La biographie – qui tient davantage, sous la plume avisée de Youenn Caouissin, de l’hagiographie – de l’abbé Yann-Vari Perrot, recteur de Scrignac de 1930 à sa mort brutale le 12 décembre 1943, « J’ai tant pleuré sur la Bretagne – un prêtre pour notre temps et nos patries », paru aux éditions Via Romana, fin 2017, un impressionnant pavé de 568 pages qui ne doit pas pour autant faire peur au lecteur, a eu sur moi l’effet, à peine refermé, d’attiser ma curiosité naturelle pour la « chose » bretonne…
Et puis, le personnage décrit par l’auteur ne peut laisser quiconque indifférent.
C’est ainsi que le « viâtre » que je suis, n’a eu de cesse que de mettre ses pas dans ceux de ce saint prêtre qui, à 66 ans passés – il était né le 3 septembre 1877 à Plouarzel, au nord de Brest -, alors qu’il souffrait d’une phlébite « tenace » (op cit, page 23), n’hésitait pas, en plein mois de décembre, le 12, jour de la fête de saint Corentin, à aller, à pied, célébrer la messe à la chapelle dédiée au saint évêque fondateur, sauvée par ses soins de la ruine quelques années auparavant, au village de Toul ar Groaz, à une dizaine de Kilomètres au sud du bourg de Scrignac et, donc de son presbytère.
Il lui faudra certainement beaucoup plus de l’heure qu’il s’attribue sous la plume de Youenn Caouissin (op cit, page 22) pour parcourir cette distance accompagné du petit Raymond Mescoff, âgé de 13 ans. Pour ma part, je compte près de 3 heures pour couvrir 10 kilomètres ; il est vrai que mon train s’apparente de plus en plus à celui d’un sénateur. (Google maps donne 1 heure 38 pour 7,5 kilomètres)
Bref, il me faut maintenant aller à Scrignac et il se trouve que la consultation de la rubrique appropriée de l’excellent blog « Ar Gedour » m’apprends qu’il est prévu qu’une messe y soit dite, en breton, le dimanche 16 décembre 2018 à 15 heures en la chapelle de Koad Kéo.
Mais où se situe exactement Scrignac ?
Eh bien, vous allez jusqu’à Huelgoat, au nord-ouest de Carhaix et de là prenez la D14 jusqu’à Berrien, où la D42 vous mènera directement au bourg de Scrignac, à 8,8 kilomètres au nord-est.
Tel un oppidum, Scrignac est sur une hauteur que couronne, au milieu d’une grande place, celle des « 3 coant », l’église paroissiale dédiée à Saint Pierre, fermée à double tour, même le dimanche. Je n’ai pas cherché le presbytère détruit lors du bombardement du 29 juillet 1944 (op cit, note 88, page 201), sans doute aussi fermé qu’inoccupé…
Dieu merci, le restaurant « le Sénéchal », du nom de son fondateur, est ouvert, la soupe y est chaude, la langue de bœuf, tendre comme les joues du même animal, servies braisées avec des pommes de terre rissolées à souhait ; un excellent gâteau aux 3 chocolats et un café viennent clore ce roboratif repas dominical. J’oubliais : vin de la communauté européenne à volonté, le tout pour moins de 15 € ! C’est le déjeuner dit « des chasseurs » avec menu unique comme, en semaine, celui « des ouvriers », mais, gastronomique, s’il vous plait. Je vous recommande l’endroit qui doit être, d’ailleurs, un des rares ouverts le dimanche aux alentours.
Me voilà d’excellente humeur pour attaquer le reste de la journée sous une pluie battante comme le sont souvent chez nous celles du mois de décembre : froide et humide. Pour autant, l’absence de feuilles aux arbres permet au touriste hivernal que je suis de faire des découvertes et de bénéficier de points de vue masqués par la verdure estivale.
Pas question, en tout cas, de pérégriner à pied : le temps ne s’y prête vraiment pas !
L’intérieur de mon véhicule est sec et tiède, j’en profite pour aller à la recherche du lieu d’exécution de l’abbé Perrot sur la « descente de Lannizon », marqué d’une croix rouge qui n’a rien à voir avec le carrefour du même nom sur la D54 reliant Carhaix et Guerlesquin. Ainsi que de la chapelle Saint Corentin où il a dit sa dernière messe au village de Toul ar Groaz.
