Chroniques bretonnes en pays vannetais (6) : Jean-Marie Le Joubioux ou l’envers du « Brezhoneg Beleg »

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Les chroniques publiées de Glenn Gouthe sont initialement publiées sur sa page Facebook et reprises avec son autorisation sur Ar Gedour.

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🔹Kronikennoù Breizh e Bro-Gwened 6 : Yann-Vari ar Joubiouz pe tu garenep ar « brezhoneg beleg »

Ha pa gomzer diàr-benn levrioù relijiel skrivet e brezhoneg, soñjal a reer alies er « brezhoneg beleg ». An implij-se ag ar yezh hag en deus servijet kalz da droiñ levrioù relijiel kentelius a oa karget a droiennoù galleg èl an titloù « reflectionou profitabl » pe « explication er hatechim ».

Yann-Vari ar Joubiouz, ganet àr enez Arzh e 1806 a zo bet ur beleg a-enep groñs ar yezh hiron-se. « Doue ha mem bro » a zo e oberenn varzhoniel bennañ embannet e 1844 e brezhoneg hag e galleg. Lakaat a ra an titl-se da soñjal e ger-stur chouaned ar Mor-Bihan er mare-se hag a wela tremen galloudoù disheñvel, republik, rouantelezh pe impalaeriezh gall kreizennet. Teir lodenn a zo er levr get brezhoneg flour a-barzh. An hini gentañ a lak ar gomz dreist-holl àr ar relijion, an eil àr tud kar pe hag o deus merket ar skrivagnour. Hag erfin an trede a laka àr-wel Breizh hag ar brezhoneg. Dreist d’an ton relijiel merket mat e vez kavet da skouer titouroù dedennus diàr-benn ar vuhez tro-dro ar mor bihan er mare-se. E varzhoneg aozet ha pa oa eñ é veajiñ e Napoli e 1841 a zeskriv hiraezh e vro c’henidik mes ivez bezañs gwinieg àr enezenn Ilurig : « Pegours enta é huélein-mé Roltas,/ Arh, Isenah, Saraù, er vro pinhuik ?/ Pegours é hein de ilis Lokeltas,/ Hag é ivein a huin gùen Ilurik ? ». Oc’hpenn-se, un nebeut skridoù sonerezh a vez kavet e fin ar levr da binvidikaat barzhonegoù ‘zo.

Kloziñ a ra e levr get un diviz gwerzaouet chomet hep bout troet neoazh èl ma zispleg er rakskrid : « On n’a pas cru devoir traduire la satire suivante, dirigée contre le gallo-breton, ou l’étrange mélange que font du breton et du français certaines classes de personnes en Bretagne, cette pièce ne pouvant intéresser que les lecteurs bretons. » Ne vira ket neuze a vurutelliñ en un doare rust an douarenez, ar c’haporal hag ar skolaer dre ar vamm-gozh hag a zifenn brezhoneg ar maezoù a-enep brezhoneg ar c’hêrioù. Uissant, mab ar vamm-gozh, a galv ‘benn ar fin an aotrou person evit diskoulmiñ ar goulenn. Hag èl-rezon en em renk ar person doc’h tu ar skrivagnour : « Ghirieu gal zo mad é gallek,/ Ne dallant tra é brehonek. »

🔸Chroniques bretonnes en pays vannetais 6 : Jean-Marie Le Joubioux ou l’envers du « Brezhoneg Beleg »

Lorsque l’on parle d’ouvrages religieux écrits en breton, il vient souvent à l’esprit le « brezhoneg beleg » ou le « breton de prêtre ». Cette utilisation de la langue servant notamment à la traduction d’ouvrages d’édification religieuse est chargée de tournures françaises à l’image des « reflectionou profitabl » ou de l’« explication er hatechim ».

Jean-Marie Le Joubioux, né sur l’île d’Arzh en 1806 fut un prêtre résolument contre cette langue hybride. « Doue ha mem bro », « Dieu et mon pays » est son œuvre poétique majeure publiée en 1844 en breton et en français. Ce titre n’est pas sans rappeler la devise des chouans morbihannais en cette période voyant défilé tour à tour république, monarchie ou empire français centralisés. Trois parties composent cet ouvrage d’une langue particulièrement soignée. La première se concentre sur le religieux, la deuxième sur les personnes qui l’ont marqué, qui lui sont chères, et enfin la dernière met en avant la Bretagne et la langue bretonne. Outre le caractère pieux particulièrement lyrique, on trouve par exemple des renseignements non dénués d’intérêts sur la vie de l’époque autour du Golfe du Morbihan. Son poème composé alors qu’il est en voyage à Naples en 1841 exprime le manque de sa terre natale et indique la présence de vignes sur Iluric: « Quand donc verrai-je Roguédas,/ L’isle-d’Arz, l’Isle-aux-Moines, Sarzeau le pays riche ?/ Quand verrai-je Saint-Gildas,/ Et boirai-je du vin (blanc) de la petite Ilur ? » De plus, ses poèmes sont parfois accompagnés d’une partition proposant un support musical à la versification.

Il conclut son ouvrage par une conversation en vers, non traduite cette fois ainsi qu’il le note en préambule : « On n’a pas cru devoir traduire la satire suivante, dirigée contre le gallo-breton, ou l’étrange mélange que font du breton et du français certaines classes de personnes en Bretagne, cette pièce ne pouvant intéresser que les lecteurs bretons. » Il ne va donc pas se priver de critiquer sévèrement les mots français distillés dans la langue bretonne tour à tour par la petite-fille, un caporal, un instituteur, par l’intermédiaire d’une grand-mère défendant alors le breton des champs envers le breton des villes. C’est finalement Uissant, le fils de la grand-mère qui fait appel au recteur pour trancher la question. Et bien entendu, le recteur se rangera du côté de l’avis de l’auteur : « Les mots français sont bons en français, ils ne valent rien en breton. »

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À propos du rédacteur Glenn Gouthe

Professeur certifié à temps plein en breton et éducation musicale en breton, doctorant au sein du Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Glenn Gouthe propose ses chroniques sur sa page Facebook. Elles sont reprises sur Ar Gedour avec son aimable autorisation.

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