Saints bretons à découvrir

Les paroisses fantômes

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Un constat au fil des kilomètres, qui fait mal au coeur, à la fois au catholique pratiquant mais aussi à celui qui, de passage, ressent le besoin de s’arrêter un moment pour poser un cierge et rester quelques instants au-delà du temps : une église fermée qui n’ouvre qu’occasionnellement, peut-être une fois par mois, parce que le recteur de la paroisse est devenu malgré lui gestionnaire d’un ensemble paroissial aux clochers innombrables, des églises paroissiales aux modestes chapelles. Le passant passe et se retrouve très souvent face à une porte close. Encore dernièrement, le jour d’un pardon pour lequel il ne reste plus que la messe, la chapelle était fermée l’après-midi : impossible de mettre un cierge au saint dédicataire.

Et quand l’édifice est ouvert, il n’y a personne pour accueillir le passant. Jésus est parfois encore là, dans un coin de l’édifice. On aperçoit sa présence au vacillement incertain de la petite lampe rouge posée aux côtés du tabernacle. Dans certains lieux, il n’est plus là. Certains diront qu’il est partout, évacuant d’une phrase la question essentielle de la Sainte Présence. Et puis si un rayon de soleil s’échappe fugacement au travers d’un vitrail, si jamais les précieuses mains qui entretenaient l’église ne sont plus, on peut entrevoir la poussière et les toiles d’araignées. Les chapelles latérales quant à elles deviennent le lieu de stockage de ce qui encombre. Mais est-on dans un lieu de vie ou, pour reprendre les termes du cardinal Sarah, un tombeau ?

Il reste encore dans de nombreuses paroisses des bénévoles qui peuvent aider. Mais il existe aussi d’autres clochers ou plus rien n’est possible. Tout est donc fermé, justifiant les risques de vols et de dégradation. Un ami me racontait que rien que depuis deux semaines, entamant une tournée dans des départements français du côté de la Franche-Comté, que toutes les églises qu’il contacte pour pouvoir les visiter sont fermées. A ce jour, une vingtaine de paroisses contactées, et à chaque fois, il doit justifier de la raison pour laquelle il souhaite visiter les églises. « Ils nous ont confisqué notre patrimoine » nous livre-t-il.

L’autre jour, je me promenais dans le Pays Gallo. Je passe par une paroisse perdue, au milieu de nulle part. L’église était ouverte. C’est déjà une bonne chose. Des veilleuses et des cierges brûlaient au pied du saint local. Au pied du jubé une petite table avait été placée, sur laquelle étaient disposées la vie du saint, l’histoire de l’église, le cantique local et une proposition de déambulation. Une bonne idée pour le passant car l’église, charmante et ancienne, invite à y rester. Et l’on voit que la personne qui s’en occupe y met son coeur. Et elle, elle ouvre l’église tous les matins, la ferme tous les soirs, contrairement à d’autres lieux.

On entr’aperçoit cette paroisse, qui était autrefois florissante car lieu de guérison réputé, tomber inexorablement vers un abandon : le mobilier est poussiéreux et l’ancien maître-autel poussé sur le côté attend que les insectes aient terminé leur oeuvre. Jésus-Eucharistie est parti et la table servant d’autel n’est plus là que pour combler un certain vide. On ressent qu’il existait une spiritualité forte en ce lieu mais, excepté le passant qui un moment peut se recueillir, il n’y a plus rien. L’édifice se mue doucement en vestige de passé, à l’instar de beaucoup de nos églises et de nos chapelles, dans l’ignorance la plus complète. Même les paroissiens habituels, continuant à se rendre à la messe chaque dimanche au nouveau chef-lieu paroissial, ignorent cette plongée vers l’abîme et la ruine programmée de ces murs construits par la sueur de nos ancêtres pour la gloire de Dieu et cette volonté de transmission de la foi qu’aujourd’hui nous laissons de côté pour vaquer à nos propres occupations.

