Chroniques bretonnes en pays vannetais (8) : Les cantiques, gardiens de l’expression spirituelle de l’âme bretonne.

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Les chroniques publiées de Glenn Gouthe sont initialement publiées sur sa page Facebook et reprises avec son autorisation sur Ar Gedour.

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Kronikennoù Breizh e Bro-Gwened 8 : Ar c’hanennoù, gouarnourion lâr speredel an eneñv breizhat

« Mélamb oll lan a joé… Adoram oll er sakremant ag an aotér… O Rouanéz karet en Arvor… Ar ho pugalé karet… Jezuz a oll viskoah… ». Ar c’hanennoù-se a zasson c’hoazh hiniv-an-deiz en overennoù ha pardonioù bro Gwened. An tonioù-se a ro soñj deomp doc’htu el lec’h-se, lan a hengounioù kristen pe ragkristen, er pardonioù bras èl kani « Gouil Maria Kreiz-Est » pe kani Keranna, er festoù keriadennoù a-hed ar blez e pep lec’h er Morbihan e-menn e kaver an overenn e kreiz un devezh gouel, emgavedigezh, e kreiz un devezh buhez.

Kanennoù eskopti Gwened n’int ket kozh-noe pe é tonet ag amzerioù a-holl-viskoazh. Alies int bet aozet get tud relijiel dreist-holl etre ar XVIIvet hag an XIXvet kantved hag o deus, get ur soñj ensevenadurel, azasaet kemennadenn an Aviel e brezhoneg. Azasaet o deus tonioù, ur wezh an amzer sonaozet gete, pe awenet get tonioù pobl, disakr, gregorian èl “kantik ar baradouiz”, klasel pe ag an arme memes. N’eo ket ral naket kaout kanennoù kompozet e-barzh broioù arall a Vreizh hag azasaet evit bro Gwened pe ar c’hontrel.

Kanennoù eskopti Gwened èl m’o anavomp-ni hiniv-an-deiz a zo tennet dre vras ag ur levr savet e penn-kentañ ar c’hantved diwezhañ. Augustin Guillevic, vikel bras, a vodas tro-dro dezhañ ur strollad evit prientiñ ur « levr kanennoù aes, anavet get ar bobl, gouest da gelenn ha da fromiñ an deoliezh vreizhat ». Adkemeret ‘vez gete neuze levrioù an tadoù Pourchasse, Guillome, pe c’hoazh Larboulet, hag un niver bras a ganennoù a vo dilaosket, oc’hpennet, adksrivet, adaozet. Ur 120 bennak a ganennoù a vo gouarnet erfin evit ar c’hloerdi a-bezh. Dom Loeiz Herve, manac’h e Abati Kergonan e Plarnel a zo e penn al lodenn sonerezh. Un embannadur kentañ a zo moulet e 1923 mes adkempennet a vo 10 vlez àr-lerc’h, embannadur ar c’hanennoù a anavomp hiniv-an-deiz.

E-korf 100 vlez, kanennoù eskopti Gwened n’o deus ket cheñchet kalz. Reoù zo e-mesk ar re anavetañ pe kanet ar muiañ en overennoù pe pardonioù a zo chomet bev hag a zo c’hoazh kanet na bout ma zo bet ankoueet reoù arall àr skouer diskar ar brezhoneg a-hed ar c’hantved diwezhañ. Dreist d’o c’harg relijiel, gi zo testeni ur mare, ur c’heriaoueg, ur lennegezh, hengounioù poblek meur-a-wezh achu bremañ. Mes dreist-holl int gouarnourion lâr speredel an eneñv breizhat.

Chroniques bretonnes en pays vannetais 8 : Les cantiques, gardiens de l’expression spirituelle de l’âme bretonne

« Mélamb oll lan a joé… Adoram oll er sakremant ag an aotér… O Rouanéz karet en Arvor… Ar ho pugalé karet… Jezuz a oll viskoah… ». Ces cantiques résonnent encore aujourd’hui dans les célébrations et pardons du pays vannetais. Ces mélodies nous ramènent instantanément à ce territoire imprégné de traditions chrétiennes voire pré-chrétiennes, à ces grands pardons de « Gouil Maria Kreiz-Est / Fête de Marie de la Mi-Août » ou de Keranna/Sainte-Anne-d’Auray, de ces fêtes locales tout au long de l’année jusque dans les coin les plus reculés du Morbihan où la messe est au cœur d’une journée de fêtes, de retrouvailles, de vie.

Les cantiques du pays vannetais ne sont pas multiséculaires ou en provenance d’âges immémoriaux. Ils sont bien souvent le fruit de compositeurs ecclésiastiques qui, particulièrement entre les XVIIè et XIXè siècles, ont, par souci d’inculturation, adapté le message de l’Evangile en breton. Ils y ont adapté des mélodies, parfois composées par eux-mêmes, parfois inspirées de mélodies issues du répertoire populaire, du répertoire profane, du chant grégorien comme le fameux “kantik ar Baradouiz” , du classique voire même du répertoire militaire. Il n’est pas rare également de voir des cantiques composés dans d’autres pays de Bretagne être adapté en version vannetaise et vice-versa.

Les cantiques bretons vannetais tels que nous les connaissons aujourd’hui sont principalement issus d’un recueil constitué au début du siècle dernier. Augustin Guillevic, alors vicaire général, réunit autour de lui une équipe afin de préparer un « recueil de cantiques faciles, populaires, capables d’instruire et d’émouvoir la piété bretonne ». Ils vont alors reprendre les anciens recueils des abbés Pourchasse, Guillôme ou encore Larboulette, supprimer, ajouter, réécrire, réadapter nombre de chants pour finalement aboutir à un peu plus de 120 cantiques pour tout le diocèse. Une autre personne, Dom Louis Hervé, alors moine l’abbaye de Kergonan en Plouharnel, va être le principal référent de la partie musicale. Une première édition notée voit le jour en 1923 mais celle-ci va être remaniée 10 ans plus tard pour une version définitive des cantiques que l’on connait aujourd’hui.

En 100 ans, les cantiques vannetais n’ont pas ou peu changés. Certains parmi les plus connus ou les plus usités dans les célébrations et les pardons ont survécu et sont encore chantés quand d’autres ont définitivement sombré dans l’oubli à l’image du déclin de la langue bretonne tout au long du siècle dernier. Au-delà de leur fonction religieuse, ils sont le témoignage d’une époque, d’un vocabulaire, d’une littérature, de pratiques populaires pour certaines aujourd’hui révolues. Mais ils sont avant tout les gardiens de l’expression spirituelle de l’âme bretonne.

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À propos du rédacteur Glenn Gouthe

Professeur certifié à temps plein en breton et éducation musicale en breton, doctorant au sein du Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Glenn Gouthe propose ses chroniques sur sa page Facebook. Elles sont reprises sur Ar Gedour avec son aimable autorisation.

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