Saints bretons à découvrir

Chateaubriand et le mystère de l’Incarnation

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

Dans le chapitre CINQ  de son Génie du Christianisme, Chateaubriand nous offre de belles pages permettant de méditer sur le Mystère de l’Incarnation, car sans ce Mystère, celui de la Rédemption ne pouvait être.

« Contemplons le Souverain des cieux dans une bergerie, celui qui lance la foudre entouré de bandelettes de lin ; celui que l’univers ne peut contenir, renfermé dans le sein d’une femme. O combien l’antiquité eût tiré parti de cette merveille ! Quels tableaux un Virgile ou un Homère ne nous eût-il pas laissés de la nativité d’un Dieu dans une crèche, du chant des pasteurs, des mages conduits par une étoile, des anges descendants dans le désert, d’une vierge mère adorant son nouveau-né, et de tout ce mélange d’innocence, d’enchantement et de grandeur !

  Il est des cœurs qui ne savent rien voir dans les objets les plus divins. Pour nous, laissant toujours à part ce que nos mystères ont de direct et de sacré, nous croyons retrouver sous leurs voiles, les vérités les plus ravissantes de la nature. Nous sommes persuadés que ces trois secrets du ciel, outre leurs  parties inexplicables et mystiques, contiennent toutes les choses créées, et sont le prototype des lois morales et physiques du monde : cela est très digne de la gloire de Dieu, car on entrevoit alors, pourquoi il lui a plu de se manifester dans ces mystères, plutôt qu’en tout autre qu’il eût pu choisir. Jésus-Christ, ou pour ainsi dire, le monde moral, prenant naissance dans le sein d’une vierge, nous enseigne le prodige de la création physique, et nous montre l’univers se formant dans le sein de l’amour céleste. Les paraboles et les figures de ce mystère (l’Incarnation) sont ensuite gravées dans chaque objet autour de nous. Partout, la force de la grâce : le fleuve sort de la fontaine, le lion est d’abord nourri d’un lait pareil à celui que suce l’agneau, et parmi les hommes enfin, le Tout-Puissant a promis la gloire ineffable à ceux qui pratiquent les plus humbles vertus.

Ils  eurent bien à se plaindre de la nature, ceux qui ne purent découvrir dans la chaste Reine des anges, que des mystères d’obscénités. Qui a-t-il de plus touchant que cette femme mortelle, devenue la mère immortelle d’un Dieu rédempteur ; cette Marie à la fois vierge et mère, les deux états les plus divins de la femme, qui accourt au secours des misères humaines, cette tendre médiatrice entre nous et l’Eternel, désarmant un Dieu irrité. Dogme enchanté qui adoucit la terreur d’un Dieu, en interposant la beauté entre notre néant et la majesté divine !

Aucune religion n’a offert un culte plus attendrissant que celui de Marie. Elle est comme la divinité de l’innocence, de la faiblesse et du malheur. Les jeunes mères n’apportent-elles pas leurs petits  enfants  devant son image, et le cœur du nouveau-né, qui ne comprend pas encore le grand Être, comprend déjà cette divine mère qui tient un enfant dans ses bras ».

Tout le merveilleux chrétien est contenu  dans ces lignes, et tous les peuples chrétiens ont déployés les richesses de leurs  cultures  pour les présenter en offrandes, tel  l’or, la myrrhe et l’encens des Rois Mages à l’Enfant-Roi.  Pourtant, certains, hier comme aujourd’hui, pris de panique pour leurs éphémères pouvoirs voudraient à jamais effacer ce Saint Mystère, cette naissance ineffable, effacer ce sourire d’un nouveau-né, faire taire les chœurs des Anges, éteindre l’étoile de Bethléem et l’émerveillement des yeux des enfants,  pour nous imposer les cultes de leurs idoles.

Mais ne résonne-t-elle pas aussi pour notre époque, cette sublimation, à travers la Vierge Marie, de la nature de la femme à  laquelle nous convie Chateaubriand ? Notre époque s’entend si bien à avilir, pervertir la femme, sa nature de mère, à profaner et à violer le sein maternel, refuge de l’innocence à naître, ou à détruire la famille.

Noël. Plus de 2000 ans après  c’est toujours la beauté et la jeunesse du monde que cet Avènement nous offre, alors que les nouveaux Hérode n’ont à nous offrir que toute la vieillesse de leur monde devenu, à force du rejet de Dieu, un monde mort-né et sénile. Le magnifique chant de l’Exsultet du Samedi Saint, comme pour nous rassurer sur nos fautes, n’hésite pourtant pas à chanter «O felix culpa, quae talem ac tantum meruit habere redemptorem ! » (Ô, heureuse faute qui nous a valu un tel rédempteur !), prouvant, si besoin en était, que ces deux grands  mystères du christianisme, l’Incarnation (Noël) rejoint la Rédemption (Pâques), car le premier annonce le second.

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À propos du rédacteur Youenn Caouissin

Auteur de nombreux articles dans la presse bretonne, il dresse pour Ar Gedour les portraits de hauts personnages de l'histoire religieuse bretonne, ou encore des articles sur l'aspect culturel et spirituel breton.

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