La place de la Foi catholique dans la sphère publique est un sujet récurrent au sein des communautés catholiques. En Bretagne plus précisément, cette question englobe même nos Pardons, processions ou encore nos chapelets sur la voie publique. De fait, certains défendent une laïcité stricte, un distinguo quasi-schizophrénique entre la sphère religieuse et la sphère publique, tandis que d’autres témoignent d’un zèle apostolique exalté, suivant l’adage de Saint Cyprien de Carthage « Salus extra ecclesiam non » (« Hors de l’Eglise, point de Salut »). Avec, en toile de fond, une grande problématique majeure : comment répondre, de la manière la plus sainte et bretonne au devoir d’Evangélisation que le Christ nous a donné : « « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. » (Mt 28, 19-20) ?
Devoir d’Evangélisation
En premier lieu, même si la question peut paraître stupide, il faut se poser la question du « pourquoi » : dans notre société aseptisée où la spiritualité doit se faire silence devant l’omnipotente rationalité, la tentation pourrait être grande d’aseptiser l’annonce de l’Evangile, de choisir de se taire pour éviter la contradiction et les coups. C’est d’ailleurs la même question pour la Foi bretonne… Et pourtant, ce serait oublier l’avertissement de Saint Paul : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile! » (1 Co 9, 16). » !
Car le but principal de l’Eglise restant « le salut des âmes et la félicité éternelle »[1], elle se doit d’avoir recours à toutes les voies d’Evangélisation, de témoignage de la Parole de l’Evangile, pour faire entendre l’appel de Dieu envers tous. Et c’est ici toute la différence entre Evangélisation et prosélytisme, dans son sens étymologique : Le prosélytisme, c’est-à-dire la conversion religieuse ou politique par l’unique raison et la rationalité, n’est intrinsèquement pas catholique – pour nous, la Conversion est « Œuvre de Dieu par la Grâce, car la Foi est un don de Dieu » (Catéchisme de l’Eglise Catholique – 153).
Nos Pardons et processions, au-delà de leur aspect social important, sont d’abord les consécrations historiques et « inculturées » de cette réponse bretonne à l’appel du Christ, par la place centrale de la Messe, de la prière et de nos cantiques. Cette réponse est unique, propre à la Bretagne, et s’inscrit dans une Tradition populaire multiséculaire. En ce sens, réduire nos Pardons à de simples manifestations folkloriques seraient passer à côté de leur essence même, et de leur but – les cantonnant au statut de fête de l’amicale locale, sympathique mais complètement stérile.
« Fier de sa Foi »
En parallèle se pose également la question de la cohérence : « De fait, la parole de l’Évangile ne doit pas seulement être écoutée, mais aussi mise en pratique : la cohérence au niveau des comportements manifeste l’adhésion du croyant et n’est pas circonscrite au milieu strictement ecclésial et spirituel, mais elle investit l’homme dans tout son vécu et selon toutes ses responsabilités. »[2]
Ainsi, dans un cadre électoral, ces propos invitent les catholiques à considérer l’application des principes non-négociables (cf. Article dans ce même numéro) dans leur choix citoyen. Et dans le cadre de l’Inculturation de l’Evangile, c’est un appel à une cohérence personnelle quant à la conduite à tenir, la prière et la charité envers tous. Que ce soit au travers de nos cantiques bretons ou de nos Pardons, ou même plus largement dans nos Paroisses, c’est un appel à l’humilité, au service et à la charité.
Et dans ce cadre, combien de Pardons sont devenus les faire-valoir de Comités de chapelles parfois unipersonnels ? Combien de cantiques historiques ont été perdus par l’attitude parfois orgueilleuse de leurs chantres, et plus particulièrement par l’absence de transmission ? Combien de belles initiatives n’ont pu voir le jour ou ont dû se terminer par querelles d’ego ou par manque de soutien ?
C’est exactement ce que résume le troisième Principe Scout : « Fils de la Chrétienté, le scout est fier de sa foi : il travaille à établir le règne du Christ dans toute sa vie et dans le monde qui l’entoure. » C’est cet esprit de service du Christ qui doit d’abord être le moteur de nos Pardons, de notre témoignage en tant que catholique breton, en faisant confiance au Christ pour le rayonnement de l’ensemble : « Evurus an hini ‘zo skerijenn en noz an dud, En e gorf, en e spered, sklerijenn, dre hirzastum ennañ e-un elienennoù a wirionez, hag a c’halv ar re all ‘vit o bleniañ d’al levenez »[3].
Article initialement paru dans Kroaz ar Vretoned 2021/2023
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