Eh bien, voilà un excellent livre dont je ne peux que recommander la lecture !
D’abord, il se présente bien : c’est un bel objet : la couverture représente l’auteur, en soutane, ce qui est normal pour un curé, devant son église paroissiale, en plein Paris, dans le IV° arrondissement, au début de la rue de Rivoli, métro Saint Paul, du nom de la paroisse.
Il a une bonne tête de préfet de discipline des 4° et 3° divisions, on dirait le R. P. Audusson (s.j.), en moins pète-sec, genre chef de section ou chef scout, coiffure en brosse, légèrement grisonnant avec une alopécie frontale débutante, l’œil pétillant, du type de ceux qu’on aime bien suivre et qui vous emmènerait jusqu’au bout du monde.
C’est un ami, mais je ne l’ai jamais rencontré … C’est un ami Facebook dont j’ai liké et même partagé plusieurs de ses posts : il a bien voulu m’accepter comme l’un de ses followers… et je le suis resté ! Voilà un des avantages de ces réseaux sociaux auxquels on ne peut plus guère échapper : faire échanger entre eux la carpe et le lapin, le jeune curé parisien et le vieux retraité breton, avec tout ce que cela peut comporter.
Comme tout parisien qui se respecte, Pierre Vivarés est né en province (et non pas « en région », comme on l’entend dire trop souvent), il y a un demi-siècle – c’est donc un « soixante-huitard », un vrai – ; plus précisément à Agen, au gré d’une affectation paternelle, je suppute, Agen étant une ville de garnison réputée pour les Transmissions, ce qui va bien à notre sujet.
Il doit avoir l’accent chantant et rocailleux que son nom occitan laisse entendre en roulant les « r », mais je ne l’ai jamais expérimenté…
Pour autant, Pierre Vivarès revendique haut et fort son parisianisme, côté ouest : Versailles où il a été scolarisé et XVI° arrondissement où demeure sa mère, veuve. Mais sa carrière professionnelle de prêtre l’a aussi conduit au-delà du périphérique, autant dire « aux périphéries » : en banlieue, à Franconville dans le Val d’Oise, à Fontenay sous-Bois dans le Val de Marne et dans le XV° arrondissement où il a succédé à Mgr Aupetit, qui n’était pas encore archevêque de Paris. Il nous explique tout cela.
Passer de la toute moderne église Notre Dame d’Alliance en plein quartier de Grenelle-Vaugirard, due au même cabinet d’architectes que l’Institut du Monde Arabe, le Palais de Justice de Caen ou le Parlement Européen de Strasbourg, à l’église Saint Paul- Saint Louis, en plein Marais, ancienne chapelle des jésuites avec sa façade typique de la contre-réforme du XVII° siècle, nécessite une faculté d’adaptation dont a su faire preuve le Père Vivarès, tout « prêtre mondain » qu’il soit, ainsi qu’il se reconnait lui-même (page 41).
Il aime son église tout comme son Eglise et sait nous faire partager son amour de l’une et de l’autre au fil de son livre qui lui aurait été commandé par un éditeur avisé et pour la rédaction duquel il s’est adjoint, comme si besoin était, l’assistance de la journaliste Constance de Buor de Villeneuve, nièce de Philippe de Villiers, ancienne collaboratrice d’Ouest-France et actuellement de l’hebdomadaire « La Vie » : son nom apparait entre parenthèse et en italique, sous celui de l’auteur, en page de couverture intérieure.
Dédicacé à une palanquée de filleul(e)s, avec en exergue une phrase du futur saint Carlo Acutis (1991-2006), jeune geek italien mort en odeur de sainteté à 15 ans d’une leucémie, déclaré vénérable en juillet 2018, futur patron des internautes…. N’hésitez pas à l’invoquer si vous êtes confrontés à une addiction prononcée de vos ados accrocs de leurs écrans ! http://www.carloacutis.com/
Pas de préface, certainement par excès de préfaciers potentiels – ainsi, pas de jaloux -, mais un avant-propos, une « contemplation initiale » en guise de prolégomènes et une introduction : « obéir au réel », avant d’entamer, page 27, le premier chapitre de la première des quatre parties du livre, intitulées successivement :
- 1°) «une paroisse de quartier dans un drôle de quartier »,
- 2°) « chef d’entreprise et chef de famille »,
- 3°) « inséré dans le monde » et
- 4°) « libre et obéissant comme un prêtre ».
