Pour en savoir plus sur les Noëls bretons (par LM Salaün)

Amzer-lenn / Temps de lecture : 5 min

Cet article est extrait de mon document « Les noëls populaires de France à travers les siècles » écrit en 2021.
Chanteurs de Noël dans les villes de basse Bretagne. D’après les croquis de M. Max Radiguet.

Intéressons-nous maintenant aux noëls populaires bretons avec tout d’abord ce constat : comparativement aux autres provinces, le répertoire de noël est assez peu fourni en Bretagne.

Lorsque l’on regarde les recueils des trois diocèses bretonnants (ou l’on parle couramment breton) on s’aperçoit que celui de Quimper n’en compte que 10, celui de Saint Brieuc 11, celui de Vannes seulement cinq.

Le noël de Bretagne a cela de semblable aux cantiques bretons qu’il exprime dans sa musique et dans son texte les sentiments de l’âme bretonne. Pour Noël Hervé, il possède « un caractère réfléchi parfois philosophique ». Dans l’ensemble, le noël breton présente moins de description que les autres noëls, mais il est très poétique. Le breton, de tempérament rêveur, est un peu renfermé, mais la gaieté est présente dans les noëls même si elle se fait moins exubérante qu’ailleurs.

 

1.1 : Les chants de quête

Parmi ce répertoire des noëls il ressort un genre particulier, pas forcément propre à la Bretagne mais qui y a une place importante : celui des chants de quête[1].

La pratique du chant de quête consiste à ce que des petits groupes de chanteurs (généralement des enfants) parcourent les rues des villes, villages et hameaux à l’occasion de certaines fêtes (essentiellement Noël et Pâques), en chantant des mélodies en rapport avec la fête du moment. En échange, ils recevaient des habitants de la nourriture (le plus souvent des œufs) ou encore de l’argent. On se transmettait les mélodies par imprégnation (transmission orale) et de façon informelle, les anciens transmettent aux plus jeune cette pratique, comme c’est l’usage pour tout ce qui relève des traditions populaires du chant.

Écoutons Henri Pérénès nous parler de cette tradition :

« A Kergrist-Moellou, dans la nuit du Nouvel An, des groupes de jeunes gens de 16 à 18 ans parcouraient les divers quartiers de la paroisse, un bâton en main, et chantaient successivement dans les différentes fermes un Noël breton. Leur voix évoquait le Gloria in excelsis des anges lors de la naissance de Jésus ; et les enfants étaient si heureux de les voir venir que par leurs cris de joie « ils cassaient » souvent la tête de leurs grand’mères.

Arrivés au pas des portes, les chanteurs demandaient : « Kânet a vo ? » Et si la réponse était affirmative, avant de commencer ils faisaient encore une réserve : « a Ma vec’h kontant, me a gâno, Ma ne vec’h ket, me zihano ». La cantate se terminait par cette formule : Dôni dôno, An noz a hirio, ou encore : Dôni, dôné. Se tu noz ar bla nevé. Les gens de la maison se levaient pour les accueillir et leur donnaient des crêpes, du cidre, de l’argent…

 

Dans la région du Cap-Sizun, le 31 décembre, vers sept ou huit heures du soir, c’étaient des enfants de 7 à 13 ans, garçons et filles, qui allaient de village en village chanter leurs souhaits de bonne année aux gens du quartier. Pour tenir en respect les chiens de ferme, ils avaient en main un bâton.

On les récompensait de leur cantate en leur donnant des crêpes toutes fraîches que l’on venait de préparer. Quand la famille était pauvre, chacun des chanteurs devait se contenter d’un simple morceau de crêpe.Leur cantilène terminée, ils criaient tous ensemble : « Ne, ne den, Èun tam krampous d’in da stanka va zè, Ag eu! liardik var c’horre ! » A la Porest-Landerneau comme à Lesneven, les chanteurs ambulants étaient les enfants de chœur.

Entre Noël et le premiers jours du nouvel an, nous écrit l’abbé Salaün, ancien vicaire de Lesneven, les enfants de chœur habillés de leurs soutanes noires, coiffés de leurs barrettes, allaient de porte en porte, à travers la paroisse de Lesneven chanter Noël. On aimait à entendre leur chant, et ils se faisaient de bonnes recettes d’étrennes. Cet usage existait en 1920-1921, et je me souviens d’avoir vu les enfants de chœur de la ville dans les couloirs du collège de Lesneven sur la fin de 1891. » A Plabennec, c’est un pauvre « chercheur de pain » qui, chaque année, promène de porte en porte ses vœux de nouvel an.
 

1.2 : La tradition de l’aguillaneu ou aiguinanée

Parmi les chants de quête on trouve aussi les « aguillaneu ». Il s’agit d’un chant mi-religieux, mi-profane que les enfants chantaient entre Noël et la Chandeleur. Ce nom vient d’une déformation de l’expression « A gui l’an neuf ». On raconte que dans les villes et les villages, les enfants une branche à la main, allaient de maison en maison en disant : « Noël, Noël, s’il vous plaît, ou encore : A gui l’an neuf ».

Dans la région de Sainte-Tréphine (Côtes d’Armor) ont chantait des « aiguinanée » les jours de fête avant la guerre de 14-18. Les chanteurs étaient appelés « ar volargerien ». On raconte qu’ils allaient souvent deux par deux, frappaient de porte en porte, et récoltaient des morceaux de lard qu’ils plaçaient au bout d’un long bâton. L’un chantait les couplets, l’autre le refrain. La grande guerre a mis fin à cette tournée de chanteurs ambulants. On dit que déjà avant 1914, ils ne recevaient plus de lard mais seulement de l’argent, et ils commençaient à se faire rares.

 

Eginane de Sainte -Tréphine[1] :

In nomine Patris et Filii,

Doue da vinigo an ti.

Diskan  (refrain):

Eginane ! Eginane !

Binio an ti hag ar c’hraou,

Hag an ed a zo er parkaou.

[1]    A lire dans « noëls populaires bretons » d’Henri Pérennes, page 35

 


[1]    Lire à ce sujet la fiche « chants de quête en Haute-Bretagne » inventaire des pratiques vivantes liées aux expression du patrimoine oral musical de Bretagne.

À propos du rédacteur Louis-Marie Salaün

D'origine bretonne,né en 1982 petit-fils d'écrivain catholique il est sensibilisé depuis l'enfance à la musique sacrée, la transmission et la défense de la foi. Il découvre tout jeune les cantiques bretons par le biais du duo bombarde et orgue (qu'il pratique aujourd'hui avec son beau-frère). Devenu sonneur de bombarde à l'âge de 26 ans il exerce en parallèle la fonction de chantre dans sa paroisse de 2003 à 2010, puis chef de chœur de 2 chorales paroissiales (ND de la Trinité à Blois en 2012-2013 et le Chœur St Nicolas à Troyes depuis 2015).

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