Nous ne reviendrons pas sur le tragique incendie de Notre-Dame de Paris et ses conséquences, connu de tous, survenue il y a un an, le 15 avril. Profitant de ce triste anniversaire, et dans l’espérance de sa restauration qui permettra de rendre à la Vierge Marie sa Maison, nous avons pensé qu’il était intéressant de se souvenir du temps où était jouée, sur le parvis de la cathédrale, la Passion du Christ.
En effet, dans les années soixante, et tout particulièrement pour le bimillénaire de Paris, devant la grandiose façade du sanctuaire marial, était joué comme au Moyen-Age, au mois de juin, la Passion. Le décor, et pour cause, était à la hauteur du Drame Divin : d’un côté le Paradis, de l’autre l’Enfer, au milieu le Golgotha, l’ensemble dominé par l’immense rosace dont les éclairages mettaient en valeur les couleurs des vitraux.
Outre les acteurs professionnels, tous ceux qui le souhaitaient pouvait à la manière des scénographies du Puy-du-Fou y tenir un rôle, notamment dans la foule des 1200 participants, parfois davantage. Mais attention ! On ne venait pas pour s’amuser, mais pour « vivre » la Passion, et ceux qui pensaient pouvoir trouver là une occasion de faire la fête entre copains, décrochaient très vite, il fallait être dans le coup ou partir. Personnellement, avec mes sœurs, des amis, j’y ai participé à plusieurs reprises, pour nous, c’était un honneur, un devoir «d’en être».
La ville de Paris, les élus, des ministres étaient partie prenante, et bien évidemment le clergé. A cette époque, il n’y avait pas encore la «laïcité à la française» qui aujourd’hui tétanise les esprits. Il n’y avait pas les gardiens vigilants et les vestales qui auraient veillé à la virginité de « l’espace républicain ». Il n’y avait pas de harpies genre Femens, éructant leur haine de Dieu. Il n’y avait pas cet anti-christianisme viscéral érigé en loi, interdisant toutes expressions publiques de la Foi. La France comme l’Europe étaient chrétiennes, et personne ne cherchait à remettre en cause cette évidence. Il y avait un climat, un esprit de liberté d’afficher sa foi dans l’espace public que l’on n’imagine plus aujourd’hui, une liberté dont les années étaient, hélas, déjà comptées…
Car vint Mai 1968 et ses idéologies destructrices, les célèbres slogans « Ni Dieu ni maître », « Jouir sans entraves », « Il est interdit d’interdire »… (sauf pour les opinions contraire à ces idéologies mortifères dont les conséquences se font aujourd’hui ressentir). Il y eu aussi le détournement du Concile Vatican II par un clergé et des laïques ultra progressistes, voulant du passé faire table rase, et exécraient toutes les expressions d’une foi populaire. Des chrétiens (parfois on pouvait douter qu’ils le furent tant ils travaillaient à détruire la Foi et l’Eglise…) qui voulaient l’avènement d’une Eglise et d’un christianisme qui rasent les murs, qui s’enfouissent, qui se fassent oublier en rejetant toutes manifestations ostentatoires. Le jeu scénique de la Passion était précisément ce qu’ils entendaient voir supprimer au même titre que la plupart des fêtes religieuses : pour ces gens, jouer la Passion avec la ferveur de nos ancêtres du Moyen-Age, ou encore comme à Oberrammergau en Bavière, ou en Bretagne à Loudéac, était désormais inconcevable, appartenant à une époque qu’il importait de rejeter.
Une autre raison fit supprimer la Passion : Malraux, alors ministre de la culture du général De Gaulle, avait pour projet, fort intéressant d’ailleurs, d’entreprendre d’importantes fouilles archéologiques sous le Parvis de Notre-Dame, et ainsi de retrouver les vestiges du Paris médiéval que l’on peut aujourd’hui visiter.
Dernière raison, la circulation urbaine connaissait un brusque développement, incompatible avec la privatisation temporaire de l’espace public, Paris allait être, rues après rues, entièrement sacrifié à la déesse automobile. Pour toutes les raisons évoquées, sans parler de la déchristianisation, il est fort probable qu’un tel jeu scénique ne puisse plus être joué, et c’est bien regrettable. Et, chose impensable aujourd’hui, la Garde Républicaine avec ses chevaux y participait, l’armée donnait un coup de main, la police, la gendarmerie assuraient un ordre bon enfant, et aucun parti politique, aucune association n’auraient songé à dénoncer cette situation, car tout le monde trouvait cela normal.
A la fin de la représentation, quand apparaissait du haut des tours l’Archange Saint Michel en armure et qu’éclatait solennel le TE DEUM d’action de grâce, et que sonnaient à toute volées les cloches de Notre-Dame, que le « Grand bourdon » faisait entendre la majesté de sa voix grave, que retentissaient les grandes orgues et les trompettes, nous étions tous, acteurs comme spectateurs en réel communion avec le Saint Mystère. Personne ne pouvait rester insensible à ce moment qui proclamait par le Sacrifice de la Croix la victoire de la vie sur la mort, la victoire de la Lumière Christique sur les Ténèbres sataniques. Ils ne furent pas rares ceux qui témoigneront, après avoir vu ou joué cette Passion, entendu chanter le Stabat Mater et le Crux Fidelis, avoir découvert la foi, commencé un chemin de réconciliation avec le Christ, l’Eglise, témoignant ainsi que la foi populaire était source d’évangélisation.
Nostalgie d’une époque qui osait encore afficher sa chrétienté sans que cela ne provoque des déferlements de haines, de blasphèmes et de profanations, comme désormais subissent les crèches de Noël, nos églises, nos cimetières et nos croix. Assurément et d’autant plus, quand on voit en ce temps de pandémie à quel point dans cette affaire Dieu et sa Mère sont absents, et que les adeptes d’églises désacralisées, sans prêtres, sans fidèles, désertées… pensent que comme dans les années soixante-dix, ils peuvent, confinement oblige, prétendre que la foi confinée chez soi est la solution à la chute des pratiques religieuses, des vocations…
J’apprécie cet article : j’aide Ar Gedour
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Merci Youenn Caouissin pour cet article d’une grande profondeur intellectuelle et spirituelle, comme souvent….A galon
Merci Monsieur pour cet article, et il est évident qu’en 50 ans à peine le Christ a été découronné.