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La question des funérailles et les incursions profanes dans la célébration

Amzer-lenn / Temps de lecture : 10 min

Nous avons eu l’occasion d’échanger avec de nombreuses personnes sur cette question des funérailles, abordée régulièrement sur Ar Gedour. Ce sujet est délicat car les familles sont sensibles à toute critique que l’on peut faire sur certaines célébrations. Qui plus est, chacun a son avis sur la question. Même des non-chrétiens vous expliquent comment il faut faire. On vit une époque formidable, n’est-ce pas ?

Or, si l’on souhaite des funérailles chrétiennes, cela implique nécessairement que l’on accepte le rituel des funérailles chrétiennes. Ce n’est pas une liturgie « à la carte ». Quel en serait le sens s’il en était autrement ? C’est ainsi que l’on trouve aujourd’hui de nombreuses célébrations qui ont perdu leur sens chrétien, celui-ci n’étant plus qu’un vernis écaillé. Cela n’enlève rien à la bonne volonté des équipes funérailles, des familles de défunts ou des prêtres, mais il y a matière à réflexion sur la question des funérailles, ce à quoi invite le site Liturgie Romaine par ce texte à imprimer et à donner à votre Curé (en lui demandant de le publier dans le bulletin paroissial) ou aux membres de l’équipe liturgique locale :

A l’occasion du décès d’un proche, beaucoup de familles souhaitent encore une célébration religieuse. On peut s’en réjouir… et néanmoins s’interroger sur les motivations de cette demande et sur les réponses apportées.
Les notes doctrinales et pastorales du Missel des défunts rappellent quelques évidences :

“C’est le mystère pascal du Christ que l’Eglise célèbre, avec foi, dans les funérailles de ses enfants. Ils sont devenus par leur baptême membres du Christ mort et ressuscité. On prie pour qu’il passe avec le Christ de la mort à la vie, qu’ils soient purifiés dans leur âme et rejoignent au ciel tous les saints, dans l’attente de la résurrection des morts et la bienheureuse espérance de l’avènement du Christ.”

Ces quelques lignes sont d’une grande clarté et écartent toutes incursions profanes dans la célébration. Il est question du mystère pascal, de prières, de purification, d’attente et d’espérance. Dans d’autres notes, il est également question de sollicitude pastorale.
Comment cette sollicitude peut être source d’évangélisation ? Qu’en est-il dans beaucoup de nos paroisses ? Les lignes qui suivent veulent ouvrir la réflexion, sans jugement.
La bonne foi et le souci de l’accueil ont souvent conduit de nombreux pasteurs et fidèles sur des chemins hasardeux… loin des prescriptions liturgiques de l’Eglise. On peut légitimement s’interroger sur le bien-fondé d’une adaptation à l’esprit du temps, présenté comme un pas dans la découverte du Christ.
Le constat qui suit peut sembler excessif. Précisons que tous les faits rapportés dans cet article sont exposés sans exagération car ce que l’on voit dans beaucoup d’églises à l’occasion des funérailles “chrétiennes” est tout simplement ahurissant. On peut sans peine établir une liste non-exhaustive des innombrables abus qui s’y rencontrent.

1. La glorification du défunt.

Généralement, la famille endeuillée est éloignée de toute pratique religieuse. On vient dès lors à l’église pour “se souvenir du défunt”, pour “lui rendre un dernier hommage”, et rarement pour prier pour lui, car “il a bien mérité une place au ciel”. Peu importe ce qu’a été sa vie : il est déjà canonisé par d’innombrables discours larmoyants qui vantent ses mérites. La liturgie des funérailles devient un prétexte pour rappeler la vie du défunt avec l’incontournable évocation de ses merveilleuses tartes aux pommes ou de sa passion pour le jardinage. Inutile d’évoquer la nécessité de la prière et le purgatoire (pourquoi faire ?) Dans l’assemblée habituelle des funérailles, quasiment personne n’y croit et ne suppose un seul instant que le défunt a besoin de prières, seul secours qui lui soit pourtant profitable. Ce qui compte, c’est le ressenti et l’émotion. La communion ne se fait plus en Dieu mais dans un souvenir uniquement tourné vers les biens terrestres. Qu’en est-il de la foi du défunt et de sa pratique religieuse ? Dans la plupart des cas, il était “croyant non pratiquant”, mais ce n’est pas ça l’essentiel ! Se pourrait-il que Dieu n’accueille pas une personne si bonne ?

2. Célébration à choix multiples.

Selon le désir de la famille, la célébration sera plus ou moins “religieuse”. C’est ainsi, que la Parole de Dieu peut être remplacée par des textes profanes de plus ou moins mauvais goût. Qui n’a pas entendu le fameux texte faussement attribué à Saint Augustin où le mort affirme qu’il est “juste dans la pièce à côté”, ou bien le poème indien où le cher disparu “continue d’être présent dans le vent et dans les étoiles”. Ces chefs d’œuvres littéraires et syncrétistes sont habituellement lus par des membres de la famille entre deux sanglots. On est loin (mais alors très loin !) de la puissance spirituelle d’une Epître de Saint Paul ou encore des rappels solennels du livre de Job que le lectionnaire officiel prévoit pour la célébration. Rappelons que celui-ci propose de nombreuses possibilités que le prêtre peut choisir en fonction des situations rencontrées.

