Le nom de Mansuetus est connu par les actes du synode de Tours du 18.11.461, où il signe Mansuetus episcopus Britannorum. On doit d’ abord noter que (si la graphie d’origine n’était pas Brittanoeum), il s’ intitule ainsi évêque des Britanniens et non des Bretons, ces deux noms n’ étant interchangeables que dans un seul sens (tout Breton est britannien, mais les Britanniens ne sont pas tous bretons). Le nom de Britannia Minor pour l’Armorique bretonne est une création de lettrés, alors que le nom français de Bretagne remonte à Brittania. Il n’est donc pas certain que Mansuetus soit venu d’ Armorique, c’est seulement une possibilité. Il pourrait être un visiteur de Britannie. En 567 un autre synode de Tours distinguait les Britanni des Romani, ce qui, dans ce cas, exprimait une différence d’ obédience ecclésiale.
Les historiens s’accordent à penser que Mansuetus est une traduction d’un nom breton ; cela n’ est pas certain, mais très probable. L. Fleuriot avance que ce peut être la traduction du nom d’un évêque Chariato, qui assista au synode d’Angers, en 453 et dont le siège (ou la fonction) n’est pas identifié. L.F. ne retient pas l’identification du nom avec le nom franc Charietto, bien que le Ch- initial indique normalement le H- germanique. Il ignorait aussi l’existence d’’un évêque de ce nom à Genève. Linguistiquement la traduction d’un celtique *Karjato par Mansuetus serait possible, avec le sens d’ « aimable » (non pas « charitable »).
On peut encore avancer deux considérations. La première est qu’ il serait étonnant que le même personnage se soit présenté sous deux noms différents à huit ans de distance, d’autant plus que le nom de Cariato, s’il n’est pas latin, dérive d’une racine commune au celtique et au latin et portait un sens pour les latinisants. La second est que cariad existe bien en gallois et a dû exister en vieux-breton, mais nous n’avons pas de témoignage d’anthroponyme armoricain correspondant (le plus proche est Caradoc, qui ne peut avoir donné Cariato).
L’ usage religieux du terme mansuetus dans les vies des saints bretons n’est pas rare. Dans la Vie de s. Cadoc, par exemple, on a mansuetius dans le sens de « plus docilement ». Dans la Vie de s.Teliaw mansueta pecora signifie « brebis soumises ». Mansuetus a en effet le sens de « bienveillant », « de bon caractère ». Ceci nous amène , en langue brittonique, au gallois hawdd « aisé », dont le dérivé hawddgar traduit bien mansuetus. En breton armoricain le mot est heuz (et diheuz signifie « bouc-émissaire », « souffre-douleur »).
Or nous avons en Bretagne un saint, dont les acta sont inconnus, mais bien attesté topographiquement, et dont le nom était Hodoc en vieux-breton (du v.celt. *sâdâkos « bienveillant). Il est l’éponyme de Plouézec en Goëlo , Plouec-du-Trieux en Trégor, Ploeuc-sur-Lié en Penthièvre, Saint-Théo en Plouguenast (prononcé [: ] en gallo, c’ est à dire graphiquement Saent Hoc) ainsi que Loudéac (ancien Loctoiac, de * Loc-to-hezoc), Pleugriffet en Porhoët (Pow-Trec’hoet) vannetais, auxquels il faut encore ajouter Lohéac (de *Lo-hedac) entre Aff et Vilaine. Si l’on tient compte de Traou-Hoc en Ploubazlanec et de Méné-Hoc en St-Caradec-Trégomel on voit qu’ il est l’ éponyme de 9 lieux et que son domaine s’ inscrit dans un triangle de la pointe Nord du Goëlo à l’ Est et presque jusqu’à l’Ellé à l’ Ouest et couvre l’ ensemble du Pagus Trans Silvam. Si le Mansuetus du Synode de Tours est bien notre Hodoc il a donc été un personnage important et pourrait être appelé apôtre du Pays Trechoet.
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Passionnante approche de la vie d’un saint au travers de la toponymie et de ses pérégrinations.
Merci.