Le tronçon 2017 ralliant Saint Pol-de-Léon à Tréguier faisant passer par des petits chemins et bourgades, il n’a pas été aisé de nous connecter à la plate-forme d’administration d’Ar Gedour pour vous partager en temps réel les étapes du Tro Breiz, édition 2017. Ceux qui sont sur Facebook et Twitter ont pu retrouver des photos que nous envoyions dès que cela était possible. Mais Ar Gedour fait revivre le Tro Breiz à ses lecteurs.
Premier jour : lundi 31 juillet (St Pol-de-Léon => Taulé)
Il est 7h30 lorsque j’arrive à la cathédrale. Les pèlerins arrivés la veille commencent à arpenter les rues et à prendre d’assaut les commerces locaux proposant un petit-déjeuner consistant avant d’attaquer une journée éprouvante sous un magnifique soleil. Yves Daniel, chroniqueur d’Ar Gedour, est bien là. Il fait de la réclame pour notre projet de statues de Nicolazic & Keriolet à la Vallée des Saints, tandis que je fais la pub pour son excellent livre “Chronique d’un viator“. Il me présente à une équipe qui paraît bien sympa. Il y en a un en kilt avec des tatouages qu’on verra sur plein de photos dans les journaux, avec ses copains : Jean-Yves le cipal ; Patrick l’ancien (qui nous a quitté dès le 2° jour pour rejoindre son épouse souffrante) ; Fred le métalleux ; Pierre le jeune ; la belle Hélène ; la sage Isabelle ; Yvon le général (absent cette année, c’est grâce à lui, malgré tout que la chapelle des anges à Morlaix a pu s’ouvrir), le grand Fañch, Robert et Julien – père et fils – qui nous viennent d’Occitanie ; sans oublier Karine, la femme de Julien (qui nous quittera à Morlaix) et tous les autres qu’Yves Daniel -un peu le patriarche de la bande – et d’autres ont converti au fils des ans, comme cette autre tribu qui vient d’achever son périple.
J’apprendrai à connaître cette bande de joyeux lurons au fil du Tro Breizh, mais ne grillons pas les étapes. Je vous en dirai plus après. Car le temps presse et tant pis pour mon p’tit déj’. L’organiste m’attend pour caler le Kalon sakret Jezuz à la bombarde, prévu pour l’offertoire et augurant en ce premier jour la consécration du Tro breiz au Sacré-Coeur le dernier jour lors de l’arrivée à Tréguier.
Je croise des amis, des connaissances, des personnes que j’ai croisé l’an passé mais que je n’ai pas oublié. Une bise à Arlette, qui s’occupe de l’intendance. L’ambiance familiale est là, déjà. Les séminaristes et les prêtres arrivent dans la sacristie et s’affairent tandis que les pèlerins s’installent dans la cathédrale. Au point I, ça se bouscule pour les inscriptions de dernière minute. Je croise Sébastien Minguy, le directeur de la Vallée des Saints qui découvre le Tro Breiz et aide à la logistique. Les évêques, Mgr Dognin et Mgr Centène, sont là. Le recteur de la cathédrale n’a pu être là pour cause de congés, le maire de Saint-Pol-de-Léon est au premier rang. J’enfile moi aussi mon aube et rejoins la procession qui se met en ordre de marche dans un édifice comble. Plus de places assises, les gens debout se pressent et chantent avec ferveur pour cette messe d’envoi qui alterne le français, le breton et le latin. L’évêque de Quimper & Léon accueille les pèlerins par une petite phrase en breton. Ca y est… on y est vraiment, dans cette étape 2017 !
Le Kalon Sakret est chanté avec force et conviction, même si tout le monde ne connaît pas encore ce cantique vannetais. A la communion, beaucoup de monde soit pour communier, soit pour se faire bénir. Puis, comme il est de tradition, plusieurs mots de remerciements, d’indications pratiques, et après la bénédiction est entonné le Da feiz hon tadoù kozh chanté à plusieurs voix, accompagné des grandes orgues et de la bombarde. Les murs résonnent au son de ce chant dédié à la foi de nos ancêtres… et de la nôtre, tandis que les marcheurs sortent et se préparent à un départ imminent, alors que les cloches sonnent à pleine volée pour saluer ceux qui marcheront sur les pas des saints fondateurs.