Devons-nous nous résigner à l’abandon de ces lieux autrefois si vivants et qui peu à peu, du moins dans nos campagnes, se muent en salles funéraires qui tentent tant bien que mal de survivre ? Nous, chrétiens, avons-nous conscience que nous-mêmes, nous devons contribuer à cette vie, et ne pas attendre que d’autres s’en occupent pour nous ?

Comment faire ?

Philippe Abjean a proposé dans son ouvrage « Apprends-moi les mots qui réveillent un peuple » des pistes concrètes. Ar Gedour, de son côté, se demandait pourquoi les communes et les paroisses, à l’heure du numérique, ne développent pas des outils qui permettraient d’ouvrir ces lieux où tant de conversions ont été vécues par un visiteur de passage. Des start-ups ont déjà travaillé sur des solutions, mais l’audace du changement manque. On parle d’éviter l’entre-soi, mais si entrer dans une église impose de faire partie d’un sérail identifié, comment s’adressera-t-on à des périphéries anonymes ?

Pour faire face aux vols, les caméras étant devenues peu chères, une vidéosurveillance à moindre coût est possible. Combien d’églises ont décidé de s’en équiper ? Si la commune et la paroisses justifiaient (à tort) un coût trop élevé, des paroissiens attachés à leurs clochers ne peuvent-ils pas les financer ?

Pour éviter les vols de statues, les fixer aux murs après les avoir pucés (cela encore n’est pas d’un tarif excessif). Le tout étant de savoir si on conserve ce patrimoine comme un Harpagon, ou si ce patrimoine est un témoignage de foi pour que les générations LE connaissent.

Ar Gedour ne se limite pas à constater le déclin, mais imagine l’avenir. Nous sommes actuellement en lien avec une start-up bretonne engagée dans le numérique pour proposer une solution sécurisée qui permettrait à chaque chapelle et église d’être ouverte pour celui qui le souhaite. Si vous avez besoin de plus d’informations, nous sommes à votre disposition pour vous présenter cette solution et envisager un futur pour vos édifices religieux.

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À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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6 Commentaires

  1. Oui, c’est vrai, nos aïeux nous laissent un patrimoine matériel extraordinaire. Et en Bretagne plus qu’ailleurs. Il faut le reconnaître, le dire, et l’assumer. Mais, pour le reste, il faudrait aussi parler des causes. Aussi, pausons-nous la question : Comment en sommes nous arrivés là ???? Car enfin, s’il existe une institution possédant une certaine expérience en terme de transmission, c’était quand même bien l’Église, que je sache. Hors la propagation d’hérésies dans le clergé, puis l’apostasie qui s’en est suivi ne pouvait déboucher sur rien d’autre, que sur cette catastrophe. Catastrophe qui n’intéresse pas grand monde visiblement, même pas les premiers concernés ! Terrifiant. Un bilan sans concession des 50 dernières années minimum, s’impose à tous désormais. Sans cela, nous sommes condamnés à toucher le fond ! Que Dieu nous vienne en aide.

