AMBROSIUS
Ce que nous savons d’Ambrosius Aurelius (ou Aurelianus) est extrêmement ténu. Gildas (De Excidio 30) nous le présente comme un Romain ayant survécu aux troubles du 5ème siècle, dans lesquels auraient péri ses parents. Ces derniers auraient fait partie des cadres de la Brittanie romaine puisqu’ils auraient porté la pourpre (purpura induti parentes). En 540 vivaient des descendants (suboles) d’Ambrosius loin de valoir leur ancêtre (auita bonitas)
Gildas ne dit pas où il résidait, mais seulement qu’il mena des attaques victorieuses contre l’expansion des Germains. Sa date n’est pas non plus précisée, sinon qu’il est mentionné avant la bataille du Mont Badon (dans les années 490). Il n’est pas illogique de le situer entre 450 et 480.
On retrouve ensuite Ambrosius dans l’Historia Brittonum. Au chapitre 31, il est dit que pendant le règne de Worthigern celui-ci fut harcelé par la crainte des Pictes et des Scots, et par les prétentions romaines ainsi que par la peur d’Ambrosius (…necnon et a timore Ambrosii). Ce dernier membre de phrase est une interpolation typique : necnon et « non moins aussi », introduction gauche d’un motif sans lien avec le sujet du paragraphe. L’interpolation va dans le sens de noircir la figure de Gworthiern en le faisant ennemi d’Ambrosius, que Gildas présentait comme chef valeureux. Elle est incompatible avec le chapitre 42.
Dans ce chapitre 42 on fait connaissance d’un Ambrosius enfant, au fil d’un récit qui est une variante d’une légende de fondation et n’a aucune valeur historique. On doit cependant en retenir le nom d’Ambrosius : Embreis Guletic, et que l’enfant se présente comme issu d’une famille consulaire romaine, ce qui reprend évidemment le « pourpre » de Gildas.
Au chapitre 66, dans une récapitulation de comput est mentionnée une bataille de Guolof entre Ambrosius et Guitolinus. On ne sait rien sur ce conflit, mais on peut noter que dans l’HRB Guithelinus est archevêque de Londres (HRB, ch92). On ignore si cette qualité est attestée dans un document, ou si elle est due à l’imagination de Gaufrei. On sait néanmoins qu’il y eut des évêques à Londres, puisqu’au Concile d’Arles, en 314, assistait Restitutus, évêque de cette ville.
L. Fleuriot invoque, au sujet d’Ambrosius un autre témoignage, une triade représentant, dit-il « une tradition indépendante » (OB 171). Mais en réalité la triade ne fait que reprendre la narration de l’HRB ch. 92-99, qui n’a aucune valeur historique.
Par contre, parmi les triades on peut noter celle qui mentionne, parmi les tours de force de l’île britannienne, l’érection de Gweith Emrys « l’oeuvre d’Ambrosius », c’est-à-dire des mégalithes de Stonehenge. Là encore, la triade doit remonter à l’HRB (ch. 130-132, mais comme, en gallois ancien, gweith veut le plus souvent dire « bataille », on peut se demander si ces chapitres ne brodent pas sur une erreur de traduction d’un texte mentionnant une bataille d’Ambrosius. Stonehenge est d’ailleurs à l’est de la péninsule domnonéenne dans la région où l’on peut situer l’activité d’Ambrosius.
On constate donc que la renommée d’Ambrosius est essentiellement due à Gildas, bien qu’il soit mentionné ici ou là dans des contextes équivoques.