Les brittophones, ou du moins tout ceux qui veulent chanter et prier en breton, voire discuter e brezhoneg, tentent de se regrouper autour de la bannière de Keriolet. Le livret de chants et prières proposé par Feiz & Breizh et Ar Gedour remporte l’adhésion des pèlerins présents. L’idée de se regrouper étant nouvelle, les choses se préciseront au fil du temps, notamment sur des propositions qui seront faites dans les mois qui viennent.
Les trobreiziens, comme on les appelle, avancent vite. Ils quittent Saint Pol pour se diriger vers Henvic. Les tracteurs font retentir leur ronronnement tandis que claquent au vent les bannières des saints bretons, les gwenn-ha-du et autres pavillons. Bien vite, les premiers pèlerins longent la magnifique côte. Avec un photographe rencontré sur place, nous nous rendons dans la boue et la salicorne pour voler quelques photos de l’autre côté de l’onde, guettant un rayon de soleil reflétant les bâtisses de pierre et les premiers pas dans l’eau claire. Les voix sont joyeuses et entonnent des cantiques et des chants de marche.
La grande route est là. Les pioupiou (le service d’encadrement en jaune poussin) sont sur le qui-vive pour que tout se passe sereinement à un endroit où la circulation est intense. Les gendarmes locaux sont là aussi. Profitant du beau temps, les marcheurs vont bon train entre les zones boisées offrant un agréable ombrage alternant avec la chaleur qui s’impose en ce début de parcours. Les arbres offrent leurs bras noueux pour mieux vous embrasser d’une fraîcheur bienvenue.
Mgr Dognin, évêque de Quimper & Léon, est là. Il marche aussi pour la journée avec les pèlerins. Il semble apprécier. D’ailleurs, le soir, celui qui devra le reconduire à St Pol le cherchera un petit bout de temps. Non pressé de partir, il sera accessible à ceux qui veulent s’entretenir avec lui. Car le Tro Breiz, c’est une occasion privilégiée de rencontres diverses, de partage, d’écoute. Moment important d’évangélisation offert à chacun, instant de pause dans le tumulte incessant de la vie quotidienne.
A Henvic, lieu de la pause déjeuner, tout le monde s’installe du côté du terrain de sports, à l’affût des arbres et buissons offrant leur feuillage en guise de parasol. Quel plaisir d’entamer le pèlerinage par un si beau temps. L’ambiance est joyeuse, fraternelle. Après un temps plus ou moins long suivant les arrivées, l’heure du départ sonne. En avant vers Taulé, où les cloches sonnent à l’arrivée des premiers. Les commerçants ont installé les chapiteaux, préparé grillades et barnums, ainsi que le fest-noz traditionnel qui ponctue souvent les étapes du Tro Breiz avec des artistes locaux. Les pèlerins installent les tentes ou prennent possession du logement collectif (gymnase) avant une bonne douche, pour pouvoir ensuite flâner dans un centre-ville aux petits soins. D’autres ont préféré avant tout chose dire bonjour à Jésus Eucharistie, exposé dès 16h en l’église paroissiale pour accueillir les pèlerins. Il faut dire que Joël, le sacristain du Tro Breiz, se met en quatre pour que tout soit prêt avant que les pèlerins n’arrivent.
Et puis on discute en mangeant qui un sandwich, qui une pizza. Les restaurants sont pris d’assaut alors d’autres patientent en sirotant un petit verre avec modération et des amis. Je prends le temps de discuter avec mon cher collaborateur Yves, avec Anne qui rejoint l’équipe de Kan Iliz, avec Tepod d’Emglev an Tiegezhioù, avec Béatrice cette amie faisant partie des Gedourion qui boucle son Tro Breiz cette année accompagnée de sa soeur, avec Mikael cet ami de Plouay qui travaille tant à la résurrection de nos pardons locaux. Mgr Centène prend le temps de discuter avec nous. Je m’apercevrai le lendemain que déjà lors de notre discussion, il préparait son homélie du lendemain dans nos échanges simples.