Quatre parties d’une demi-douzaine de sous-parties chacune, autant de chapitres, au nombre de 23, avant la conclusion sous forme d’invitation : « venez, voyez ». Tout cela est d’une clarté époustouflante, l’auteur n’a pas oublié la rigueur intellectuelle acquise sur les bancs de la faculté de droit et la nécessité pédagogique d’un plan solide….
A lire le résultat, je pense que l’auteur ne s’est pas trop fait prier pour coucher sur le papier son journal de curé : il aime bien écrire et il y a fort à parier que, pour notre édification, ce livre ne soit que le premier d’une longue série.
La tête dans les cieux, mais les pieds sur terre, bien droit dans ses bottes. Comme la mère de famille ? « Ce que vit une mère de famille restera toujours un mystère pour un homme : la maternité humaine est aussi étrangère à un homme que la réalité sacerdotale à un laïc » (page 19). Voilà c’est dit et il n’y avait qu’un curé pour écrire cela.
Il rappelle opportunément à ceux qui ont tendance, quelles que soient leur motivations, à se livrer au tourisme paroissial que « c’est toujours le Christ qui est célébré et donné. Ne confondons pas l’enveloppe et le message, ne préférons pas l’affectivité ressentie à la réalité offerte » (page 34).
Il dénonce, comme « gnose » nouvelle et moderne : « au lieu d’éduquer à l’acquiescement de notre nature, « genrée », souffrante, mortelle, limitée, on veut éduquer au questionnement, à l’incertitude, à l’infini des possibles dans une perpétuelle indignation morale » et poursuit : « au lieu de déconstruire les stéréotypes de genre qui seraient oppressifs, il faut déconstruire le péché qui condamne et rejette l’autre, simplement parce qu’il est autre » (page 65).
Ce n’est pas faux.
« Au Moyen-Age, on mettait un pot de chambre dans les tableaux de la Nativité pour situer l’Incarnation dans la réalité. Je pense souvent à cette image : il faut vider le pot de chambre » (page 81) et il n’y a aucune raison pour que ce ne soit pas celui qui le remplit qui le vide !
« L’homme est un être de désir et le plus grand est celui de Dieu. On lui a substitué des désirs primaires ou charnels qui ne comblent pas le cœur, et on a laissé les sentiments contrôler notre vie et nous aliéner » (page 123). Comme vous avez raison, mon père ! je like….
« La liberté de conscience selon Vatican II n’est pas exactement celle des droits de l’homme », écrivez-vous, page 134 en précisant à la page suivante : « nos consciences sont des muscles qu’il faut faire travailler dès l’enfance alors que nos société les anesthésient à coup de slogans, de prêt à penser, de consumérisme, et de pseudo-vérités sans fondement. »
« Une certaine bien-pensance médiatique pervertit notre capacité à penser et à décider en conscience», poursuivez-vous.
Et la question est posée : « nos société seraient-elles encore capables de susciter des résistants comme en 1940, des Justes face au nazisme, des opposants face aux totalitarismes de tous bords autrement qu’en postant une émoticone sur Facebook avant de retourner sur Netflix ? » … Ou en affichant sur le tableau de bord de son véhicule le gilet jaune sorti de la boite à gants, voire même, en l’enfilant pour défiler…
En fait, c’est tout le livre que je voudrai partager …
Alors si vous voulez vous distraire de Houellebecq ou trouver un palliatif à « Sodoma », achetez et lisez le journal du curé de Saint Paul, le Père Pierre Vivarès, « notre église est celle au bout de la rue ».
Même si la vôtre est en plein milieu de la place du marché, parole de paysan !
Pierre Vivarès, « Notre église est celle au bout de la rue – curé de Saint Paul, journal d’un prêtre parisien » Presses de la Renaissance, janvier 2019, 186 pages, 18,90 €