Nous vous proposons parfois des précisions sur des vies de saints bretons. Il est en effet parfois difficile de séparer les légendes de la réalité. Certains contributeurs d’Ar Gedour font un important travail de recherche hagiographique ou historique, que nous publions régulièrement. Aujourd’hui, nous vous proposons d’en savoir un peu plus sur Saint Brieuc, et de découvrir les éléments qui conduisent Alan J. Raude à sa conclusion.
La Vie de Saint-Brieuc, composée au 12ème siècle, rapporte que Briomaglus était natif de la Coriticiana Regio et que ses parents, Cerpus et Eldruda, étaient payens.
Le nom de Cerpus est inconnu par ailleurs. Ce doit être une erreur de copiste pour *Erpus, latinisation de Er(e)p, connu en Galles sous les formes Erb ou Yrb, et en Armorique dans le nom de Sant Ereb en Plabennec, et dans des composés comme Herblain et Herblon. Il s’explique vieux-celtique *Arepos dont le dérivé *Arepinos a donné le nom de Erbin. Car les généalogies galloises Erb est fils de Erbic , **Arepikos, forme adjectivale.
Eldruda est un nom germanique connu, composé de eld- « feu » et raud « pacifique ». Brioc était donc, comme Fracan, de famille britto-germanique. Le père de Brioc pouvait être frère de la mère de Fracan, et fils d’ Erbin.
La Vita nous apprend aussi que Brioc était cousin de Riwal, donc de la première génération des Bretons en Armorique. Il était donc né au 4ème siècle.
Le nom de Coriticiana Regio a généralement été compris comme désignant le comté de Cardigan (Ceredigion) en Galles. Mais le nom de Keredigiawn en Galles est le résultat de l’ expédition militaire de l’ an 400 qui fit donner le nom de son chef Corotic à un secteur dont il avait chassé les conquérants scots. Avant 400, Corotic avait régné sur tout ou partie de l’ actuelle Cumbria, puisqu’ il avait été connu, en gaélique, comme « roi d’ Alauna » (ville côtière, aujourd’hui Allenby). Dans cette région militaire, surtout sur le Mur d’Hadrien, étaient cantonnées plusieurs garnisons germaniques. C’est donc là que nous pouvons situer le lieu de naissance de Brioc.
L’ hagiographe du 12ème siècle met aussi Brioc en rapport avec saint Tudwal, qui était, dit-il, son neveu. Cela n’ est pas exactement possible : Brioc étant donné comme cousin de Riwal, frère de Ponpaia, mère de Tudwal, il aurait fallu que le père de Tudwal fût un frère de Brioc , ce qui n’ est pas le cas. Mais Brioc devait être cousin de Pompaia.
Les activités rapportées ne fleurent pas l’authenticité : Brioc aurait fondé le monastère de Nant Treger, puis, appelé au secours dans son pays natal, l’ aurait confié à son neveu Tudwal. A son retour, le suppléant ayant fait ses preuves de capacité, Brioc aurait pris avec lui la moitié des moines pour aller fonder un autre monastère.
Cette information est à récuser, car elle relève du procédé bien connu par lequel les hagiographes démontrent la prééminence de leur saint patron. Dans le cas présent, elle vise à rehausser le prestige de l’ évêché de Saint-Brieuc vis à vis de l’évêché limitrophe de Tréguier. On ne tiendra pas compte non plus du nombre des disciples accompagnant Brioc, qui est manifestement obtenu par multiplication des disciples de Tudwal.
Le débarquement de Brioc par l’ Aber Ac’h est ainsi peu probable. Si l’ on considère que c’ est dans le Cap Cavall que nous rencontrons la forme complète du nom Briavael (v.celt. Brigomaglos) on pensera plutôt que c’ est à Penmarc’h qu’ il dut aborder et créer un lieu de culte dont témoigne le nom de Plonivel (*Plôe-Vriavael, *Plebs Briomagli).
Des contacts entre Tudwal et Brioc sont néanmoins plus que vraisemblables. Ils pourraient même avoir eu lieu en Pagus du Cap Cavall, où Tudwal est patron de Combrit, à 9 km de Plonivel.
La congrégation panbrittonique de Brioc fut considérable : elle a donné son nom à deux paroisses en Galles (en Cardigan), deux en Devon, une dans le comté de Gloucester, deux dans l’ évêché de Vannes, à un village en Ploeuc (22), une paroisse aux Iffs, dans l’ évêché de St-Malo. La Vita fait état d’ un voyage du saint d’ Armorique en Britannie; peut-être y en eut il plusieurs.
Brioc, Brigomaglos, fut donc l’ un de nos premiers fondateurs de familles monastiques, ces hautes personnalités du début du 5ème siècle,vaste famille de souche cornovienne, issue, comme les principaux dirigeants politiques et militaires de l’ époque, de Outam l’ Ancien, beau-père de Magnus Maximus.
Première diffusion de l’article le 27/07/2011.
Un commentaire
Pingback : Le 1er mai, fête de Saint Brieuc, l'un des 7 saints fondateurs - Ar Gedour