Deuxième jour : mardi 1er août (Taulé – Plouigneau)
Il est 6h30 que déjà s’activent les pèlerins. Il faut dire que la messe est à 7h45. Le temps de se laver, de démonter la tente, de laisser les sacs aux camions, etc… Le soleil se lève et ses rayons éclairent le clocher Beaumanoir qui reste debout face à l’église plus récente qui nous accueille. Je trace car avec Mikael, Benoît, Anne et Erwan, on chante e brezhoneg aussi. Ce matin, c’est Mgr Centène qui célèbre la messe. L’évangile, comme chaque jour est lu en breton puis en français. On m’avait demandé en amont de fournir tous les textes e brezhoneg. C’est le Père Guillaume Le Floc’h qui le lira aujourd’hui. On est nombreux au niveau du service d’autel : plusieurs séminaristes et servants d’autel sont là, s’ajoutant aux nombreux prêtres et aux diacres présents. L’édifice est presque plein. Tout le monde ne vient pas à la messe du matin. Certains sont plutôt messe du soir (il y en a une chaque soir à 18h30) et d’autres ne sont pas forcément croyants (pas encore ?). Mais ça en fait, des communions. Le Père Dominique de Lafforest n’hésite pas à dire de ne pas faire de la communion un automatisme. C’est bien. D’ailleurs, je vois beaucoup de fidèles venir recevoir la bénédiction du Seigneur. C’est bien aussi !
Après le traditionnel Da feiz hon tadoù kozh qui remporte les suffrages grâce à une polyphonie, à l’orgue / bombarde dynamique du duo Marc/Stéphane, les pèlerins se mettent en route sous une météo clémente augurée par Marie-Joseph. On quitte Taulé pour aller vers Plouigneau. Il faudra traverser Morlaix, mais avant, direction la chapelle de la Salette et la Maison Saint François dont 3 soeurs sont présentes parmi les marcheurs. Je ne connaissais pas ce lieu dédié à la Vierge Marie. C’est beau ! La chapelle sera le premier sanctuaire dédié aux apparitions de la Sallette (1860), lancé par l’abbé de Kermenguy. Le pardon a lieu en septembre et chaque année, une retraite pour les conscrits de la région y était donnée, avant le départ pour l’armée.
Les Tro Breiziens marchent vite. Pour ma part je suis en voiture – avec une mission précise – et je rejoins par la route Marie-Alix, la présidente, qui se trouve en contrebas de la chapelle. On gravira les marches de l’ancien chemin de croix pour rejoindre le point eau qui a été placé non loin de la chapelle. J’aperçois Yves Daniel qui se fait un petit en-cas, derrière là grille. Il me parait être derrière les barreaux d’une prison, lui l’avocat. Je passe de l’autre côté comme ce visiteur de prison. Mais Benoît , l’animateur, se fait dorloter par quelques personnes : il a mal à sa jambe mais la solidarité du Tro Breiz lui fait dépasser cela. Une des soeurs vient me voir : “C’est vous qui vous occupez d’Ar Gedour ? Merci pour ce que vous faites ! J’ai découvert votre site l’an passé. Continuez !” Je lui réponds : “je vous demande, à vous et à vos consoeurs, de prier pour Ar Gedour, son équipe, et tous nos projets !”. Une communauté prie désormais pour nous ! Ca aussi, c’est beau !
Le Père Dominique est juché en chaire. Il explique l’histoire du lieu mais surtout fait prier la Vierge Marie.
Je reste discuter avec d’autres lecteurs qui ici se reconnaîtront. Et puis je rencontre un couple. Lui est musulman. Je sais qu’au Tro Breiz, il y a des cathos plutôt bien pratiquants, des cathos plus lights, des athées, des agnostiques. L’an passé j’avais discuté avec des protestants qui depuis plusieurs années marchent sur les chemins du Tro Breiz. Des non-croyants m’avaient aussi confié les raisons de leur présence. Chacun a ses motivations, comme pour Saint Jacques de Compostelle. Mais j’étais curieux de savoir pourquoi ce musulman était là, dans le cadre d’un pèlerinage chrétien. On fait connaissance. Il me dit qu’il est d’origine algérienne. Je n’ai pas pensé lui demandé, mais il avait tout l’air d’un kabyle. Il est là car sa compagne lui a fait découvrir cette marche. “Je ressens un peu ce que je vis lorsque je jeûne. Il y a un début, une arrivée, et cet effort pour arriver au bout d’un chemin. Et c’est beau : je découvre un très beau patrimoine, une belle culture que vous affirmez ! J’aime beaucoup, surtout quand j’entends les chants bretons à la messe”. Oui, il va à la messe. Juste par ce qu’il ne se voit pas ne pas y aller, et parce qu’il aime ce moment, même s’il n’ira pas communier. Les voies de Dieu….
