Ronde. On ne présente plus le Puy du Fou, cette aventure à succès créé à partir d’une ruine de château.

Aujourd’hui, au-delà des critiques ou encensements que certains peuvent avoir, il faut reconnaître objectivement que le Puy du Fou développe un savoir-faire extraordinaire en ce qui concerne le divertissement à thème, mais plus encore innove en rendant possible ce qui relevait jusqu’à présent du rêve. Ceux qui sont dans le monde de l’innovation et du spectacle le savent. Ainsi, les ateliers vendéens du parc sont devenus de véritables sources innovantes, exportant un savoir faire dans le monde entier et drainant des millions de visiteurs chaque année.

Là où cela interpelle, c’est que le Puy du Fou a été capable d’enraciner la mégastructure dans l’histoire-même du bocage vendéen, en s’inscrivant dans son histoire, une histoire dans le temps long qu’il convient de conter au plus grand nombre. Il surfe autant sur l’Histoire de France qu’avec l’imaginaire légendaire, parlant à la fois à l’âme, au coeur et à l’intellect. Certains reprochent les libertés prises avec la vérité historique, mais le propre d’une nation n’est-il pas d’écrire un roman national à même de rassembler le peuple, quitte à broder de fils d’or les siècles passés ?

Il y a  dix ans, nous évoquions sur Ar Gedour l’idée de créer un Puy du Fou breton. En 2019, nous en parlions à nouveau dans un article plus développé. Durant tout ce temps, rien ne s’est développé en Bretagne en ce domaine, excepté la Vallée des Saints, Breizh Odyssée ou encore les sons et lumières de Bon Repos et de Sainte Anne d’Auray, des aventures importantes mais qui ne rivalisent en rien avec l’audace vendéenne.

Le Roi Arthur en Vendée

Aujourd’hui, nous lisons que le parc vendéen, dans un spectacle de 22 minutes, dans une mise en scène d’une audace sans précédent, repoussant les limites de l’imaginaire, la paisible cité médiévale de Font Rognou se transformera au gré de combats et d’effets spéciaux spectaculaires, sans équivalents dans le monde du spectacle vivant. Le pitch est le suivant : un mystérieux messager se précipite entre les ruines de l’ancien château, à la recherche du jeune Tristan. Le légendaire roi Arthur et l’ensemble des chevaliers de la table ronde sont prisonniers des maléfices de la fée Morgane. Aidé par ses cinq fidèles compagnons et guidé par la Dame du Lac, Tristan devra faire preuve de bravoure et d’ingéniosité pour libérer Excalibur, l’épée magique du célèbre roi de Bretagne. Saura-t-il déjouer les pièges de la redoutable magicienne ?

Intéressant au premier abord, mais l’essentiel tient dans une phrase : ce spectacle intitulé « L’épée du Roi Arthur » évoque « un des chevaliers oubliés de la légende arthurienne qui, par l’épée du roi Arthur, fut lié à la lignée du Puy du Fou ». Le parc vendéen enracine totalement cette animation dans la grande histoire du Puy de Fou, le faisant entrer dans un imaginaire qui le dépasse allègrement dans le bal des siècles. Là où la Bretagne, qui a tout pour pouvoir faire connaitre son histoire par le divertissement, n’a jamais eu d’ambition, le Puy du Fou a été capable de développer un empire qui aujourd’hui va être capable de décliner la matière de Bretagne. Et parce qu’une telle aventure doit provoquer un engouement populaire, une méga chasse-au-trésor est organisée pour trouver une épée d’une valeur de 250 000€, remplaçant le trésor mythique de la Chouette d’Or trouvé récemment après 30 années de recherche.

Breizh  : une vision pour l’histoire ?

Quoi de mieux, après avoir proposé aux élèves des écoles l’Histoire de Bretagne (voir notre article « Quand les écoles catholiques enseignaient l’Histoire de Bretagne« ), que de les amener dans un parc d’attraction basé sur les grandes heures bretonnes, utilisant les technologies actuelles et du futur (et pas juste des panneaux pédagogiques) pour se plonger pleinement dans les bataille de Ballon, de Jengland ou de Saint Aubin du Cormier, pour être aux côtés de Saint Colomban, à la cour d’Anne de Bretagne, sur la Marie La Cordelière ou encore pour naviguer aux côtés de Surcouf, de Jacques Cartier ou du Duc Jean IV ? La Bretagne aurait été capable de cela, mais elle a tendance à rater les trains de l’Histoire, préférant opter pour des festivals récurrents plutôt que de viser bien plus haut, bien plus loin, bien plus fort. Incontestablement, ces festivals sont importants, mais au final, l’enracinement se fait par une déclinaison au fil des jours, pas sur des one-shots fussent-ils annuels.

Le pardon mais pas l’oubli

Contrairement aux fondateurs du Puy du Fou, la Bretagne de manière générale n’a pas de vision pour elle. Son identité semble se décliner dans une vision principalement festive de sa culture, et semble se perdre dans toutes les autres dimensions. Cela se perçoit dans l’enseignement (Diwan, Divaskell, Div Yezh), comme dans le monde de l’édition, deux mondes qui aujourd’hui tirent la langue et la sonnette d’alarme. Le monde musical semble quant à lui plus ou moins épargné car de nombreux jeunes groupes et artistes existent, mais aucune vraie figure n’émerge à ce jour, prenant la suite d’un Stivell ou d’un Denez (pour ne citer qu’eux). Les bagadoù et cercles celtiques, alors qu’existe un maillage fort qui pourrait faire bouger les lignes, n’ont – à quelques exceptions près- pas de volonté autre que de transmettre avec passion un patrimoine musical. Ce qui est déjà beaucoup, mais ne suffit pas.

Peut-être ce constat est-il résumable en un propos, qui illustre la relation de la Bretagne et de la Vendée à leur propre histoire : la Vendée a été capable de pardonner, même si elle n’a rien oublié de la persécution qu’elle a subi. La Bretagne, elle, semble avoir oublié son l’essentiel de son histoire, mais n’a rien pardonné et vit soit en battant sa coulpe, soit revancharde. C’est peut-être là le problème : sans le pardon, peut-on envisager un avenir ?

Le manque d’une réelle vision

Par ailleurs, peut-être manque-t-il pour la Bretagne des personnalités qui -qu’on soit en phase ou non avec elles- ont une réelle vision d’avenir, à l’instar d’un Elon Musk capable de donner vie à son futur, ou d’un Philippe de Villiers qui d’une ruine qui n’avait rien à envier à l’abbaye de Bon-Repos a bâti une véritable odyssée historique, allant désormais – ils viennent de l’annoncer- jusqu’à la publication d’un périodique issu du Puy du Fou Editions illustré par des dessinateurs de talent et intitulé Le Panache, destiné aux enfants pour leur conter autrement l’histoire de France, en continuité du parc. A l’époque en Bretagne existait Ololê. Que reste-t-il aujourd’hui en ce sens ?

 

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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3 Commentaires

  1. Le roi Arthur parlait Brittonnique insulaire, proche du Breton , Gallois et Cornique. Sans Breton, pas de légende arthurienne donc….Si le Puy du Fou pouvait aider certaines associations qui luttent pour la préservation de cette langue puisqu’ils gagnent de l’argent avec cette « matière bretonne »..Cela éviterait de faire comme beaucoup d’entreprises qui font du Breizh washing: gagner de l’argent avec l’identité bretonne mais évitant toujours de consacrer ne serait-ce qu’un euro à la transmission de la langue bretonne.

  2. Ce serait génial un Puy du Fou breton !

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