A propos de la justification

Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Bientôt nous arriverons à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens (18-25 janvier), qui se conclut avec la fête de la conversion de St Paul, le 25 janvier.

Cette année, le thème nous vient du moyen orient : « Nous avons vu son astre en orient et nous sommes venus lui rendre hommage » (Mt 2, 2).

Des avancées ont été faites en direction de l’unité, et beaucoup reste encore à faire. Parmi les points importants, il y a eu un accord sur la justification entre les luthériens et les catholiques. Il s’agit d’une question importante, mais peut-être pas d’une compréhension aisée. Pour mieux y voir clair, voici quelques explications, formulées avec le procédé de questions/réponses.

Le 31 octobre 1999 donc, l’Eglise catholique et les luthériens signaient une déclaration commune sur la justification. Peu après, l’Eglise catholique ajoutait quelques éclaircissements.

Essayons d’avancer pas à pas :

Qu’est-ce que la justification ? Elle désigne le fait de passer de l’état de péché à l’état de grâce. Dieu la donne gratuitement, sans mérite de notre part. Etre justifié signifie être sauvé et pouvoir aller au ciel.

Luthériens et catholiques sont-ils d’accord sur ce point ? Ils s’accordent pour reconnaître que Jésus nous sauve, et que son Salut nous est donné par le Baptême. Cependant Luther opposa sa propre vision de la justification à celle de l’Eglise.

Quels sont les points de désaccord ? En premier lieu, Luther fit de cette question la question déterminante pour savoir si l’on est ou non dans la vraie foi.

Ensuite, il estime que nous sommes justifiés par une sorte de déclaration de Dieu, tout en restant pécheurs. Selon Luther, Dieu donne son Salut au pécheur en le déclarant juste, saint, comme un tribunal déclarerait innocent un accusé. Or, nous le savons, un tribunal ne peut pas juger au fond du cœur, il se base sur des documents qui sont extérieurs au cœur de l’accusé. Un peu de la même façon, Dieu déclarerait que nous sommes justes, uniquement par considération des mérites de Jésus. Cependant, notre péché demeure toujours. Il s’agit alors de croire encore plus fort que Dieu nous a déclarés justes. Le terme utilisé est « forensique » = qui vient du forum. Le forum était le lieu des échanges publics. Ainsi, Luther estime que, même après le Baptême, l’homme est à la fois « juste et pécheur » – « simul justus et peccator ».

Que dit l’Eglise sur la justification ?

1) La justification est certes un point important de la doctrine, mais elle doit être resituée dans l’ensemble des vérités de la Foi (Trinité, création, Incarnation, Rédemption, etc.).

2) La grâce du Baptême nous purifie totalement, elle n’est pas extérieure à l’âme, nous sommes réellement sanctifiés. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes à la fois « justes et pécheurs ». Il reste en nous la concupiscence qui nous porte au péché, mais la concupiscence n’est pas en soi péché.

3) Si la grâce du Baptême est perdue par un péché mortel, nous ne pouvons la recouvrer uniquement par le sacrement de la réconciliation, et pas seulement en croyant encore plus fort que nous sommes sauvés.

4) La justification est un don de Dieu que personne ne peut mériter : elle est absolument gratuite. Cependant elle demande au moins d’être accueillie, il faut y dire « oui ». Cela ouvre à une certaine coopération avec la grâce de Dieu, même si notre coopération est elle aussi portée par la grâce.

Luther refuse complètement cette coopération avec la grâce : pour lui, c’est la grâce seule. Or le culte liturgique honore les saints, ce que refuse Luther au titre de l’absolue primauté de Dieu.

Il aurait d’autres points encore, mais ceux-ci sont l’essentiel.

Le 31 octobre 1999 l’Eglise catholique et les luthériens signaient une déclaration commune sur la justification. Cet accord est-il accepté par tous les luthériens ?

Les luthériens n’ont pas un magistère qui s’impose. L’accord peut donc être remis en cause par des groupes luthériens quand bien même celui-ci a été accepté par une majorité d’entre eux.

L’accord laisse-t-il subsister certaines difficultés ?

La plus grande difficulté concerne l’état du pécheur justifié. D’une part l’accord reconnaît l’action de la grâce, d’autre part il parle du baptisé comme « à la fois juste et pécheur ». Or pour l’Eglise catholique, la grâce rénove totalement l’être même du baptisé. La question est donc de savoir quel « rôle » exact les luthériens reconnaissent à la grâce.

Peut-on éclaircir les ambiguïtés subsistantes sur la question de la foi et de la grâce ?

Pour Luther, en raison de la foi, le péché n’est pas imputé, cependant il subsiste. Dieu ne nous en tient plus rigueur si nous avons la foi au sens luthérien, c’est-à-dire de croire que Dieu nous pardonne. Cependant le péché n’est pas « effacé ». Notre confiance dans la Passion de Jésus fait que Dieu ne tient plus compte de nos péchés. Mais si cette confiance cesse, le péché est condamnable, car nous n’avons pas été justifiés.

Pour l’Eglise, la grâce nous rénove complètement, d’un appartement délabré elle fait un appartement neuf.

Or pourrait avoir l’impression que le protestantisme substitue la foi à la grâce, mais ce n’est pas cela, car l’accord montre que les luthériens croient au rôle de la grâce. Cependant il reste à préciser avec rigueur comment ils comprennent l’action de la grâce. Le Baptême fait-il ou non passer de l’état de péché à celui de sainteté ? 

Qu’en est-il de notre coopération à la justification ?

Catholiques et luthériens s’accordent sur le fait que la justification est imméritée de la part des hommes. Cependant les luthériens affirment que la justification est un don qui ne peut être reçu que passivement, tandis que les catholiques croient à la possibilité de coopérer avec la grâce, pour le moins en ne s’opposant pas à son œuvre. Les luthériens disent bien qu’il existe une participation personnelle dans la Foi, mais là encore, il faut davantage préciser en quoi elle consiste, pour savoir si cela peut s’accorder avec la notion catholique de coopération à la grâce.

Existe-t-il des implications à cela ?

Essentiellement deux : la notion de mérite d’abord. La vie éternelle est un don immérité, comme le soulignent les luthériens ; elle est aussi une récompense des mérites que le Baptisé peut acquérir par ses bonnes œuvres. Ceci reste un point d’achoppement, même si l’Eglise souligne que Dieu accorde aux Baptisés de mériter par pure grâce. L’appartement rénové peut encore être embelli, agrandi, parce que Dieu veut que nous participions à l’anoblissement de son œuvre, en coopérant librement à Sa grâce.

Il faudra approfondir le sacrement du pardon : la grâce peut être perdue, mais aussi retrouvée par un nouveau don de grâce dans le sacrement du pardon. L’appartement rénové a été saccagé, il n’est plus habitable, mais l’absolution sacramentelle le rénove.

À propos du rédacteur Frère Edouard Domini

Frère Edouard, religieux et prêtre de la Famille Missionnaire de Notre Dame. Originaire de Bretagne, il est actuellement en mission dans le foyer de Lyon, pour l'apostolat de sa communauté.

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