Marie-Joseph et les rabatteurs sonnent déjà le départ. Direction Morlaix et la chapelle Notre-Dame des Anges, bâtie comme mémorial d’un triste épisode de la guerre 39-45. Nous en parlions dans un article il y a quelques mois :
Vendredi 29 janvier 1943, le ciel de Morlaix est lumineux, d’un beau bleu d’hiver. La ville, bien que proche de Brest qui subit quotidiennement les bombardements Alliés, a été jusqu’à présent préservée de la guerre. Il est 15 heures, dans la cour de l’école une centaine d’enfants sont en récréation, sous la surveillance de leur maîtresse, sœur Marie de Saint-Cyr. Soudain, des dizaines d’avions des Forces anglaises (RAF) surgissent dans le ciel, et lâchent leur chargement de bombes sur la ville. Plusieurs bombes atteignent l’école et la cour où jouent les enfants, c’est immédiatement un enfer de flammes : 39 enfants vont être déchiquetés, brûlés vifs avec leur maîtresse ; 19 autres seront gravement blessés et mutilés. Une « bavure » comme on dit aujourd’hui, mais surtout un vrai crime de guerre dont les commanditaires n’auront aucun compte à rendre. Monseigneur Duparc, qui présidera les obsèques des petits martyrs, dénoncera avec une grande virulence ce crime injustifiable :
« L’Evangile a raconté le massacre des Innocents par le roi Hérode, c’était la même scène, ces Saints Innocents dont nous venions de célébrer le massacre quinze jours plus tôt ».
Ce crime sera dénoncé également par l’abbé Perrot dans Feiz ha Breiz d’avril 1943 sous le titre sans concession de « Lazadeg an Innosanted » (Le massacre des Innocents), reprenant ainsi les propos de son évêque. L’illustré Ololê, titrera « Barbares » et écrira :
« Aucun témoins ne pourra jamais oublier la vision dantesque des mères accourues fouillant les décombres à la recherches de leurs enfants, et emportant dans leurs bras des dépouilles sanglantes ou expirantes ».
Ce rappel d’un fait historique dramatique, aujourd’hui bien oublié, pour justement rappeler que ce sont des “petits anges de la terre” qui ce jour-là furent massacrés. Personne ne s’y trompa. C’est ainsi donc que fut édifié en 1954 la chapelle « Itron Varia an Elez » (la chapelle Notre-Dame des Anges), où, dans la crypte, reposent les enfants et leur maîtresse. Une belle prière « Pedenn d’hon Aeligou » (Prière pour les petits Anges) fut composée en leur honneur. Les familles des petites victimes demandèrent toutes les images dont nous parlons, mais furent aussi un moyen de communication entre les familles et tous ceux qui exprimèrent leur chagrin. Les éditions Ololê reversèrent l’intégralité des ventes aux familles, dons modestes, il est vrai, mais qui touchèrent les parents dans l’épreuve.
Nous marchons vers Notre-Dame des Fontaines, vestiges d’une ancienne église du XIVè siècle que les casseurs de 1792 ont saccagé. Il est dit que les pèlerins aux 7 saints de Bretagne passaient par là car c’est un des 7 saints fondateurs qui aurait trouvé la fontaine. Nous passons devant le château de Lannidy puis à la chapelle du Mur, construite en 1890 pour la comtesse de Guernisac, née Marie Barazer de Lannurien, dont le frère Louis fut cofondateur du Séminaire Français à Rome. Enfin les cloches de Plouigneau sonnent. De mon côté, je suis déjà sur place, et je revois des personnes du secteur que j’avais rencontré il y a deux ans pour une cérémonie religieuses. Un sonneur de cornemuse me dit qu’il jouera pour accueillir les pèlerins. Je sors ma bombarde et on cale les morceaux, en attendant les marcheurs. Pendant ce temps, les bénévoles installent le pot d’arrivée, à côté de l’église. Le Père de Lafforest quant à lui expose le Saint Sacrement.