3. Chants et musiques profanes.

Chaire_de_la_basilique_Notre-Dame-de-Paradis,_Hennebont,_France
Photo Édouard Hue

Régulièrement, la famille demande au prêtre de “personnaliser la célébration” par l’introduction de chants profanes. Cette pratique est si généralisée qu’elle semble désormais indéracinable. Dans ce domaine également, l’émotionnel occupe la première place et certains CD sont incontournables. C’est ainsi qu’en lieu et place du “Processionnal d’Entrée” (Requiem), Jean-Jacques Goldman susurrera dans les baffles son célèbre “Puisque tu pars” ; que le Psaume sera remplacé par Céline Dion qui “s’envole” et qu’au moment de l’Offertoire, Linda Lemay rappellera à tous ce qu’est “Une mère”. Et tout le monde aura la larme à l’œil au cours de cette liturgie qui n’offre plus rien d’apaisant mais risquera de terminer dans une morbidité malsaine.

Cette porte ouverte au profane tue l’esprit religieux de la célébration et tout devient possible. Lors du Dernier Adieu, Daniel Guichard évoquera le “vieux pardessus râpé” de papy et une autre fois, les fidèles seront invités à écouter religieusement l’hymne d’un club de foot local dont le défunt était un fervent supporter.

A nouveau, on est très loin du “Requiem” et de la douce paix qu’apporte la liturgie catholique. Au nom de l’accueil et de l’adaptation, la liturgie des funérailles est souvent devenue une célébration des innombrables qualités du défunt sans ouverture vers la vie éternelle qui transcende l’existence. Le Pape François a rappelé que “les chants propres à la liturgie des obsèques expriment la foi de l’Eglise tout en la nourrissant”. Alors pourquoi remplacer ces chants par autre chose qui ne relève que du sentimentalisme ?

3. Appauvrissement des gestes symboliques

La liturgie des funérailles prévoit des gestes symboliques qui évoquent les réalités spirituelles. Dans ce domaine, certains abus font tout simplement frémir. C’est ainsi que récemment, au début d’une célébration, le prêtre a remplacé la croix de l’autel par une photographie du défunt qui “trônait” en lieu et place du Maître des lieux. Au cours du même office, lors de la procession d’offrande, il n’était évidemment question que de “toucher le cercueil pour donner une dernière poignée de main à N.”

On est à nouveau très loin du recueillement et de la noble simplicité des rites catholiques. On prétextera que certains de ces rites, comme l’encensement du corps, ne sont plus compris par les gens. Est-ce une raison pour les supprimer ? Croit-on que parce que les gens ne comprennent pas ils ne ressentent pas ? Mais il est une question beaucoup plus grave : certains célébrants croient-ils encore en la puissance évocatrice et signifiante de ces gestes et symboles ? Croient-ils encore que les rites sont une expression pleine de la foi catholique ? En effet, dans certains cas, c’est tout simplement le prêtre qui trafique la célébration sous les yeux ahuris d’une famille qui se demande où elle est. Si l’on peut déplorer le manque de foi de nombreuses familles qui demandent des funérailles religieuses, on est aussi en droit de regretter la légèreté avec laquelle certains prêtres célèbrent les saints Mystères et bradent le patrimoine spirituel de l’Eglise.

Note de TaG: récemment, nous avons eu l’exemple d’un musulman qui assistait à des funérailles chrétiennes. Il a vu le rite de l’encensement, et c’est ce rite qui l’aura marqué, rite qu’il comprenait parfaitement. Lorsque l’on dit que les gens ne comprennent pas, réfléchissons-y à deux fois avant de traiter la liturgie avec légèreté. 

4. L’Eucharistie pour tous.

Lors des funérailles, la plupart des gens (pratiquants ou non, croyants ou non) viennent communier. Comment ? Pourquoi ? Dans quel état spirituel ? Peu importe. Quasiment aucun rappel moral ou doctrinal n’est prononcé par le prêtre. La Communion est ainsi banalisée, bradée, privée de son sens. Qui n’a jamais vu une hostie terminer tout simplement… dans une poche ? Dans ce domaine très grave, il revient au prêtre de discerner sur l’opportunité d’une célébration eucharistique : elle n’est jamais un droit absolu et peut être remplacée par une cérémonie sans messe.

