Quel Amour !

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Croix-celtique-Saint-CadoQuelques semaines en arrière, les lectures de la Messe en semaine nous ont davantage familiarisées avec le prophète Osée. Ce prophète révèle des richesses presqu’ incroyable sur l’amour de Dieu. Un amour fort, unique, et qui souffre en face des manques d’amour de la part des hommes, plus encore  de leurs refus, de nos refus ou disons de nos « frilosités ».

Au cœur de la révélation du prophète, se lit comme une interrogation : le péché de l’homme semble une réalité inexpugnable de son âme, une sorte de fatalité irréversible dont la seule issue serait le châtiment divin. Si ce dernier trouverait une légitimité au regard de la justice, la question n’en serait pas résolue pour autant. Si la justice seule ne sauve pas, l’amour pourrait-il opérer ce salut ? Avec un brin d’humour, osons plagier un petit peu st Thomas d’Aquin, et commençons par affirmer : non, l’amour ne le peut pas, le début du passage de ce jour le montre. Car le péché fondamental d’Israël – et de nous tous en fait – consiste justement en ne croyant pas en Dieu, en n’adhérant pas à Lui, donc en ne l’aimant pas. Et nous devons entendre et accueillir cette longue plainte divine et amoureuse : c’est moi, Dieu, qui ai enfanté Israël (je l’ai appelé), qui ai appris à marcher à Israël, l’ai nourris comme un nourrisson, et le reste…Et lui va aux Baals, aux faux-dieux ! Quelle plainte que celle-ci ! Entendons là, accueillons là à des degrés divers. Accueillons cette plainte pour l’humanité de 2022, nos communautés, chacun de nous. Pour chacun de nous, aujourd’hui. Car même si nous sommes en chemin de conversion et de sanctification, il y a encore du chemin à faire. Osons ouvrir nos âmes à la longue plainte amoureuse de Dieu : un amour non accueilli, et même un amour blessé. Le seul retour d’amour ne peut suffire, il nous faut répondre à l’amour divin blessé, blessé par mes manques et insuffisances d’amour, et à l’occasion davantage peut-être encore que des insuffisances.

Mais comment y parvenir ? Ou trouver le remède ? Comment guérir nos cœurs ? La seule justice n’y parviendra pas, puisque nous sommes incapables de devenir des justes, des saints.

Avec st Thomas nous disons ensuite : « sed contra » ! A savoir que d’une façon nouvelle, Dieu opérera ce changement. A l’impuissance totale, répétée et vérifiée constamment au cours de l’histoire va contrecarrer l’agir divin. Comment donc ? D’un coup de baguette magique ? Si cela était le cas, cela signifierait que nos péchés n’ont finalement aucune consistance, donc nos actes également.

Laissons retentir les paroles divines en nos âmes : Mais ils ont refusé de revenir à moi : vais-je les livrer au châtiment ? Non ! Mon cœur se retourne contre moi ; en même temps, mes entrailles frémissent.  Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère,je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer. Ainsi, Dieu se laisse toucher, mais comment notre cœur pourra t-il changer ?Benoît XVI nous a livré la réponse divine dans Deus caritas est au numéro 12 : Même si nous avons jusque-là parlé surtout de l’Ancien Testament, cependant, la profonde compénétration des deux Testaments comme unique Écriture de la foi chrétienne s’est déjà rendue visible. La véritable nouveauté du Nouveau Testament ne consiste pas en des idées nouvelles, mais dans la figure même du Christ, qui donne chair et sang aux concepts – un réalisme inouï. Déjà dans l’Ancien Testament, la nouveauté biblique ne résidait pas seulement en des concepts, mais dans l’action imprévisible, et à certains égards inouïe, de Dieu. Cet agir de Dieu acquiert maintenant sa forme dramatique dans le fait que, en Jésus Christ, Dieu lui-même recherche la «brebis perdue», l’humanité souffrante et égarée. Quand Jésus, dans ses paraboles, parle du pasteur qui va à la recherche de la brebis perdue, de la femme qui cherche la drachme, du père qui va au devant du fils prodigue et qui l’embrasse, il ne s’agit pas là seulement de paroles, mais de l’explication de son être même et de son agir. Dans sa mort sur la croix s’accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l’homme et le sauver – tel est l’amour dans sa forme la plus radicale. Le regard tourné vers le côté ouvert du Christ, dont parle Jean (cf. 19, 37), comprend ce qui a été le point de départ de cette Encyclique : «Dieu est amour» (1 Jn 4, 8). C’est là que cette vérité peut être contemplée. Et, partant de là, on doit maintenant définir ce qu’est l’amour. À partir de ce regard, le chrétien trouve la route pour vivre et pour aimer.

St François d’Assise l’avait quelque part déjà énoncé, non pas théologiquement comme Benoît XVI, mais de façon uniquement spirituelle : « Ô mon Dieu et mon Tout ! Qui êtes-Vous, et qui suis-je, moi, Votre indigne et vil serviteur ? Ô Dieu Très-Saint, je désire Vous aimer, oui, Dieu tout Bon, je désire Vous aimer. Jésus mon Dieu, je Vous ai déjà consacré mon cœur et mon corps sans réserve ; mais combien je voudrais, s’il m’était possible, faire quelque chose de plus pour votre Amour ! Faites, je Vous en conjure, que la délicieuse violence de votre Amour détache entièrement mon âme de tous les objets d’ici-bas, afin que je meure pour l’amour de votre Amour, comme Vous avez daigné mourir pour l’Amour de mon amour ». Il y en aurait d’autres, mais celle-ci est bien expressive, et c’est la raison pour laquelle Notre Seigneur a donné St François comme aide et patron à ste Marguerite Marie.

Avec st Thomas, nous disons « respondeo » :Oui, l’amour est capable de nous sauver tous. Mais il s’agit de bien comprendre.

 Ad primum: seul l’amour de Dieu peut le faire, et c’est lui qui « donne forme » à l’amour.

Ad secundum : cet amour prend forme en Notre Seigneur, particulièrement en Jésus crucifié. C’est là que l’amour devient totalement rédempteur, selon Benoît XVI.

Ad tertium Ce qui s’accomplit dans la croix est au-delà de l’agir et d’une pleine compréhension pour l’être humain. La croix demeure pour toute la durée de l’histoire, et même en un sens au-delà, la jonction entre la justice, l’amour, le pardon, la miséricorde et la sainteté. Alors, aimer devient consistant, et quelque chose de fabuleux. Pour résumer, l’amour devient le « composant », le substrat de la vie éternelle. Puisse Ste Anne, notre grand’mère maternelle nous faire avancer sur les voies de l’amour de sa fille et de son petit-fils !

 

À propos du rédacteur Frère Edouard Domini

Frère Edouard, religieux et prêtre de la Famille Missionnaire de Notre Dame. Originaire de Bretagne, il est actuellement en mission dans le foyer de Lyon, pour l'apostolat de sa communauté.

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