Les pèlerins arrivent, exténués mais heureux. Un adjoint au maire les accompagnent. Ils découvrent au son de la cornemuse le stand que Breiz Santel a installé sur le parvis pour faire découvrir leur oeuvre de restauration de chapelles. Vient l’heure de la messe et du repas. Tout le monde se rend à la supérette du bourg… car aucun restaurant n’a daigné ouvrir les portes pour accueillir les Tro Breiziens. Seul les bars sont ouverts et je rejoins donc l’équipe d’Yves Daniel. Ils m’ont déjà commandé quelque chose… et je découvre que je suis avec les “chevaliers du Picon-Bière”, cette confrérie secrète qui ne l’est plus depuis que Ouest-France a publié une belle photo d’eux pour illustrer une étape du Tro Breiz. Cette bande d’amis – que j’avais rencontré le matin du premier jour et que j’ai présenté plus haut – qui se retrouve d’année en année m’invite à me joindre à eux. Honoré, mais pas habitué au Picon-Bière, je devrais avec modération apprendre à déguster ce doux breuvage que je n’aurai connu. Le Tro Breiz, c’est aussi ces surprises, d’amicales rencontres qui au-delà des convictions peuvent se retrouver pour passer de bons moments. Ce sera le début des repas avec la “bande à Yves”, pask’y sont vachement sympas…
Et puis comme y’a rien d’autre ouvert, qu’il n’y a même pas un fest-noz, et que quand même, on est à un pèlerinage, je vais à la veillée mariale. J’accompagne au low-whistle les chants, avec d’autres musiciens (violon, guitare, orgue, flûte traversière). Et j’avoue que cette veillée était magnifique, splendide moment de grâce alors que le temps se dégrade doucement. L’église est presque pleine et les médailles miraculeuses sont distribuées. Rupture de stock. Les chants sont beaux et portent totalement à la méditation et à la prière. Finalement, ça valait le coup qu’il n’y ait rien d’autre ce soir-là !
En fait… j’apprendrai bien plus tard qu’il y avait un fest-noz… sur parquet ciré. Tant pis pour moi. Mais je ne regrette vraiment pas cette veillée mariale !

On me dit qu’il va pleuvoir cette nuit. Je décide donc de ne pas monter ma tente et de dormir dans ma voiture, comme un ami prêtre qui nous a rejoint. Je ne peux pas dire que je dors bien mais j’avoue que me lever alors que les hallebardes hachent le sol, sans avoir à démonter une tente mouillée, c’est agréable. Je pense à tous les campeurs. Je rejoins vite l’église où aura lieu la messe : il est 7h15 et il y a déjà du monde.
Troisième jour : mercredi 2 août (Plouigneau – Plestin Les Grèves)
Sous les notes du traditionnel Da feiz hon tadoù kozh, notre chant d’envoi habituel, les fidèles randonneurs se massent à la sortie de l’édifice, prêt à s’élancer sous les trombes d’eau, enveloppés de ponchos et autres K-ways. Plestin, c’est à 24 bornes de là. Le trajet va être rude car le sol est détrempé. Marie-Joseph a bien dit qu’il fallait de bonnes chaussures et non pas marcher en sandales ou pieds-nus.
Alors que tout le monde est parti, sur la place de l’église je rencontre un monsieur d’un certain âge s’abritant en attendant une autre personne. Il m’explique que quelqu’un s’est trompé et a pris ses chaussures (qui pourtant avaient une taille différente). Malgré ses recherches, ses appels, ceux des organisateurs, il ne les retrouvera pas. Bien dommage !
Pour ma part, je pars en voiture direction Plestin, rendre visite à un oncle qui habite là-bas. Puis je rejoins l’église de Plouegat-Guérand. J’apprends sur place que le repas aura lieu non pas à Pont-Menou, l’endroit prévu, mais à Plouegat, sous abri en parti dans la salle communale aimablement mise à disposition par la municipalité à la dernière minute, et grâce au travail de reconnaissance des bénévoles et notamment de Sébastien Minguy, directeur de la Vallée des Saints présent sur la logistique du Tro Breiz. Je passe discuter avec les pèlerins qui m’expliquent : sur les chemins on s’enfonçait jusqu’aux mollets dans la boue !
Certains pourraient pester mais pas du tout ! Les gens sont heureux d’avoir traversé cette épreuve et je ressens vraiment une ambiance fraternelle pendant ce repas. Le ciel s’est éclairci et permet à chacun de sécher, dehors ou dans la salle.
Ceux qui ont commandé leur repas se pressent au stand de distribution des plateaux pique-nique. Je m’aperçois qu’on pourrait aisément installer des barrières avec quelques piquets et du rubalise, traçant un couloir d’attente et permettant une sortie aisée. Cela faciliterait la tâche à l’équipe d’Arlette et éviterait l’attroupement.
