Le Poher, c’ est à dire en breton, Pow Chaer et en latin Pagus Castri, est, dans la ciuitas des Osismes, le seul pagus n’ ayant pas de contact avec la mer. Il est limité au nord par les Monts d’ Arrée et au sud par les Montagnes Noires. Au Nord-Ouest c’ est la rivière Eles , puis l’ Aune à l’Ouest qui le séparent du Pagus du Faou ; au Nord-Est l’Hyeres, puis le ruisseau de Kerscaut qui le séparent du Pagus Quintin. Du Nord au Sud et de l’ Ouest à l’ Est il s’ étend sur 35 à 40 km, mais en son centre il n’ y a qu’ une quinzaine de kilomètres W-E entre Collorec dans le pagus du Faou et Duault dans le pagus Quintin.
Il faut ici préciser que les « doyennés » ecclésiastiques du Moyen-Age ont souvent des limites différentes de celles des pagi de l’Armorique gallo-romaine. Ainsi, le « Doyenné du Faou » incluait au Moyen-Age Brennilis et Plouyé. De ce fait, des chercheurs identifiant doyenné et pagus mettent Plouyé et Collorec dans le même district, ce que récuse la vox populi des deux districts. L’ Eles coule dans une vallée encaissée et seuls deux ponts récents la franchissent . Elle constitue une réelle frontière.
Chez les historiens la définition du Poher a subi des vicissitudes qui remontent à A. de la Borderie. Celui-ci s’ est entêté à identifier le Pagus Castri avec le Pagus Ciuitatis (ou Pagus Lexouius) cité dans la Première Vie de s. Tudwal. Il a ainsi semé une confusion dont plusieurs historiens ne sont pas encore sortis. D’autres historiens ont imaginé que le Poher se confondait avec la Cornouaille (ou vice-versa). Compliquer est toujours un plaisir .
La situation du chef-lieu du pagus l’ actuelle ville de Carhaix, est indiscutable, puisque l’ on retrouve son nom, Caer dans celui de la circonscription de Plouguer, Plöi Caer, *Plebs Castri), qui englobait l’ actuelle ville de Carhaix.
Au Nord le Pow-C’haer englobait les communes actuelles de Callac, Calanhel, Bolazec, Scrignac, Berrien, Botmeur, La Feuillée, Plouyé, Brennilis. Cette dernière commune (ancienne Plou-Menez) est limitée au sus par la rivière Eles, au-delà de laquelle on entre dans le pagus du Faou.
Au Sud, sur la rive gauche de l’ Aune, Spézet et St-Goazec forment l’extrême pointe SW du pagus. Sur le versant N des Montagnes Noires le Poher englobe Plévin pour atteindre à Glomel la limite SW du Pagus Quintin.
Il est vrai qu’ ici un certain point n’ est pas élucidé. Le nom de Pagus Castri signifie « pagus du camp ». On attend donc un camp romain. Or dans la ville de Kaer-Ahes (de Aches), c’est à dire Castrum Accessus (étymologie de P. Quentel) « Camp de l’ Entrée » (à savoir dans le territoire des Osismiens), qui est un noeud routier essentiel et un centre commercial de première importance, on n’ a pas encore trouvé de traces d’ un camp militaire.
Peut-être parce que l’ on n’ a pas cherché au bon endroit. Les fouilles archéologiques n’ ont en effet révélé que les voies romaines et des bâtiments civils et commerciaux. Or il est bien connu que des places commerciales se développent aux limites ou frontières des entités politiques et étaient ainsi des « villes ouvertes » sans fortifications. La ville commerciale à l’ entrée du territoire osismien pouvait donc précéder un ouvrage défensif situé plus à l’ ouest, c’ est à dire audelà de la vallée de l’ Hyères (Hïer, de Isara « la sacrée ») sur la hauteur de l’actuel Kergloff ( peut être un Ker de Corio- « poste militaire ».) qui commandait la voie vers l’ embouchure de l’ Aune.
La confusion mentionnée plus haut sur le pagus lui-mêmei n’ est pas moindre quant à son chef-lieu. Là les « spécialistes » se bousculent à qui sortira la plus belle bourde. Disons en bref que Carhaix n’ est pas Vorgium, car le nom celtique Worgion veut dire « Océan ». Ni Carifes, une cacographie d’ un copidte bigleux, que l’ envahisseur Hlodowig Karelson n’ y a jamais été et que les Osismes n’ y avaient pas leur capitale. Tout cela est traité ailleurs.