Note de TaG : Dans le même temps se pose toutefois la question de la nécessité de l’Eucharistie pour l’âme des défunts, aucune célébration ne pouvant avoir plus d’effet bénéfique sur les âmes des défunts comme l’a récemment souligné le Père Kristof sur Ar Gedour

5. Quelques pistes de réflexion en guise de conclusion.

L’Eglise est ouverte à tous ! Mais ceux qui demandent son secours doivent être invités à accepter les rites qu’elle propose et que les prêtres doivent normalement célébrer dans leur intégralité.
Le Missel des défunts propose un large choix de prières et de lectures utilisables dans toutes les situations. Il serait bon d’oser rappeler à ceux qui souhaitent une célébration uniquement centrée sur le défunt qu’il existe d’autres lieux (salle polyvalente) plus appropriée pour une telle évocation. Il serait bon de leur expliquer qu’il ne faut pas confondre “cérémonie d’adieu” et “prières pour le défunt”. Les deux peuvent évidemment être liées mais uniquement tournées vers Dieu, les yeux fixés vers le Ciel dans l’action de grâces et la supplication. Une telle démarche suppose un climat recueilli.
Les funérailles chrétiennes ne doivent pas devenir une convenance sociale mais doivent rester un acte de foi. C’est la communauté chrétienne qui prie pour un de ses membres. Elles doivent s’inscrire dans la dimension ecclésiale. Ce n’est donc pas un événement privé. Il est utile de le rappeler !
Ce n’est jamais en bradant les trésors de la foi et de la liturgie que l’Eglise évangélise. C’est en permettant à ceux qui viennent à elle d’approcher du mystère de Dieu qu’elle peut leur ouvrir une porte vers la vie éternelle. Cette démarche n’est possible qu’à travers une liturgie digne, aux nobles gestes exécutés avec foi. »

Source :  Liturgie romaine

À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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2 Commentaires

  1. Iwann bugul saout

    Il y a quelques années, dans une paroisse du diocèse de Vannes, à l’occasion des obsèques d’un ami qui m’était très cher, j’ai pu entendre avec consternation en guise de chant d’entrée : « Il est né le divin enfant, jour de fête aujourd’hui sur terre » ! Alors que contrairement à la volonté de la veuve, j’avais été dégagé ipso facto de la préparation et de l’animation de la messe, sous prétexte que je ne faisais pas partie des « équipes liturgiques en place », j’ai du entendre ce chant de Noël entonné (beuglé et massacré au passage, sous prétexte qu’on était peu un après Noël!) Il faut vraiment n’avoir aucune considération pour la liturgie, comme pour les âmes des défunts et pour la douleur des familles, pour brailler (en chantant faux) sans complexe un chant qui parle de fête, de joie et qui est complètement déplacé à cette occasion.
    Le reste des obsèques n’a été que verbiage sans intérêt, plein de respect humain, de chants aussi laids que pseudo-larmoyants.
    Heureusement, il reste le cimetière pour prier dignement pour ceux qui nous ont été chers. Là, curieusement, on ne voit jamais les caciques le l’animation liturgique (ils ont probablement mieux à faire) et les dernières prières sont d’ordinaire de la responsabilité des croque-morts ! C’est peut-être le dernier espace de liberté qui reste pour prier dignement avec les prières de l’Eglise et non des compositions inventées de toute pièce par des magazines soi-disant spécialisés.
    En général, les employés des pompes funèbres qui ne sont pas toujours très à l’aise avec les prières, sont plus ou moins soulagés d’avoir quelqu’un qui y croit , qui s’y connaît un tant soir peu et qui prend le relais.

  2. Si tout comme vous, j’estime qu’il est primordial de préserver le message d’espérance en la résurrection inhérent à nos célébrations de funérailles chrétiennes, je pense qu’il n’est pas non plus opportun de rejeter toute personnalisation de la cérémonie.
    Comme vous le soulignez, l’assemblée n’est souvent emprunte que de très peu de foi. Quel est le sens d’une célébration à la fin de laquelle personne n’a rien compris ? Quelle image de notre Église renvoie-t-on lorsqu’une vieille femme fatiguée se retrouve (totalement seule) à entonner péniblement de vieux chants désuets dans lesquels personne ne se retrouve, comme c’est le cas dans certaines paroisses ?
    Cela pose aussi question, il ne sera pas possible de continuer de cette manière très longtemps….
    En ce qui concerne la communion, dans ma paroisse il se passe l’inverse de ce que vous décrivez: personne ne va communier, même pas les paroissiens du Dimanche car ils ont peur de s’afficher en s’avançant seuls vers l’autel. Il est légitime de s’interroger sur l’intérêt de célébrer une messe dans de telles circonstances, chacun étant plus préoccupé par l’allée qu’il va pouvoir emprunter pour bénir le corps en se faisant voir de la famille que par le sacrement de l’Eucharistie.
    Dans le même temps, des pratiquants de toujours se voient refuser l’Eucharistie parce qu’ils ne sont pas morts à la bonne date.
    Nous sommes bien d’accord, les modalités de nos célébrations de funérailles chrétiennes méritent un cadrage qui permettrait d’uniformiser les pratiques entre les paroisses : aujourd’hui, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne et c’est bien regrettable.

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