De mon côté, je rejoins les chevaliers du Picon-bière. Ils sont là, on discute… On fait un peu plus connaissance. Sébastien Minguy nous rejoint. Mais après une bonne heure de pause, il faut envisager de partir. Les premiers déjà se pressent derrière les pioupiou (les bénévoles de la sécurité en jaune poussin). Yves Daniel est devant et tel un marathonien sur les starting-blocks est prêt à s’élancer.
Le long défilé de marcheurs avancent et arrivent rapidement à la chapelle Saint Haran. Avec son compagnon Saint Eversin, Haran avait débarqué en même temps qu’Efflam sur la lieue de grève. Une chapelle fut érigée et prit son nom. En mauvais état à la fin du XVIIè siècle, les habitants du quartier obtinrent de l’évêque de Tréguier, Olivier Jégou de Kerlivio, l’autorisation de reconstruire en 1706. Couverte de grosses ardoises aux tons verts, la petite chapelle fut saisie par le pouvoir révolutionnaire et mise en vente. Son acquéreur la restitua à Plestin en 1816.
Après Toul an Héry ou la chapelle Sainte Barbe, les marcheurs arrivent sur Plestin, ce lieu de halte très anciens pour les pèlerins des 7 saints. Sur place, les cloches de l’église Saint Jestin sonnent à toute volée. Un comité local a préparé l’accueil avec un verre de l’amitié animé par d’excellents sonneurs qui montrent bien que cette paroisse est heureuse d’accueillir le Tro Breiz. Le recteur de la paroisse, le Père Jean-Jacques Le Roy est là, enthousiaste, pour accueillir les pèlerins, qui peuvent ensuite s’agenouiller ou s’asseoir devant le Saint-Sacrement qui est exposé sur l’autel, face au tombeau de Saint Efflam, ce prince irlandais venu évangéliser ce petit coin d’Armorique. Je vais rendre visite à mon saint patron, et je sais déjà que demain, je ferai la première lecture et je chanterai un cantique à Saint Efflam, lors de la messe du matin. Le Père Leroy me remercie pour l’appel au dons qui avait été fait sur Ar Gedour pour l’église de Tremel incendiée et qui avait rapporté plusieurs milliers d’euros. On discute un peu. Je m’aperçois encore ici des grâces du Tro Breiz. Je le laisse car un orthodoxe qui fait le Tro Breiz seul de son côté arrive lui aussi.
Marie Alix, la présidente, vient me demander si je ne pourrai pas aller chercher une jeune fille qui est blessée et qui est chez le médecin. Je prends ma voiture. J’aperçois mon oncle qui me demande où je dors. Sous tente ou dans ma voiture, c’est selon ! Pas question : il me propose aimablement de dormir chez lui, une chambre étant à disposition. Ce soir, je dormirai dans un bon lit, après une bonne douche bien chaude !
Mais avant, il y a pièce de théâtre à l’église. Finalement, j’opterai pour le bon fest-noz organisé au boulodrome, une fois que j’ai récupéré la jeune fille blessée.
Au fest-noz, je rencontrerai des jeunes brittophones, des instits. Komzal e brezhoneg e pad an Tro Breiz, plijus eo. Une petite scottish avec Béatrice, l’une de mes amies des Gedourion. L’occasion de voir d’autres personnes. Finalement, je me décide à aller me coucher et moi qui n’avait pas eu ma soirée religieuse, je vois à la sortie le Père Louis de Bronac, aumônier du tro Breiz, avec un groupe de jeunes. Ils entament les complies. Je me joins à eux. Il est temps de me coucher.
Quatrième jour : Plestin / Plouaret (jeudi 4 août)
Après une bonne nuit chez mon oncle, je passe au gymnase puis je me presse vers l’église de Plestin pour aider à préparer la messe, et me caler avec l’organiste pour le chant de Saint Efflam qui sera chanté durant l’offertoire. Je serai aussi de lecture. Ca fait quelque chose de participer à ce tro Breiz auprès du tombeau de mon saint patron et de faire découvrir aux pèlerins ce chant méconnu. Je sais qu’il n’y a plus rien dans le catafalque mais l’histoire est là et j’essaie à mon humble niveau de m’inscrire dans ses pas. Puis au son du traditionnel Da feiz hon tadoù kozh sortent les marcheurs, en direction de Plouaret. Je suis en voiture car nous allons, Yves Daniel et moi, direction Saint Pol-de-Léon, pour récupérer la voiture du maître qui nous abandonnera en cette fin de journée. Mais pas question de repartir sans passer par la chapelle Saint Efflam, ignorée du parcours cette fois-ci. Malheureusement, la porte sera fermée et nous ne pourrons que voir la fontaine (à sec ou presque). Direction Kastell Paol et nous rejoignons Plouzelambre pour le repas. Pendant ce temps, les marcheurs ont vu la chapelle Saint Roch, édifice funéraire datant de 1621, bâti une épidémie de peste. Croisant des “convenants” à tou bout de champs, je découvre que ce terme fait référence au système d’exploitation qui diffère du métayage et du fermage courant ailleurs. Dans le contrat de convenant, le propriétaire loue sa terre et l’exploitant peut construire.
