Cadvael est le nom complet de notre Saint Cadoc, surnommé « Le Sage ». C’est aussi le nom qui a donné Roscanvel, ancien Ros-Cadvael.
Nous retrouvons ce nom bien breton dans les 20 romans écrits par Ellis Peters et les films qui en sont tirés. La personnalité originale et attachante de ce moine bénédictin, botaniste, médecin et expert en enquêtes criminelles métrite d’être présentée de façon panoramique pour éclairer le détail des épisodes séparés.
AUTEUR ET CADRE – SHREWSBURY
Faisons d’ abord connaissance avec la romancière et le cadre des événements.
Edith Pargeter, qui adopta plus tard le pseudonyme de Ellis Peters, naquit en 1913 dans le comté de Shropshire. Autrefois, dans la Britannie romaine, ce territoire était cornovien, puis il appartint au royaune britto-gallois de Powys avant de passer au pouvoir du roi anglais de Mercie, Offa, qui fit construire un retranchement de quelques 150km, le Offa’s Dyke, pour protéger le pays conquis des incursions galloises. La romancière était en partie galloise d’ origine et était familière du pays des deux côtés de la frontière.
Shrewsbury, centre de l’ action des romans, avait été la capitale des rois du Powys sous le nom de Pengwern. Une abbaye bénédictine y fut fondée en 1082 par le seigneur normand Roger de Montgomery. C’ est cette abbaye et la ville forte qui la domine, dans une boucle de ce fleuve capricieux qu’ est la Severn, qui sont le centre des intrigues dont le Frère Cadvael est le héros. L’ histoire de l’ Angleterre, à cette époque, est tragique. Le pays est ravagé par une sauvage guerre civile qui oppose pour le trône l’ héritière d’ Henry 1er, Mathilde (ou Maud), petite fille de Guillaume le Conquérant et veuve de l’ empereur Henri V, et Etienne de Blois, également petit-fils de Guillaume le Conquérant par sa mère. En 1138, Shrewsbury tombe aux mains d’ Etienne et subit une cruelle répression. Le Pays de Galles voisin, royaume indépendant, prospérait dans la neutralité.
LA VIE DE L’ ABBAYE
L’ abbaye était depuis 1127 gouvernée par l’ abbé Héribert et avait un prieur du nom de Robert Pennant, nom qui trahit une origine à la fois normande et galloise. A cette époque les abbayes avaient besoin, pour assurer leur subsistance, des dons des pèlerins qui les visitaient. Encore fallait-il qu’ elles possèdent de quoi attirer ces pèlerins, à savoir des reliques, sources de bénédictions diverses. Aussi Robert Pennant jeta-t-il son dévolu sur les restes de Sainte Gwenvrewi (plus tard Winifred en anglais), qui reposaient dans le nord du Pays de Galles, à Gwytherin, à plus de 100km de Shrewsbury. Robert Pennant entreprit donc une expédition jusqu’ à Gwytherin et parvint à revenir avec les reliques convoitées. Après quoi il passa des veilles studieuses à rédiger une vie de la sainte. En 1138, l’abbé Héribert est remplacé par Radulfus.
NAISSANCE DE CADVAEL
Tel est le cadre, historique et social dans lequel Ellis Peters a situé les vingt romans policiers menés par Frère Cadvael, le héros né de son imagination. C’est en Mai 1080 qu’elle le fait venir au monde, à Trevriw, en Galles du Nord. A 14 ans, il devient apprenti à Shrewsbury chez un marchand de laine, et profite de l’ école abbatiale pour apprendre à lire et écrire. Le voilà ainsi instruit en plusieurs langues : son gallois natal, l’ anglais du peuple de Shrewsbury, latin et « anglo-normand », langue de la noblesse normano-angevine et de la hiérarchie catholique romaine.
UN CROISE
En 1097, meurt son patron et Cadvael part à la Croisade avec Robert de Normandie, laissant derrière lui une promise. En 1098, il est avec Godefroy de Bouillon pour la prise d’ Antioche. Là, il connait l’ amour de la jolie veuve Mariam. En avril 1099, il prend part à la prise de Jérusalem. En août 1009, il participe à la conquête d’ Askalon, puis devient marin dans la flotte du royaume franc de Jérusalem.
En 1113 il revient vers Mariam à Antioche et reprend en 1114 le chemin de Shrewsbury. Sa promise ayant convolé dans l’ intervalle, il s’ engage dans l’ armée du roi Henry 1er et combat en Normandie. Enfin en 1120 il regagne l’ Angleterre et décide de se faire moine à l’ abbaye de Shrewsbury.
UN MOINE PEU ORDINAIRE
Son expérience de la vie, ses connaissances des plantes médicinales, sa sûreté de diagnostic font de Cadvael une personnalité indispensable tant dans l’abbaye que dans la société de la ville. Il n’ a ni remords ni regrets des bonheurs de sa vie aventureuse, et encore moins lorsqu’ il apprend que l’ amour de Mariam lui a donné un fils chevalier accompli. Pour les faiblesses des hommes, il a une compréhension constructive. Il est médecin des urgences, institut médico-légal, confident et, en toute modestie, redresseur de torts. Son jardin botanique minutieusement entretenu est un havre de paix non seulement pour lui, mais pour tous ceux qui ont besoin d’ une aide physique ou morale. Il a pourtant toujours son tempérament ardent et se trouve impliqué dans les enquêtes et aventures qui passionnent les lecteurs des vingt romans de la série.
Cadvael, à Shrewsbury et au delà, par-dessus les frontières, a une multitude d’ amis, à commencer par le shériff du comté, Hugh Beringar et sa famille, mais se trouve néanmoins en butte à l’ incompréhension hautaine du rigide et ambitieux prieur Robert et à l’ inimitié de l’ odieux mouchard Frère Jérôme. Par bonheur les deux abbés, Héribert puis Ranulfus savent reconnaître ses précieuses capacités et lui donnent les coudées franches.
SUITE ET FIN ?
Le trépas d’ Ellis Peters nous a privé de la suite des événements de la vie de Cadvael après 1145, alors qu’ il avait le bel âge de 65 ans. Quelle fut sa destinée lorsque l’ abbé Radulfus décéda et que Robert Pennant vit réalisée sa longue ambition et devint abbé de Shrewsbury ? Comment subit-il l’animosité de Frère Jérome ? Les mânes de l’ auteur en gardent encore le secret. Lecteurs et spectateurs peuvent avoir leur idée sur la question. Toujours est-il que dans le Royaume Uni, la popularité de Frère Cadvael est telle que c’ est lui que viennent visiter les pèlerins modernes qui réclament de visiter son enclos des herbes.
Quelles furent ses dernières tribulations ? Certes, bien des Bretons l’imaginent aujourd’ hui en compagnie de sa chère Gwenvrewi, de Mariam et d’ autres, dans un Paradis qui ressemble en tous points à notre Avalon. Mais dans l’ intervalle ? Après tout, nous avons ici Roscanvel, Ros-Cadvael; si jamais vous y découvrez les traces d’ un jardin des herbes du 12ème siècle bien tracé et organisé, peut-être Frère Cadvael y est-il pour quelque chose ?