J’ai bien trouvé le village, mais de chapelle Saint Corentin, point. J’ai bien parcouru en tous sens la D114 où se trouve, entre le carrefour de la Croix Rouge et le bourg de Scrignac, un lieu-dit « Lannuzon », mais de croix rouge, pas d’avantage. Il faudra que je revienne : je suis comme l’eunuque de Philippe (Ac 8, 26 et ss) ou les pèlerins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) : en mal de quelqu’un qui connaisse et m’explique : je demanderai à Eflamm !
La chapelle de Koad Kéo, – localement orthographiée « Coat-Quéau », notamment sur les panneaux indicateurs, il faut le savoir ! – est à 4 kilomètres au sud du bourg, blottie dans le creux d’une profonde vallée où coule le Roudouhir, affluent indirect de l’Aulne.
Le lieu est magnifique et incite au recueillement. Le Père Pier (« Peter ») Le Breton, le bien nommé recteur de la paroisse saint Herbot à Carhaix, bretonnant distingué, nous accueille au seuil de la porte de la chapelle dont la voute sculptée rappelle aux fidèles qu’on y prie depuis des millénaires (193) et spécialement la sainte Vierge (937) ; on continuera ainsi 1000 ans, encore.
On comprend alors le souhait de l’abbé Perrot d’y redonner son caractère sacré.
La messe a été dite en breton, y compris l’offertoire et les paroles de la consécration. J’ai remarqué que l’assistance, nous étions une douzaine, avait oublié les répons, même les plus élémentaires comme le « hag gant eoc’h spret » (et cum spiritu tuo), mais pas les paroles du « bro goz ma zadoù » dont l’auteur inspiré de l’hymne gallois, le barde François dit « Taldir » Jaffrenou (1879-1956), était originaire non pas de Scrignac (op cit page 286) mais de Carnoët, tout proche, que nous avons chanté à pleine gorge, pour nous réchauffer, à l’issue de la cérémonie : en effet, il s’est avéré que la température était plus douce dehors qu’à l’intérieur de la chapelle ! ….
On y admire les statues sculptées par l’artiste dinanais Yves Floc’h (1906-1990), celle d’I. V. (Intron Varia) Goat Keo P. E. (pedit evidomp).
Et celle, originale, de mon saint patron représenté en costume d’étudiant, son livre à la main, auprès de sa mère, Azo du Quenquis assise et admirative comme le sont toutes les mamans. Puisse son rêve se réaliser : son fils devenir saint !
Faisant le pendant du groupe formé par Yves et sa mère, Sainte Anne et la Vierge dans une facture tout ce qu’il y a de plus classique.
Les vitraux représentent les 7 évêques fondateurs que nous honorons au tro-breiz, mais, s’agissant de baies gémellées, le 8° personnage, tonsuré et vêtu d’une bure de moine, figure un ermite qui devait, aux temps anciens, habiter les forêts environnantes : il s’agit tout simplement de l’humble Kéo statufié ainsi à la Vallée des Saints, toute proche, 14 kilomètres, saint Quio, comme le village du même nom à Cléguer, au nord de Lanester, sur la route de Plouay.
A l’extérieur, je n’ai pas manqué de m’incliner respectueusement et avec dévotion sur les tombes respectives, à gauche, de l’abbé Yann-Vari Perrot (1877-1943) dont la croix celte due au ciseau du Landernéen Yann Larhantec (1829-1913) (op cit page 520) est périodiquement vandalisée et, à droite, de l’abbé Claude Jegou ( – 1797) au gisant sculpté par le costarmoricain Jules-Charles Le Bozec (1898-1973) (op cit, note 130 page 292).
Keit ha ma vo ar Werc’hez e Koat-Kéo, ar Feiz e Skrignac a jomo béo
Petite correction à propos de la statue de ND de Koat Kev :
Statue de Notre-dame de Koat Keo réalisée à la demande de l’Abbé Perrot, recteur de Scrignac.
Dessinée par Yves Floc’h, sculptée par F. Chauris, en bois d’acajou.
En savoir plus : http://www.yvesfloch.org/archives.htm#Coatkeo
Merci de cette précision, Anna
De même, pourrais tu nous en dire un peu plus sur le groupe de saint Yves et de sa mère (?) ? Je n’ai pas pu lire le texte en breton qui figure au pied de cette statue et qui explique vraisemblablement cela ….
le portrait dessiné par tes soins de l’abbé Y-V Perrot mériterait d’être édité pour son souvenir !
IL me reste encore quelques cartes éditées en 2013, avec la prière d’Anjela Duval. Je vais sans doute en rééditer.