Un petit passage par la chapelle Saint Mélar et la Vallée du Roscoat, et voici que le flot des pèlerins arrive sur Plouzélambre, dont l’église est une des plus émouvantes de la région. Avec son clocher d’inspiration Beaumanoir, accosté d’une solide tourelle d’escalier, un porche déjà renaissance surmonté de la chambre des archives, avec son calvaire, son ossuaire dont l’élégance montre un réel souci d’honorer la mémoire des aïeux, cette église mérite d’être visitée. Nous attendons les pèlerins pendant qu’Yves Daniel nous offre un kir béni, ou plus exactement de l’excellent Reuilly qu’il commercialise. La troupe arrive et s’installe dans un terrain aux abords du seul café commerce du lieu. On s’installe avec les chevaliers du Picon-bière pour une dernière fois déjeuner avec le moustachu de service, qui distribue ses rations à qui mieux mieux… On s’aperçoit que Robert s’est bien abîmé la patte. Il sera contraint d’arrêter la marche, à son grand dam. Il est déçu, et on est déçu pour lui.
Mais c’est bientôt l’heure de se lever et déjà les piou-piou sont à pied d’oeuvre pour lancer la seconde partie de la journée, direction Plouaret. Je sors ma bombarde, m’installe sur le muret de pierre entourant le cimetière et surplombant les marcheurs, je lance un Da feiz hon tadoù kozh repris en masse. C’est parti, il y en a encore pour une après-midi de marche., passant notamment par Lanvellec. Là c’est saint Brendan qui prit ses appartements dans le coin. L’église d’origine fut endommagée par la guerre et remplacée en 1353, elle même restaurée en 1607. L’édifice actuel a été érigé durant le second empire.
Bientôt les cloches sonnent sur Plouaret. Les portes de l’église sont grandes ouvertes et l’on sent que l’on est accueilli par la population locale, qui a mis en place un beau plateau de musiciens pour le fest-noz qui suivra le pot d’accueil. Dans l’église, dans l’un des transepts, face au Saint Sacrement, se trouve un diorama de la chapelle des 7 saints du Vieux Marché, reconstituant le pardon local avec ses spécificités.
Le Père Dominique étant absent, je me charge d’exposer le Saint Sacrement, prêt à recevoir le trobreizien fatigué. Avec une religieuse participant au Tro Breiz, nous animerons l’adoration eucharistique par des chants et méditations en breton et en français, comme le fait habituellement le Père Dominique.
Je retrouve le Père Christophe, mon confrère aumônier. Il est un peu chez lui ici, et passe donc accueillir les pèlerins du Tro Breiz. Il me proposera gentiment de m’héberger plutôt que de dormir sous tente. Mais finalement après la messe du soir, il me proposera aussi de dîner avec l’équipe d’animation liturgique et les prêtres locaux, me permettant de faire un peu plus ample connaissance.Après le repas, j’accompagnerai Benoît et ses amis pour l’animation de la veillée de réconciliation organisée alors que le fest-noz bat son plein sur la place de l’église. Une petite bière ensuite, et ce sera direction le couchage, de manière à être en forme pour mon dernier jour. Car malheureusement, en raison du mariage de deux amis, je ne pourrai être à l’arrivée à Tréguier.
Suite du récit à découvrir d’ici peu.
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bravo et merci pour ce compte rendu ; on attends la suite avec impatience, j’espère que le suspens ne sera pas trop important !!
C’hoazh !! C’hoazh !!!
bonne fête, mon p’tit Eflamm, et merci pour le compte rendu tant attendu … je ne suis pas prêt d’oublier notre petite virée sur la plage de débarquement de ton saint patron !