Je me souviens… Sainte Anne d’Auray, le 20 septembre 1996

Détail du menu du pape Jean-Paul II à Ste Anne d'Auray
Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

En ce 20ème anniversaire de la venue du Pape Jean-Paul II à Sainte Anne d’Auray, j’ai souhaité vous livrer un témoignage particulier de la manière dont j’ai vécu cet événement.

Dans quelques jours nous fêterons le 20ème anniversaire de la venue du Pape Jean-Paul II à Saint Anne d’Auray. Déjà !  Je me souviens encore …

rencontre avec le pape Jean Paul II
Archives Eflamm Caouissin – DR

La veille avait été consacrée à se préparer, tenue de service et matériel, avec les camarades de chambrée. Un trop court sommeil puis, alors que la nuit étendait encore son manteau sur la terre, nous nous sommes levés, et nous avons pris nos voitures. Direction Sainte Anne d’Auray. Il n’y avait pas encore grand monde, mais déjà les barrières étaient en place.

Le véhicule nous dépose et nous nous dirigeons non vers le podium, mais vers le cloître.

Nous allions nous installer pour préparer le service du déjeuner du Pape Jean-Paul II. Nous avions été quelques-uns des lycées hôteliers Jean Guéhenno (Vannes) et Saint Ivy (Pontivy) à être sélectionnés pour participer à ce moment. Fouille de la part des services de sécurité, interdiction de sortir ensuite, mise en place… et c’est parti !

La messe commence, et nous ne pouvons que la regarder à l’écran. Un petit pincement au coeur en se disant que dehors, ce doit vraiment être quelque chose ! Que nos amis qui sont là-bas doivent vivre un moment extraordinaire et historique.  Tant pis… dans un moment, nous verrons arriver évêques, prêtres, prélats divers et … Jean Paul II.  Pour l’instant, un petit moment de prière est la seule chose à faire pour nous qui loupons la messe. Personne pour venir nous donner la communion non plus. La communion aujourd’hui se vivra autrement. On est au service…

Nous avions été divisés en deux groupes : l’un servait les “huiles” dans une salle, les autres servaient les “saintes huiles” sous la responsabilité de l’équipe du restaurant réputé l’Auberge (de Ste Anne d’Auray). J’étais dans cette dernière équipe avec Yann, Mickaël et quelques autres, pour seconder le maître d’hôtel chargé du service particulier du Pape, de Mgr Gourvès  et des prélats qui les entouraient.

castel gandolfo jean paul II
Archives Eflamm Caouissin – DR

Quelle émotion en se retrouvant dans cette salle, auprès de lui !  Pourtant, bien plus jeune, je l’avais rencontré lors d’une audience privée avec lui, à Castel  Gandolfo. Il avait même blagué avec nous, à l’époque. A un ami vietnamien, il avait demandé :

“toi aussi, tu es breton ?”

C’était resté…

Les médias nous avaient annoncé un pontife malade en passe de rendre l’âme. Tous les jours précédant sa venue, nous avions droit aux bulletins de santé des “spécialistes”. Pour ma part, j’ai vu un ancien, certes malade, mais vaillant.

Au menu, une soupe de poissons du Golfe, des noix de Saint Jacques aux poireaux accompagnées de pommes croustillantes, un pavé de bar au fumet d’épices et langoustines Kalimat, une assiette de fromages bretons puis des feuilles de sarrasin crème au Grand Marnier, le tout arrosé d’une sauce gingembre.

Le service se déroule sans encombre et déjà, si vite, il se termine. Mais pas pour nous ! On attaque le rangement dans les parties qui font office d’office, et notre professeur vient nous voir, en nous demandant de nous aligner, dans le cloître. Jean-Paul II va venir nous saluer. Mon prof, athée, fait celui qui est loin de tout ça : mais il faut voir sa tête au moment où le pape le salue. Touché, le prof ! Retourné, même… Y’a qu’à voir la photo qui a immortalisé le moment.