Quant au territoire du pagus, nous l’avons vu plus haut, il faut aussi préciser que la circonscription ecclésiastique « Doyenné du Faou » incluait au Moyen-Age Brennilis et Plouyé. Les chercheurs identifiant doyenné et pagus mettent de ce fait Plouyé et Collorec dans le même district, ce que récuse la vox populi des deux côtés de l’ Eles. Cette rivière coule dans une vallée encaissée et seuls deux ponts récentes la franchissent. Elle constitue une frontière incontestable.
Les subdivisions administratives devaient être peu nombreuses. Au nord de l’ Eles il n’ y a pas de limite naturelle entre Plouyé et Brennilis (de Bro,,-Eles « source de l’ Eles »), à 10km, et le nom de Ploumenez « ploue de la montagne » n’ est sans doute qu’une appellation alternative pour Plouyé.. Cette circonscription était limitée par le cours de l’ Aune et celui du ruiseau de Scrignac. Scrignac devait être une zone de forêt entre le haut cours de l’ Aune et le ruisseau de Scrignac. L’ Aune et l’Hîer délimitent le district des Rocs : Plusqellec, Callac, Carnoët, Calanhel (Kall-an-Er « Roc de l’ Aigle), dont Plourac’h doit être unepièce détachée. Au sud la Guelen (« ruisseau »sépare ce district de celui de Poullaouen qui comprend Ploinevezel, Kergloff et Cleden.
A l’ est, au sud du ruisseau de Kersault le district de Medl (Mael-Carhaix) était distinct de celui de Plévin, y compris Paule.. Au sud-ouest, entre les Montagnes Noires et le cours de l’ Aune, St-Hernin, Spezet et St-Guazec formaient un district « de l’ eau courante » (v. ci-dessosu Toponymie).
TOPONYMIE
Plusieurs des noms de lieux importants du pagus nécessitent une explication :
Scrignac, Skriniag nom descriptif, composé sur run « colline escarpée », dont la territoire est riche. Avec le suffixe -ec (>ac), marquant la miltplicité et un préfixe s- d’ intensité ou d’ importance. Le -k- est un insert phonérique automatique entre S et r. Le -ac final est dû aux latinisme des moines voisins de l’ abbaye du Relec. Ce nom est un composé breton et non vieux-celtique.
Callac est dérivé de kall « roc » avec le suffixe latinisant -ac et est donc « rocheus ».
Plusquellec comprend kell, pluriel de kall, avec le suffixe de multiplicité -ec et un préfixe s- comme Scrignac.
Calanhel, prononcé Kalaner contient ausi kall « roc » et le nom de l’oiseau royal Er (ou Erer) « aigle ». Noter qu’ à 12km à l’ est on a le nom de Burtulet « lieu aox vautours ».
Maël-Carhaix est en réalité Mezl, du v.celtique metlo- « moisson ».
Paule, prononcé Paoul, doit venir du latin pabulum « pâturage ».
Plévin contient le nom de saint Ezwin La graphie Ez- devant -w., en moyen-breton, correspond à Egw- en gallois. Sant E(z)win, fils de Gonle et de Gwlades, avait pour frères Saint Konidr et Saint Cadoc.
Kergloff. Klof signifie « boiteux », » incliné », « de travers »; Ker- peut provenir de Corion « poste militaire ».
Plounévézel est prononcé en breton Ponnvel, contraction de Pont-an-Welenn, « Pont-de-la-Gwelenn », qui est un nom différent..
Poullaouen, anciennement Ploulowan.
Spezet, au MA Spezot, est un nom deescriptif qui s’ explique par le gallois ysbyð « courant d’ eau » (lui-même composé de pyð « courant ». En vieux-celtique (et donc à l’époque gallo-romaine) il devait être *Speiâte. Ce nom est justifié par les nombreux méandres de l’ Aune qui est sa limite nord.
Saint-Goazec est sans doute un saint postiche, car on ne lui connait aucun culte. Il doit s’ agir d’un nom descrptif Sawn Gwazheg « vallon à ruisseau ». Ce nom est sans doute ancien , car il sert de marqueur en topométrie.
A SUIVRE : Le Pagus Achmensis
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* Ouvrages d’Alan Joseph Raude (linguiste, historien et hagiographe)
- L’origine géographique des Bretons armoricains. Série Etudes et recherches de Dalc’homp Soñj
- Ecrire le gallo : précis d’orthographe britto-romane
- Petite histoire linguistique de la Bretagne
- Introduction à la connaissance du gallo
- Liste des communes galaises du département des Côtes-d’Armor (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes du département de l’Ille-et-Vilaine (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes du département de Loire-de-Bretagne (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- Liste des communes galaises du département du Morbihan (avec la coll.de Jean-Luc Ramel)
- La Naissance des nations brittoniques – de 367 à 410 –, Ploudalmézeau : Editions Label LN, 2009