  2. En matière d’initiative, peut-être faudrait-il faire la distinction entre milieu urbain et rural.
    .
    Une chapelle ou une église située en pleine ville, ou à la vue de tous peut plus facilement être ouverte au quotidien. C’est le cas dans les grandes villes, ce pourrait l’être dans les villes moyennes (10.000 à 20.000 habitants, dites à « taille humaine »), voire dans certains bourgs.
    .
    Par ailleurs, entre ouvrir au quotidien et ne pas ouvrir du tout, il y a une marge.
    Ouvrir à intervalle régulier, disons une fois par semaine, à jour fixe (hors occasions particulières), par exemple le samedi ou un jour d’animation (marché hebdomadaire?) peut être opportun, à la fois pour les locaux qui retrouveraient ainsi un repère, et pour les gens de passage qui y trouveraient une occasion de visite?
    .
    C’est l’occasion de rappeler aussi l’importance des pardons annuels, qui permettent de célébrer au moins une messe par an, condition pour maintenir « vivant » l’édifice. Il arrive que des prêtres, d’origine extérieure à la région aient quelque difficulté à comprendre cet attachement au « Pardon » local, en Bretagne, parait-il. Question de culture, sans doute?
    .
    Autre chose, les occasions familiales (mariage,…). La pratique varie d’un diocèse à l’autre semble-t-il. Pourquoi?
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    C’est aussi le modèle de l’organisation territoriale de nos sociétés qui est interrogé. Mais rien ne dit que l’agglutinement dans des ilôts urbains, difficiles à vivre, soit définitif. Le développement de la fibre optique (internet rapide) peut amener des retournements (au moins partiels) de situation, en matière de démographie et de géographie. Peut-être que nos descendants seront contents d’avoir à portée de regard chapelles et églises anciennes dans une proximité habitée et retrouvée….
    .
    Mais la vraie question reste celle de la présence visible de la Foi, dans nos sociétés. Et également celle de la « transmission ».
    Si la Foi est avant tout un acte de réalisme (acquiescement personnel à la situation humaine, et recherche d’une relation à la divinité), encore faut-il avoir été initié à la réalité divine (Ecritures, prière, sacrements – à commencer par le baptême – , liturgie,…) pour en goûter la proximité. Même si l’on considère le cas d’une expérience spirituelle individuelle ponctuelle dans la trajectoire d’une vie – cela existe, et les témoignages ne manquent pas, ne serait-ce que dans la littérature « religieuse » – , il reste que la proximité de l’Eglise est déterminante pour approfondir et entretenir la petite « flamme ». Dans un monde vibrionnant ou étourdissant qui trop souvent ne propose que « fumée » ou « vacuité ».
    .
    E Konk-Kerne, ez eus ur chapelig, e kreiz-kêr ha war vord ar mor, hag a zo digor d’an holl war ar bemdez. Dre sikour parrezianiz zo. Alies a-walc’h e vez gwelet tud o chom a-sav en he barzh, ha pa vefe evit teurel ur sell pe diskuizhañ, pe lakaat ur goulaouenn-goar, pe bediñ ur prantadig..piv oar…

  3. En deux lignes, la guerre n’est pas perdue, voici pourquoi et comment: je dis bien, en deux lignes:

    a) pour construire une civilisation, il faut un logiciel laïc, d’essence divine: c’est la Règle de Saint Benoit ;

    b) pour détruire une civilisation, il faut un logiciel laïc, d’essence satanique: c’est la Franc-Maçonnerie .
    …………………………………………………………………………………………………………………….

    À présent, quel est le nouveau nom du logiciel ? La Naprotechnologie. Vous ne connaissez pas ? C’est normal.

    C’est à la fois un couteau suisse et l’arme nucléaire pour annoncer l’Évangile.

    On met le présent mèl à la poubelle ? Ou on passe à la vitesse supérieure ?

    • Je ne comprends pas bien. Merci de préciser votre pensée si possible.
      Le début du propos semblait intéressant. Le suivant un peu bien surprenant ! Hors, nous recherchons tous la recette miracle qui règlerait les problèmes du moment. Aussi, que voulez-vous dire exactement?

  4. Cet article et ces commentaires sont malheureusement dans le vrai. Dans mon Ile (Corse) c’est le même problème ; dans mon village moins de 100 habitants l’hiver je dis bien CENT ! il y a 2 ou 3 personnes qui sont chargées d’ouvrir l’Eglise, mais il y a une barrière qui empêche d’ entrer ! eh oui : vols et dégradations…. alors que faire ? Il est vrai que j’aimerai pouvoir aller me recueillir devant le Tabernacle, alors lorsque je passe devant je me signe … voilà tout ce qu’il me reste à faire !
    Effectivement, pour détruire une civilisation il faut détruire Ce à quoi elle croit.

  5. Bonjour,
    Il est des chapelles oubliées qui revivent lorsque qu’une petite Fraternité ou un groupe de prières est autorisé par le curé de la paroisse à s’y retrouver et y animer des temps d’accueils pour tous. C’est le cas de la petite chapelle de St Samson en Plougasnou.
    Merci, si vous pouvez nous donner plus d’informations pour une solution sécurisée, nous pensons à l’église de notre village dont nous gardons la porte ouverte toute l’année. Et, également, pour  »pucer » les statues et autres objets.
    Kenavo

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