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Explication d’un cantique breton « Er Groéz un Doué »

Photo GL / Ar Gedour (Droits réservés)
Amzer-lenn / Temps de lecture : 6 min

Cet article a été écrit conjointement par Louis-Marie Salaün & Uisant ar Rouz

A l’approche de la Semaine Sainte je souhaiterai donner quelques explications sur un des cantiques vannetais pour le temps de la Passion. Voici donc quelques mots sur le cantique « Er Groéz un Doué » (Un Dieu en Croix).

Il figure dans le recueil de cantiques vannetais « Gloer de Zoué  » sous le nom « Er Groéz un Doué » mais on le trouve ailleurs également nommé « En inour d’er Groez » (En l’honneur de la Croix). D’un point de vue liturgique ce cantique convient aussi bien pour le Vendredi Saint que pour la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix (ou « Croix glorieuse ») célébrée le 14 Septembre.

 

Ecrit par le P. Larboulette, de Plouhinec

Ce cantique a été écrit par le P. Larboulette, natif de Plouhinec (Morbihan, 1806-1892) jésuite de Vannes, missionnaire et prédicateur des campagnes vannetaises.
On le trouve pour la première fois dans un recueil qu’il a lui-même publié en 1856 : « Gwerzenneù ‘eid ol er blai » (cantiques – ou poêmes – pour toute l’année), dans les éditions successives du « livr kañnenneu ‘eid eskobti Guéned choéjet pé groeit dré en TT. Jézuited. (livre de cantiques pour le diocèse de Vannes composés ou choisis par les PP. Jésuites.) ainsi que dans « livr kanenneù eskopti Guéned » de 1922 et celui de 1933 (livre de cantiques du diocèse de Vannes) les paroles ont été retouchées afin d’expurger les trop nombreux mots français ou rendre les syllabes plus en adéquation avec la mélodie ou plus agréables sur le plan de la prosodie. Il a été aussi abrégé en 1922 (il comptait à l’origine 15 couplets et est passé à 10 couplets)

En 1931, une version en KLT a été réalisée pour le « Leor pedennoù ha kantigoù Kerné-Gwéned evit Bro Gourin hag ar Faoued » (livre de prières et de cantiques de Cornouaille morbihannaise pour les doyennés de Gourin et du Faouët) – elle peut être aisément reprise par les diocèses de Quimper et Léon et de Saint Brieuc & Tréguier.

La mélodie est celle (légèrement modifiée) d’un vieux motet en latin à la Vierge, le « Salve Regina cælitum ». Ce chant joyeux était très populaire jusqu’à la tabula rasa de l’après-concile (du moins en France et en Bretagne). Il est encore chanté dans les lieux de culte célébrant selon la forme extraordinaire du rit romain, https://www.youtube.com/watch?v=aPNcCL3ks6M notamment au pèlerinage de Pentecôte Paris-Chartres où il a toujours un grand succès lors de la marche.

 

Une musique du XVIIIème ?

Le compositeur de la musique de ce chant est anonyme. Il doit probablement dater de la fin du XVIIème siècle ou du tout début du XVIIIème siècle. Tout au plus peut-on en déduire qu’il a été probablement écrit à partir du XVIIème siècle à cause de son caractère tonal (la musique tonale apparaît au XVIIème siècle). Les nombreux recueils de motets de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle se bornent à indiquer : « Choral du XVIIIème siècle ». On trouve toutefois en 1712 à Mayence (Allemagne) ce chant sur un autre air écrit par un compositeur anonyme ; ce qui confirmerait cette hypothèse. https://www.youtube.com/watch?v=y0Cntmgpmuo

L’abbé Pierre Le Goff, (1860-1941), grand grammairien du dialecte vannetais et maître d’œuvre du nouveau « Livr kanenneù ‘eit eskopti Gwéned » de 1922 suppose dans ses notes manuscrites concernant l’origine des cantiques de ce recueil, que ce chant serait originaire d’Allemagne ou de Belgique.

 

Retrouvez la partition sur le site www.kan-iliz.com

D’un point de vue musical justement, notre cantique est écrit sous la forme strophique c’est à dire « couplet / refrain ». La tonalité est le Sol Majeur (marquée par la présence du Fa dièse à l’armure et la finale conclusive Sol tant dans le couplet que le refrain).