 

Menu du pape Jean-Paul II à Ste Anne d'Auray
Menu du pape Jean-Paul II à Ste Anne d’Auray – Archives Eflamm Caouissin – DR

Le Pape s’approche de moi… c’est le moment ! Je m’interroge : dois-je m’agenouiller devant lui ou je le salue comme tout le monde ? Les questions se bouscule dans ma tête et déjà il est là, devant moi. Le photographe officiel continue de saisir ces instants. Un chapelet béni nous est offert, souvenir que chacun emportera, et voilà ce moment de grâce qui déjà s’éloigne. Je rencontre une personne de l’AED (aide à l’Eglise en détresse) qui me dit : “si vous voulez d’autres chapelets bénis, contactez-moi”. Il me donne sa carte.

Archives Eflamm Caouissin
Archives E. Caouissin – DR

Nous terminons de ranger. L’après-midi passe. Pas moyen de s’échapper pour assister à la suite de la journée. On apprend que le Pape s’en va. Je me rappelle que l’hélico n’est pas loin. Je me dirige par là… et la papamobile me passe sous le nez : Mgr Gourvès est debout, à côté du Pape. Je trace… et me fait arrêter par des pompiers qui me disent de ne pas approcher. Je négocie, et ça marche : je peux encore m’avancer, et prendre quelques photos, vivre des moments que d’autres ne connaîtront pas, et que je pourrai partager. Le Pape fait un signe au petit groupe, et monte dans l’hélico qui s’élève dans les airs, dans un tourbillon venteux. Ca y est… c’est fini. Je discute un peu avec les pompiers, les remercie, et m’aperçois que eux, qui pourtant ont donné du temps, n’ont pas eu de chapelets bénis, et seraient touchés d’en recevoir. Je promets à l’équipe de m’en occuper. Il n’y a pas de hasard : le gars de l’AED m’en fera envoyer… pour eux !

Puis on part, avec mes amis, direction l’Auberge, pour se changer.

On ressort, et là… rencontre avec deux journalistes de France 2, caméra à la main. Petit pari avec les copains, et me voilà auprès d’eux :

“Bonjour. Vous partez ? Vous seriez intéressés par une interview ?” leur demandé-je. Les reporters de répondre qu’ils ont déjà tout ce qu’il faut pour le 20h. Sauf que… un entretien avec des gens qui ont servi le Pape, ça, il n’avaient pas ! Et nous voilà embarqués pour ce témoignage particulier d’un événement qui aura marqué –  même pour les non croyants – notre début de carrière dans l’hôtellerie-restauration… et nos vies.

C’était il y a déjà 20 ans ! Quelques années plus tard, c’est à la canonisation de ce saint Pape que je me rendrai, pour animer une veillée bretonne à Saint Yves-des-Bretons (Rome) à cette occasion.

Droits photos réservés. Toute diffusion de cet article et de ces photos sur d’autres sites qu’Ar Gedour doivent être soumises à l’autorisation de l’auteur.

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD".

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3 Commentaires

  1. bravo pour ce souvenir échangé ! mais tu nous laisse sur notre faim ! La photo du prof “retourné” et la vidéo de l’interview ?? ….

  2. Je faisais partie du Comité pour la bienvenue du Pape en Bretagne ( Grâce à Yannig Baron) et fut de service à la salle de presse( avec Bénéad habillé en Breton!) d’où je suivis l’arrivée symbolique de l’hélicoptère dans l’axe de la basilique et du soleil levant, très émouvant, et puis la cérémonie si pleine de ferveur.
    Les journalistes étaient d’une ignorance crasse quant à la culture bretonne, dont ils n’avaient rien à faire. J’eus le plaisir de faire un dessin humoristique à la demande de l’un d’eux paru dans un journal français (je ne me souviens plus bien: le Parisien?) représentant Jean-Paul II souriant disant le fameux:” Ho pes ket eun!”‘accent KLT, leçon de Mgr Gourvés).
    Ugent vlé dija!

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