En ce mois que, depuis plusieurs décennies, nos sociétés ont pris l’habitude d’associer aux…chrysanthèmes, il peut s’avérer utile de…revenir au SENS de la fête des défunts.
On a entendu dire que les bretons avaient « le culte des morts ». Sous entendant peut-être que les Celtes se complaisaient dans un certaine tristesse atavique et auraient une propension à se repaître de contes plus ou moins effrayants . Le tout emballé dans la pluie , le vent, la grêle, propres à la saison (Miz Du) où la nature, en se dépouillant des « feuilles mortes », se prépare à de futures germinations.
Aller « fleurir les tombes familiales, à condition d’y joindre une petite « pause » méditative, n’a certainement rien de « morbide » !
C’est au contraire une excellente occasion d’arrêter un instant la course (parfois la fuite en avant) dans laquelle nous sommes tous emportés, tandis que, paradoxalement, nous n’avons plus à aller tirer l’eau au puits et qu’une panoplie de robots fait la vaisselle, la cuisine et le ménage à notre place.
Oui, « c’est une pensée sainte et salutaire de prier pour les morts ». Et nos cimetières devraient être des lieux pour « réfléchir « (ainsi que le rappelle l’Ankou, sur le bénitier de La Martyre !) au SENS de notre passage sur la planète lancée dans l’espace, n’en déplaise aux « esprits forts » qui ne veulent voir que le hasard et la nécessité.
Avant l’apparition de la mode des marbres, pierre polie et monuments funéraires, vers la fin du XIXème siècle, « le Champ des Morts »( Park ar Vered) dans nos paroisses, rassemblait autour de l’église de simples dalles, en schiste ou en granite, et quelquefois une ou deux « tombes élevées » mais toujours sans fioritures et de proportions harmonieuses. Les cimetières américains ont su garder cet aspect champêtre, que l’encombrement de monuments sombres a presque partout fait perdre chez nous.
Nous avons raison de fleurir nos tombes, car nous avons besoin de VOIR et de SAVOIR. De nous souvenir des gestes, du regard, de la voix, de l’affection de ceux que nous ne voyons plus. Et même des personnes que nous n’avons jamais vues mais dont nous avons entendu les noms, écouté raconter les histoires, et auxquelles nous devons d’être venus au monde, à travers la chaîne mystérieuse des unions, dont nous sommes le fruit…
Nous avons raison de « dire merci » à nos ancêtres inconnus ou connus, et de prier pour qu’ils entrent dans la plénitude du bonheur voulu par notre Créateur et Père à tous.
Certes, nous ne savons pas comment « se passent les choses » , dans un monde que nos sens ne sauraient « saisir ». Nous faisons confiance à l’Eglise « experte en humanité », et nous avons des raisons de ne pas refuser d’écouter les témoins de vingt et un siècles de sainteté. Ces témoins que nous célébrons le 1er Novembre, veille de la fête des fidèles défunts, sont arrivés « à destination ». Car notre destination à chacun et à tous, est la joie de l’éternel présent.
Nos tombes sont là pour nous aider à contempler par avance l’immense foule des êtres qui ont accompli leur tâche ici-bas et dont le vie personnelle se poursuit, affranchie désormais des limites et des souffrances de la « vallée de larmes » à laquelle le psalmiste, éprouvé comme tout être humain , sait qu’il échappera un jour. Le jour de la rencontre avec Celui qui nous a aimés jusqu’à se laisser entièrement dépouiller, pour que nous soyons revêtus de sa Joie. A jamais.