Le rythme en 6/8 donne a ce cantique un caractère léger et souple. A deux reprise on observe mesure 2 et 6 un mouvement conjoint ascendant puis descendant : Sol-La-Si, Si-La-Sol.

Le cantique comporte 10 couplets. Que nous enseignent-t-ils ? :

 

1- Ér groéz on Doué en-des vennet,

O madelezh heb par !

 Merùel aveid salvein ar bed :

 Kanet, pobl ag an douar !

 

 D’ar groéz santél, kristénion,

 Kanam gloér ha mélasion, kanam, kanam a galon

 

2- Ér groéz dré é hoêd présiuz, O madelezh …

 en-des on prénet tud kabluz : Kanet….

 

 3- Ged ar groéz en-des Roué an néanv, O madelezh

 Diskaret rouantelezh Satan : Kanet….

 

 4- Dré-zi é kavet, péherion, O madelezh …

 A ho péhedoù ar pardon : Kanet….

 

 5- Ér groéz éma on espérans, O madelezh …

 Er groéz é ma on honfortans : Kanet….

 

 6- Hi é baniél Roué braz an néanv, O madelezh …

 Hi a hra deom feahein Satan : Kanet….

 

 7- Enni é wél an dud santél, O madelezh …

 Gwir hent ar joéioù eternél : Kanet….

 

 8- Doh hé zroed, én eur devéhan, O madelezh

 A rantant de Zoué o inéan : Kanet….

 

 9- Aman éma saùet ihuel, O madelezh …

 D’an oll é lar : Biùet santél ! Kanet….

 

 10- D’an oll é lar : Karet on Doué, O madelezh …

 Marùet eidoh dré garanté ! : Kanet….

1- Sur la croix notre Dieu a voulu

        Ô bonté sans pareille !

Mourir pour sauver le monde :

         Chantez, peuples de la terre !

 

A la sainte croix, chrétiens, Chantons gloire et louange

Chantons, chantons de tout cœur

 

2- Sur la croix par son sang précieux,

Il nous a rachetés nous les coupables

 

3- Par la croix, le Roi du ciel

a renversé le royaume de Satan

 

4- Par elle vous trouverez, vous pécheurs,

le pardon de vos péchés

 

5- Dans la croix est notre espérance

dans la croix est notre réconfort

 

6- C’est elle l’étendard du grand Roi des cieux,

elle nous aide à vaincre le Mal

 

7- En elle les chrétiens fervents voient

le vrai chemin des joies éternelles

 

8- Au pied de la croix, à l’heure dernière,

ils remettent leurs âmes à Dieu

 

9- Ici, elle est dressée bien haut,

à tous elle dit : vivez saintement

 

10- A tous elle dit : Aimez notre Dieu

mort pour nous par amour.

 

Chacun d’eux est ponctué par l’acclamation « o madeleh heb par » (Ô bonté sans pareille) : bonté du Sauveur qui prenant sur lui nos péchés accepte la mort ignominieuse et le supplice de la Croix pour le rachat de nos fautes !

Le refrain invite le Chrétien à chanter de tout son cœur la Croix du Christ, instrument de notre Salut :
« A la Sainte Croix, Chrétiens, chantons gloire et louange, chantons, chantons, chantons de tout cœur ».

« D’er Groéz Santel, kristenion, Kanam gloér ha mélasion, kanam, kanam, kanam a galon ».

Pour honorer comme il se doit la Croix le jour du Vendredi Saint n’hésitons pas à reprendre dans nos paroisse ce très beau cantique dont je vous propose d’écouter ici la version bombarde et orgue (Christophe Caron et Louis Yhuel) et la version chantée :

 

À propos du rédacteur Louis-Marie Salaün

D'origine bretonne,né en 1982 petit-fils d'écrivain catholique il est sensibilisé depuis l'enfance à la musique sacrée, la transmission et la défense de la foi. Il découvre tout jeune les cantiques bretons par le biais du duo bombarde et orgue (qu'il pratique aujourd'hui avec son beau-frère). Devenu sonneur de bombarde à l'âge de 26 ans il exerce en parallèle la fonction de chantre dans sa paroisse de 2003 à 2010, puis chef de chœur de 2 chorales paroissiales (ND de la Trinité à Blois en 2012-2013 et le Chœur St Nicolas à Troyes depuis 2015).

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Un commentaire

  1. Trugarez deoc’h Uisant er Rouz, évit hoc’h kenlabour en ar skrivadur a pennad-man !

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