Saints bretons à découvrir

CADVAN & GWETHNOC

Photo V. Charbey / Ar Gedour (DR)
Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Saint Cadvan est bien connu au Pays de Galles où il est l’éponyme de deux paroisses Llangadvan, l’une à 20km de Trallwng (Welshpool), l’autre , aujourd’hui dissoute, dans le comté de Merionedd (sud du Gwynedd actuel)  (Loth, NSB 20). Mais son domaine d’ élection fut l’île d’Enlli (en anglais Bardsey), où il fut  la tête d’ une communauté réunissant dix autres saints: Henwyn, Kynan, Dochwy, Mael, Sulien, Tanwc, Eithras, Llywen, Lleudat, Tegwyn.

En Armorique la trace de Cadvan est rare en toponymie : on peut probablement lui attribuer Langavan en St-Méloir -des-Ondes (à l’est de St-Malo), qui est à 7km de St-Guinoux (voir plus bas).  Il est exclu de le voir dans le Cavan (=Kawan) du Trégor, et dans le St-Caduan de Brasparts, qui est *Cadoen, comme à Poullan.

 

UN NOM DE COMBAT

Kadvan, vieux-breton Catman, remonte au vieux-celtique *Katu-manos « homme de combat ». Le suffixe -man est caractéristique des Bretons du Nord, de Calédonie et de l’ancienne province romaine de Valentia. Suivant les généalogies galloises, la mère de Cadvan était Gwenn teirbronn (i.e. « aux trois seins ») et son père Eneas Lledewic, c’est à dire « Eneas l’ Armoricain ». Gwenn, en Armorique, est connue comme mère de Gwennolé, Iagu et Gwethenoc (ou Gwethnoc), les trois fils qu’elle devait allaiter simultanément de ses trois mamelles, mais on ne lui connait comme époux que Fracan. Néanmoins J.Loth et plusieurs autres auteurs sont d’avis que Cadvan est bien frère de Gwennolé et est en fait le même personnage que Gwethenoc. En effet, Gwethenoc est un dérivé du nom vieux-breton gweith qui signifie aussi « combat ». Il ne serait pas anormal qu’un dénommé « homme de combat  » soit appelé aussi « batailleur » et que l’épithète soit interchangeable avec le nom synonyme.

 

NOM DU PERE ET ORIGINE

Les hagiographes se sont naturellement demandé si Gwenn, cette sainte mère si vénérée, avait eu deux maris. Nous avons vu par ailleurs que Fracan était un nom frison. Eneas, d’autre part, est connu comme le nom du héros de l’Enéide, mais ce nom n’est attesté  chez les Bretons que pour le père de Cadvan. On peut donc se demander  s’il ne s’agit pas aussi dans notre cas d’un nom germanique. De fait cela n’est pas impossible : le nom Anagastes « hôte-ancêtre », en vieil-anglais *an-¥est, peut avoir été le qualificatif qui a  inspiré l’emploi du nom du héros troyen pour Fracan.

Plus importante est la qualification de Llydewic « armoricain », qui insiste sur l’origine continentale de Cadvan et appuie l’ identité avec Gwethenoc. Dans le même sens va le fait que plusieurs des compagnons de Kadvan à Enlli sont bien attestés en Armorique : Kenan, Mael, Sulien, Lowen patronnent des paroisses bretonnes continentales. Tanwg est un diminutif qui peut représenter Tangi ou Tanwethen (Inis Tanguethen est aujourd’hui l’ île Saint-Michel, à l’embouchure du Blavet).

 

CULTE DE GWETHNOC  ET PARENTELE

Saint Gwethnoc est le patron de la chapelle Saint Venec en Briec, où il est représenté avec sa mère et ses deux frères, Gwennolé et Iagu. Il y a des saints Vennec en Combrit, à Landrevarzec (dont le patron est s.Gwennolé), un Lanvenec en Lanrivoaré. En Pleyben on a un Lanvezennec, écrit Lanwethnoc dans la charte 33 de Landevennec et Languezenoc en 1241. Guehenno et St-Guinoux sont d’autres variantes du nom.

(Les chercheurs plus ou moins amateurs ont abondamment confondu Gwethnoc avec Gwennog « le blanc », diminutif qui peut représenter plusieurs saints, de même que sa variante Gwennou, Gwenoc « le souriant », Gwinoc « le vigneron » [variante  Gwinioc].)

De St-Guinoux à St-Jacut de la mer il y a 22km. De Guehenno à St-Jacut les Pins on a 40km. Langavan en St-Méloir (qui répond aux Llangadvan gallois) est à quelques km de St-Guinoux. Les deux frères de Gwennolé, Gwethnoc et Iagu sont donc bien honorés dans l’ est de la Bretagne. Dans le Léon le Lanvenec de Lanrivoaré est à 24km d’ Elestrec (en Le Folgoet) dont Iagu est le patron.

Par delà la Mer Celtique, de l’ île d’ Enlli de Kadvan à Mahee Island, l’ ‘île de saint Machaoi, dont nous avons vu que le nom est le même que Iagu, il y a 200km, peu de chose pour des navigateurs comme nos « pélerins » bretons.

 

CONCLUSION

Ainsi se complète l’ image d’ une famille, originaire des parages du Mor Terrwyn (l’actuel Irish Sea), établie en Armorique mais sans perdre le contact avec son pays d’origine. Remarquable est la recherche de l’ environnement marin : Gwennolé d’abord dans l’ île de saint Pebi, Topopegia,  Iagu dans la presqu’ île qui porte son nom à l’embouchure de l’Arguenon et en Irlande à Mahee-Island-Nendrum, Gwethnoc-Kadvan dans l’île d’Enlli forment un tableau cohérent, entrant parfaitement dans le cadre décrit par E.G.Bowen (SSS carte 2, p.10).

À propos du rédacteur Alan Joseph Raude

Linguiste, historien et hagiographe, il a notamment publié des ouvrages sur l'origine géographique des Bretons armoricains et sur l'histoire linguistique de la Bretagne.

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