Les Pardons en Bretagne : un équilibre entre dévotion et festivités profanes

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min
Pardon Kernascleden
Photo Rozenn Airault – 2017

L’été est là (plus ou moins vu le temps) avec son lot de pardons. Les affiches et les médias locaux relaient ces événements qui font pleinement partie de l’identité de la Bretagne, mais une question nous interpelle lorsque la messe elle-même est parfois laissée comme accessoire face aux centaines de repas qui peuvent parfois être servis, ou la présence de tel et tel bagad.

Une mise en avant de la dimension profane ne doit pas pour autant occulter la dimension religieuse. Cependant, c’est ce que nous constatons régulièrement sur les différents supports médiatiques, et notamment dans les articles publiés dans les journaux locaux, voire sur les affiches (cf exemple ci-dessous, dans lequel l’essentiel semble se porter sur le spectacle et les danses trad, et dans lequel la messe semble être une portion congrue).

Le pardon en Bretagne est en effet bien plus qu’un simple événement religieux. C’est une célébration qui intègre harmonieusement la foi catholique et les traditions culturelles locales, créant ainsi un moment de rassemblement unique, entre fête des voisins enracinée et vénération d’un saint qui porte en lui la foi et l’espérance de nos aïeux, notamment ceux du quartier concerné. Il est donc essentiel de rappeler que le pardon ne se limite pas à une seule dimension. Il est à la fois une expression de dévotion religieuse et une fête populaire, et l’une ne doit pas éclipser l’autre.

La dimension religieuse du Pardon

Les pardons trouvent leurs origines depuis bien longtemps, et sont avant tout des pèlerinages catholiques dédiés à des saints spécifiques, souvent les patrons de paroisses ou de chapelles locales, saints bretons ou non qui ont marqué l’histoire religieuse et culturelle de la Bretagne. Ces événements débutent par une messe solennelle, un moment de recueillement et de prière qui est au cœur de la célébration. Les processions qui suivent la messe (ou les vêpres, selon les lieux), durant lesquelles les fidèles portent des bannières, des statues et des reliques, sont des manifestations visibles de la foi et de la dévotion communautaire. Jusqu’au tantad qui est à la fois réminiscence d’un rite ancien, et rituel chrétien, sur lequel nous reviendrons, et qui fait une sorte de pont avec les réjouissances profanes.

Le terme « pardon » fait référence à l’indulgence accordée aux participants, leur permettant d’obtenir le pardon de leurs péchés. Ces pèlerinages incluent souvent des actes de pénitence, comme la marche à pieds ou des prières spécifiques, soulignant la dimension spirituelle et introspective de l’événement. Un pardon, c’est le côté festif, mais pas que… et c’est pourquoi le sacrement de réconciliation prend tout son sens lors des pardons.

La dimension festive du Pardon

Photo Ar Gedour (DR)

Cependant, réduire le pardon à sa seule dimension religieuse serait passer à côté de son essence. Les pardons bretons sont également des moments de festivités, de convivialité et de partage. Après les cérémonies religieuses, les fidèles se rassemblent pour participer à diverses activités profanes qui font partie intégrante de la tradition.

Les offices sont souvent suivis des repas, de concours de boules, de matches de football, de festoù-deiz et festoù-noz, et de soirées dansantes (fest-noz), sans oublier les tombolas et animations diverses. Ces activités permettent aux membres de la communauté de se retrouver dans une dynamique chaleureuse et joyeuse, renforçant les liens sociaux, la fraternité et la solidarité. Et cela que ce soit en tant que pèlerins du pardon ou en tant que bénévole, donnant du temps dans une ambiance fraternelle. C’est par cet aspect que bien souvent les pardons reprennent de leur vigueur, pour peu qu’une attention particulière lui soit porté.

Mais il arrive que la messe ne devienne qu’accessoire face à toute une programmation et que la dimension culturelle prenne le pas au point que les processions deviennent des défilés, que l’ensemble ressemble bien plus à une fête des vieux métiers avec une dimension folklorique qui n’a plus grand chose à voir avec la tradition qu’à un pardon qui est l’expression de la foi et d’une dévotion populaire pour le saint vénéré en ces lieux.

L’importance de conserver les deux dimensions

Photo Ar Gedour (DR)

Il est crucial de préserver cet équilibre entre la dimension religieuse et la dimension festive du pardon et de communiquer en ce sens. Trop souvent, les articles de journaux mettent l’accent soit uniquement sur la messe, soit uniquement sur les festivités, négligeant ainsi l’importance de l’autre aspect. La messe ne doit pas devenir accessoire, car elle est le cœur spirituel de l’événement, rappelant aux participants la raison profonde de leur rassemblement. De même, les festivités ne doivent pas être minimisées, car elles incarnent la vitalité culturelle et sociale de la communauté, et l’enracinement culturel permet pleinement cette incarnation, parlant au coeur des gens.

En conclusion, disons que le pardon en Bretagne est une célébration riche et complexe qui mérite d’être appréciée dans toute sa diversité, capable de renouveler un esprit fraternel dans les paroisses. En intégrant à la fois la dévotion religieuse et les festivités profanes, il reflète la dualité de l’âme bretonne, profondément ancrée dans la foi tout en étant ouverte à la joie de vivre et à la convivialité. Conserver cet équilibre est primordial pour que le pardon reste une manifestation vivante et dynamique de l’identité bretonne, manifestation missionnaire d’un esprit qui parfois se perd dans les paroisses.

En reconnaissant et en valorisant ces deux dimensions, nous pouvons assurer que le pardon continue de jouer un rôle central dans la vie culturelle, spirituelle et sociale de la Bretagne, unissant les générations dans un même élan de foi, de fête et de fraternité.

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À propos du rédacteur Stella Gigliani

L'une des touches féminines d'Ar Gedour. Elle anime en particulier la chronique "La belle histoire de la semaine".

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Un commentaire

  1. Louis-Marie SALAÜN

    Merci pour cet article qui recadre bien les choses.

    Au sujet de la messe solennelle qui ouvre le pardon, il faut hélas déplorer que ce terme de messe solennelle ne correspond pas toujours à la messe des pardons. En effet, la messe solennelle requiert la présence d’un diacre et sous-diacre, mais aussi que la messe soit chantée, c’est-à-dire que tous les récitatifs du célébrant, les lectures et le Propre soient chantés. On en est hélas encore très loin, et pas seulement en Bretagne, lorsqu’on annonce une messe solennelle. Ansi, de nos jours ce sont plutôt des messes chantées ou avec chants, auxquelles on assiste lors des pardons ou autres occasions.Rendons au vocabulaire liturgique son véritable sens.

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