Pour le Vendredi Saint, voici une version de la Passion telle qu’elle était autrefois chantée dans le vannetais bretonnant. Contrairement aux Passions de Haute-Cornouaille où la Passion était chantée en pleine campagne, ou sur des hauteurs ou dans les landes, les Passions vannetaises se chantaient de porte à porte (sauf dans le Pays Pourlet, où l’usage était le même qu’en Haute-Cornouaille) comme les chants de quête pour la Toussaint (Kristenion vat) pour Noël (Kanamp Noél) ou pour le Nouvel An (Eginanéh).En général, ce n’était pas de l’argent qui était quêté, mais des œufs qui seraient mangés par la suite à Pâques.
« Gwénér er Groéz, le « Vendredi de la Croix », c’est à dire le Vendredi saint, était un jour de grande pénitence. À Plouhinec, la matinée était chomée et l’on allait après l’office ramasser les coquillages nécessaires au repas. Ce jour-là, dans tous le pays, l’on avait coutume de laisser les bœufs se reposer, car, en leur mettant le joug, on risquait de les faire dépérir : « P’arriù Gwénér er Groéz é vé dégaset er seud d’en anhoé » (Quand vient le Vendredi Saint, on conduit les bestiaux à la sieste.)
Les jeunes gens, par groupes de trois ou quatre, allaient chanter la Passion en portant un grand panier où ils déposaient le œufs qu’on leur offrait A Lescoët-Gouarec, garçons et filles se réunissaient sur une hauteur pour réciter quatre longs cantiques devant la lune et les étoiles (durag el loér hag er stired), cantiques humbles et pathétiques où l’on voyait N.D égréner son chapelet au pied de la croix.
A Pont-Scorff aussi la Vierge de la complainte était bien humaine et bien pitoyable. Elle partait avec saint Jean pour savoir où était son Fils. Trois jeunes gens qui venaient d’assister à la crucifixion du Sauveur, lui en faisaient le récit sur la route, et pas trois fois, en les écoutant, Marie tombait sur le sol, puis elle demandait son chemin : Vous irez, lui répondaient-ils par le chemin des petites landes t vous entendrez frapper sur les clous. » Marie ne pouvait pas marcher, ayant des larmes pleins les yeux. Quand elle fut rendue à la croix, elle monta trois barres de l’échelle et implora les bourreaux : « laissez-moi embrasser mon Fils ! » et Jésus lui donna son mouchoir chargé des sept sacrements…
Des Passions analogues se chantaient à Riantec, à Lanvaudan, presque partout.
Parfois, comme à Surzur, à Sauzon, à Erdeven, à Arzon, c’était la veille du dimanche de la Passion que l’on entonnait les cantiques aux portes des maisons. Parfois aussi, c’était la veille de Pâques. » (Henri-François Buffet, en Bretagne Morbihannaise, 1947)
Il existait donc de nombreuses variantes orales de la Passion selon les paroisses du pays vannetais, peu ont été transmises dans leur intégralité. Cette Passion de Baud est donc très précieuse, car elle fut mise par écrit en 1944 pour une mission paroissiale.
Elle fut par la suite enregistrée (peut-être dans les années 70 ou 80 ?)
À noter qu’avant de commencer, la chanteuse commence par le signe de la croix, comme s’il s’agissait d’un office liturgique.
L’air est celui de l’hymne Vexilla Regis (à peu de choses près). Découvrez les paroles ci-après. Vous pouvez télécharger la totalité des couplets via ce lien.
Er Basion (Part 1) :
Er Basion (Part 2)