En fait la caractéristique essentielle d’Ambrosius est négative : il est totalement absent des généalogies galloises anciennes. Ceci, joint à l’assertion de Gildas qu’il était Romanae gentis, de famille romaine, ne laisse pas de doute : Ambrosius Aureli(an)us était, comme Gildas, un Brittanien, non pas un Britton. C’est Gaufrei de Monmouth, par son HRB, qui l’a fait introduire dans une liste de « rois de Brittanie » qui vient en appendiceà certaines généalogies (e.g. : EWGT 50). Quant à l’incise de HB 31 « roi des Francs et des Bretons armoricains » (OB 171), attachée à une interpolation, elle est évidemment mal placée, mais cette donnée est trop singulière et inattendue pour n’avoir pas au moins une amorce dans les faits. Si l’on retient que l’HRB fait d’Ambrosius un fils de Custennin Vendigeit, qui représente le Constantin III de l’histoire, qui eut dans ses troupes des auxiliaires francs et un général franc, Edobincus, cette donnée généalogique, réelle ou supposée pourrait être à l’origine de l’incise ci-dessus, que L. Fleuriot assimile à une inclusion dans la liste des Reges Romanorum.
AURELIUS CANINUS
Aurelius est aussi le nom d’un chef vitupéré par Gildas (De Exc. 30) et qualifié de catulus leonis « petit lion », ce que l’on peut comprendre comme « fils d’un guerrier valeureux ». Il vivait au milieu du 6ème siècle et la place à laquelle Gildas le nomme, entre Constantin de Domnonée et Agricola de Démétie, fait admettre que cet Aurelius régnait sur l’actuelle région de Gloucester, l’ancien Glywyssing. Comme Gildas ne nomme pas son pays comme une région extérieure mais simplement patria, ce devait être le pays de l’écrivain lui-même, dont l’indépendance dura jusqu’à la bataille de Deorham en 577.
Plusieurs auteurs ont admis que Caninus était une latinisation de Conan, Cynan. Cela me parait exclu. Conan n’aurait aucune raison d’être plus déguisé que Cuneglasus (modern Cynlas) et aurait été *Cunanus dans le latin de Gildas.
Aurelius Caninus a en commun avec Ambrosius d’être inconnu des généalogies galloises. On peut donc penser que, comme Gildas et dans la même région, c’était un Britannien romanisé de langue latine. Dans ce cas, il est inutile de chercher un équivalent breton de son surnom (cognomen).
Rien ne s’oppose, en tout cas, à ce que cet Aurelius soit l’un des « descendants » (soboles) d’Ambrosius auxquels manque la valeur ancestrale (auita bonitas) dont parle Gildas.
PAULUS AURELI(AN)US
Un troisième personnage, Breton armoricain cette fois, rappelle le nom de la gens Aurelia. Il s’agit de saint Paul Aurelien, évêque de Léon. Ses dates et son origine ne sont pas assurées. Sa vie, écrite par Wormonoc en 884 à Landévennec, a été étudiée par le chanoine Doble (WS, 146-161).
On notera d’abord que son biographe le fait originaire de Penn Ochen. Or il est évident qu’il s’agit là d’une identification avortée avec Poul, fils de Glywus et seigneur de Penn-Ochen. Mais Poul, oncle de saint Cadoc, n’est certainement pas notre Paul Aurelien.
Les autres données topographiques de Wormonoc, selon Doble, s’appliqueraient à un saint Peulin gallois différent de notre Pawl Awrelian. Par contre, on doit relever que, selon la Vita, le père de Paul Aurelien s’appelait Perphirius, ce qu’il faut certainement corriger en Porphirius. Le nom πορφυρός existe en grec mais n’est pas fréquent en Occident. D’autre part le latin purpureus « vêtu de pourpre », passant en vieux-gallois, donne *porfireid, ce qui, re-latinisé, deviendrait porfirius. Il est donc vraisemblable que le père de Pawl Awrelian était décrit comme « porteur de pourpre », tout comme les parents d’Ambrosius purpura induti. De là à admettre que Pawl était de la même famille qu’Ambrosius et Aurelius Caninus, il n’y a qu’un pas qu’il n’est pas dangereux de franchir.
Nous avons ainsi, avec les Aureliens, un cas remarquable de maintien d’une tradition et de noms romains, à une époque où les Bretons en général reviennent à l’anthroponymie brittonique.
Caninus es probablemente un error de transcripción del copista/escritor que copió el Excidio. Caninus –> Conanus
Historian John Edward Lloyd suggests that the form Caninus, appearing in one important manuscript of De Excidio, may have been a corruption of the more common Cuna(g)nus, or Cynan in Welsh.[3]