Gwener er Groéz, le “Vendredi de la Croix”, c’est-à-dire le Vendredi Saint, était un jour de grande pénitence. A Plouhinec, la matinée était chômée et l’on allait après l’office ramasser les coquillages nécessaires au repas. Ce jour-là, dans tous le pays, l’on avait coutume de laisser les boeufs se reposer car, en leur mettant le joug, on risquait de les faire dépérir.
“P’arriù Guéner er Groéz é vé degaset er seud d’en anhoé” (Quand arrive le Vendredi Saint, on conduit les bestiaux à la sieste).
Les jeunes gens, par groupes de trois ou quatre, allaient chanter la Passion en portant un grand panier où ils déposaient les oeufs qu’on leur offrait. A Lescoët-Gouarec, garçon et filles se réunissaient sur une hauteur pour réciter quatre longs cantiques devant la lune et les étoiles (dirag el oer hag er stired), cantiques humbles et pathétiques où l’on voyait Notre Dame égrener son chapelet au pied de la croix.
A Pont-Scorff aussi la Vierge de la complainte était bien humaine et bien pitoyable. Elle partait avec Saint Jean pour savoir où était son Fils. Trois jeunes gens qui venaient d’assister à la crucifixion du Sauveur, lui en faisaient le récit sur la route et par trois fois, en les écoutant, Marie tombait sur le sol, puis elle demandait son chemin ; “Vous irez, lui répondaient-il, par le sentier des petites landes, et vous entendrez frapper sur les clous” Marie ne pouvait pas marcher, ayant des larmes plein les yeux. Quand elle fut rendue à la croix, elle monta trois barres de l’échelle et implora les bourreaux : “laissez-moi embrasser mon Fils !” et Jésus lui donna son mouchoir chargé des sept sacrements…
Des Passions analogues se chantaient à Riantec, à Lanvaudan, presque partout. Parfois, comme à Surzur, à Sauzon, à Erdeven, à Arzon, c’était la veille du Dimanche de la Passion que l’on entonnait les cantiques aux portes des maisons. Parfois aussi, c’était la veille de Pâques.
Retrouvez aussi l’un de nos collectages de la Passion chantée en pays vannetais. Cette Passion de Baud est très précieuse, car elle fut mise par écrit en 1944 pour une mission paroissiale. L’air est celui de l’hymne Vexilla Regis (à peu de choses près). Cliquez ici pour accéder à l’article.
Extrait de “En Bretagne Morbihannaise” – Buffet
Illustration tirée de “Eurioù Pasion an Aotrou Krist / Les Heures de la Passion de Messire Le Christ” de Yann-Vari Perrot, Herry Caouissin et Felix-Pol Jobbé-Duval