Le 12 décembre 1943, l’abbé Yann-Vari Perrot était assassiné

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

En 2013, à l’occasion du 70ème anniversaire de l’assassinat de l’abbé Yann Vari Perrot, un prêtre qui a beaucoup oeuvré pour la cause bretonne et auquel nous nous référons régulièrement, nous avions consacré une série d’articles retraçant sa vie et ses engagements, en prenant appui sur des documents parfois inédits en notre possession, et en donnant une vision qui n’est que peu ou pas abordée : sa dimension sacerdotale, qui permet de mieux appréhender sa vie et ses choix, qui donnent parfois une terrible impression d’actualité.

En ce jour anniversaire de cet assassinat, nous vous proposons ci-dessous de vivre les dernières heures de l’abbé via une partie du dernier article de cette série, intitulé « Sa dernière messe« , série que vous pouvez retrouver en totalité ici.

La guerre est omniprésente avec ses cortèges d’horreurs, d’épreuves, et la haine qui souffle sur le Menez Are. L’abbé sait que de cette guerre, comme de celle de 1914 -1918, rien de bon ne peut en sortir pour la Bretagne. N’en a-t-il pas été ainsi avec la Révolution française, les guerres des deux Empires, des Républiques ? Les Bretons en sont à chaque fois ressortis, moins bretons, plus francisés. Thiers déclarera : « La Bretagne est le seul pays qui n’a rien gagné à la Révolution ! » (3 septembre 1877).

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Abbé YV Perrot – Archives Ar Gedour – DR

L’abbé Perrot n’ignore pas non plus qu’il est depuis longtemps victime des pires calomnies, de la haine des communistes qui ont colporté qu’il « collabore avec l’occupant ». Son nom avec l’acte d’accusation et la sentence (la mort) ont été placardé sur le monument aux morts de Scrignac.

Sa servante Anna Le Douce, son vicaire l’abbé Quéguiner, ses amis intimes l’adjurent d’être prudent, il répond avec le même sourire qui accueillait ses visiteurs, « Vous verrez qu’un jour on me trouvera mort en revenant de l’une ou l’autre de mes chapelles ». Et d’ajouter :« Je voudrais mourir en disant mon chapelet, ou sur le chemin en accomplissant mon devoir de prêtre, comme Klaoda Jegou, le dernier recteur de Koat-Kéo, et non dans mon lit !…Un combattant doit mourir sur le champ de bataille ».

Ce 12 décembre 1943, jour anniversaire de la Saint Corentin, l’abbé Perrot tient à célébrer la messe dans la petite chapelle de Toull-ar-Groaz, distante de 8 kilomètres. C’est à pied, avec son enfant de chœur, le jeune Raymond Mescoff (11 ans) qu’il s’y rend, malgré les nouvelles mises en garde d’Anna Le Douce.

Six vieilles femmes et une jeune fille l’attendent : « Dans la chapelle froide, vide, le cœur brisé, il prie pour ses pauvres paroissiens, dont la flamme de la foi est éteinte, il prie pour la paix, pour ceux qui sèment la terreur et le crime dans le pays » (extrait de Ho kortoz a ran gant levenez, de H.Caouissin – 1944). Dans sa courte homélie il parle de Saint Corentin, mais comme par prémonition, il évoque le martyr de ses prédécesseurs.

 Il est au pied de l’autel, il récite en alternance avec l’enfant de chœur le psaume de « l’Introïbo ad altare Dei » (J’irai vers l’autel du Seigneur).

Mais à ce stade de notre récit laissons parler le très beau texte (voir iconographie via ce lien, avec texte original latin-breton) qu’a écrit son secrétaire Herry Caouissin le 12 décembre 1944, pour l’anniversaire de l’assassinat : « Ecce Sacerdos Magnus » (Voici le grand prêtre). S’inspirant de «  l’Introïbo », il nous fait partager l’intimité de l’âme du prêtre qui souffre et se confie à son Seigneur :

« Pour la dernière fois, le Maître célèbre la messe dans une petite chapelle silencieuse des campagnes de Bretagne – Dans cette maisonnette de prière, élevée à Messire Corentin, que le prêtre vaillant avait arraché aux mains impies, il y a treize ans !

– Une fois encore, il chanta l’office du Patron de la Cornouaille.

– En présence de sept fidèles seulement, le pauvre prêtre monta à l’autel le cœur affligé :

Pourquoi suis-je dans la tristesse, opprimé par mon ennemi ? Pourquoi êtes- vous triste mon âme ? – Pourquoi me donnez-vous de l’angoisse ?. Il était très angoissé ce jour-là, en vérité. Mais son coeur trouvait encore la force de chanter avec ardeur : Je chanterai votre louange sur la harpe, mon Dieu !

Et avec force il loua Messire Corentin, lumière de la foi en Cornouaille. Voici le grand prêtre qui plût à Dieu toute sa vie. Avec des larmes dans les yeux, comme St Yves jadis, il offrit l’Hostie, la Victime. Combien de fois durant son dur sacerdoce n’avait-il pas porté à ses lèvres saintes le calice sacré, et but avec délice le sang divin !…

Calice de réconfort, de force nouvelle pour lui, lui qui devait boire chaque jour un autre plein de fiel, jusqu’à la dernière goutte !

Puis de son verbe fort, il chanta le Pater, suppliant et résigné, comme son Maître, Messire Christ, il prononça ces mots : « Fiat voluntas tua » ; c’était sa dernière messe.

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À propos du rédacteur Youenn Caouissin

Auteur de nombreux articles dans la presse bretonne, il dresse pour Ar Gedour les portraits de hauts personnages de l'histoire religieuse bretonne, ou encore des articles sur l'aspect culturel et spirituel breton.

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