Saints bretons à découvrir

Effacer la langue bretonne de nos églises, c’est aussi de la cancel culture

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

La Cancel culture, c’est quoi ?  Selon Wikipedia,  la cancel culture (de l’anglais cancel, « annuler »), aussi appelée en français culture de l’effacement ou culture de l’annulation, est une pratique apparue aux États-Unis consistant à dénoncer publiquement, en vue de leur ostracisation, des individus, groupes ou institutions responsables d’actes, de comportements ou de propos perçus comme inadmissibles.

Cette mise au ban de certains individus, comportements et communautés, avatar du politiquement correct, gagne le monde physique et les médias sociaux, mais pas seulement. Il en est ainsi des bretonnants de manière générale qui, évoluant dans un univers presque entièrement francophone. Nous nous pencherons ici sur un sujet particulier à savoir la place de la langue bretonne dans l’église, et plus précisément l’expression de la foi en langue bretonne. Est-elle inadmissible aujourd’hui dans nos communautés ?

Les messes selon le rit dit « Paul VI » totalement en langue bretonne n’ont que peu l’occasion d’être célébrées au regard du nombre d’offices annuels. Certains tentent toutefois de travailler à un dosage équilibré en français, latin et breton permettant à la fois (sur le principe) de contenter tout le monde et surtout de permettre un ancrage traditionnel (latin & breton) tout en ayant conscience d’une réalité de terrain (l’hégémonie francophone), cela de manière régulière. Il se trouve que dans bien des paroisses, plusieurs situations s’opposent à avancer en ce sens. Des exemples (liste non-exhaustive):

Cas A : la liturgie est entièrement en français. Dès qu’une phrase en latin ou en breton est prononcée, c’est la bronca de la part de ceux qui se disent ouverts au monde et à la diversité culturelle et linguistique. Pour la paix liturgique, on ne garde donc que le français. 

Cas B : la liturgie est en français mais il est accepté qu’un petit chant en breton soit pris de temps à autre. Pas plus. C’est déjà ça, mais cela ressemble à un petit vernis folklorique pour espérer contenter ceux qui voudraient du breton à la messe. « Vous avez déjà le Re vo melet : de quoi vous plaignez-vous ? »

Cas C : la liturgie est proposée en français, latin et breton, sous la forme d’un équilibre 3/3. Soit cela se passe bien et attire du monde. Soit des paroissiens viennent vous faire comprendre qu’il y a trop de breton et de latin, sans se rendre compte que la langue principale utilisée pour la célébration – malgré un choix 3/3 pour les chants – est la langue française. 

Cas D : la liturgie est entièrement en latin selon le rit tridentin. Dans ce cas, la place pour des cantiques bretons est aussi possible à certains moments de la sainte messe. Certaines communautés ont donc choisi de le faire, mais là encore, les exemples sont peu nombreux. 

Et pour un peu qu’on vous dise OK pour un cantique breton, il vous faudra en bien des paroisses choisir uniquement un chant connu, comme le Kalon Sakret Jezuz, parce que sinon « les gens ne connaîtront pas et ne chanteront pas ». Vous imaginez bien que, comme n’importe quel chant en n’importe quelle langue, s’il n’est pas chanté de manière régulière, il tombe dans l’oubli. C’est déjà le cas pour des dizaines de cantiques locaux chantés lors des pardons. Veut-on que disparaissent dans l’abîme nos cantiques plusieurs fois centenaires et pour beaucoup (pas tous, certes !) d’une beauté telle qu’ils sont chantés par de nombreux artistes bretons en concert mais ont été repoussés de nos liturgies pour lesquels ils ont été composés ?

Reconnaissons-le : de manière générale, la langue bretonne est peu à peu mise au ban de la société. Il en est de même dans nos églises, malgré les efforts que font quelques paroisses qui résistent encore. Et avec la langue semblent ainsi répudiés tous ceux qui lui sont attachés. Jeunes et vieux. Ostracisés puis effacés… La cancel culture rampante gagne ainsi du terrain même en des lieux qui devraient comprendre mieux que quiconque que ce n’est pas en coupant ses racines qu’on fait grandir un arbre.

Pour ma part, je ne savais pas chanter en tahitien, alors j’ai appris à chanter en tahitien. Je ne savais pas chanter en corse, alors j’ai appris à chanter en corse. Je ne savais pas chanter en créole, alors j’ai appris à chanter en créole. Je ne savais pas chanter en basque, alors je m’y suis mis. Parce que je pense que les langues sont des richesses exceptionnelles qui disent l’âme des peuples, et qu’elles ne méritent pas d’être cancelisées...

Est-ce si donc si dur d’apprendre et d’inviter à chanter en breton des hommes et des femmes qui ne savent pas le breton ? Nous ne pouvons donc que féliciter et encourager les paroisses qui tiennent bon sur l’aspect liturgique en langue bretonne, car plus que jamais, le travail est colossal pour qu’en Bretagne la foi puisse continuer à être chantée en breton.

Parce que nous souhaitons brosser un panorama des paroisses proposant actuellement de manière régulière des cantiques bretons durant la messe, des messes en breton ou trilingue, nous vous invitons à nous les indiquer en commentaire de cet article.

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À propos du rédacteur Tudwal Ar Gov

Bretonnant convaincu, Tudwal Ar Gov propose régulièrement des billets culturels (et pas seulement !), certes courts mais sans langue de buis.

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5 Commentaires

  1. Cancel culture à tout va. Encore un exemple en date: le département du Finistère veut changer le nom du lycée Kerhallet à Brest. Mais il n’y a pas qu’eux: quand le groupe très catholique « Lamennais » occulte les noms d’origine des établissements, c’est aussi de la Cancel Culture.

    Le pire, ce ne sont peut être même pas ceux qui lutte pour cela car c’est de bonne guerre. Le pire vient plutôt des lâches et des incultes qui s’en fichent royalement, pourvu qu’ils peuvent con…sommer.

  2. Pourvu qu’ils puissent…

  3. Sant-Patern Gwened, oferenn e latin bep Sul da 9 eur hanter gant ur c’hantik e brezhoneg ur Sul war 3, war-dro.

  4. A Bulat Pestivien nous avons une messe totalement en Breton le soir du pardon avec cantiques bretons. Et toute la procession nocturne est rythmée par les cantiques en breton quel plaisir pour un non bretonne de les avoir appris et de les chanter.oui la langue est le reflet de l âme d un peuple et je suis fière de l avoir approchée grâce aux chants.

  5. A savoir. Le site national et officiel « messes.info » propose une sélection (qui n’est pas exhaustive) de messes en breton ou avec du breton. Taper « breton » dans la barre de recherche, ou aller directement à l’adresse ci-dessous.

    https://messes.info/horaires/breton?limit=16

    En mai 2023, on y retrouve par exemple les « Pemp sul » à ND du Folgoët, et d’autres initiatives éparses.

    Overennoù zo c’hoazh pe a-nevez. Bennozh Doue d’ar veleien a zo o kinnig tra pe dra e brezhoneg…
    Merzi braz d’ar re lakaet gante an titourou war al lec’hienn messes.info.

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