Par Eflamm Caouissin
Avant d’attaquer la lecture de cet article, n’hésitez pas à mettre une musique adéquate. Voici donc Kristenion Vat, interpété par les Gedourion (concert live) :
Si Halloween évoque la Toussaint, l’un et l’autre sont bien différents. À l’origine, ce que nous appelons Halloween se dit en gaélique Oíche Shamhna. C’est la « saint Sylvestre celtique », dont l’origine est pré-chrétienne : le dernier jour de l’année et le lendemain, c’est le jour de l’an : Samhain ou Samonios, en Gaule (ou Samhuinn en gaélique d’Écosse).
Nombreuses sont les inepties que l’on peut entendre à propos de cette réjouissance, apportée directement de la société ultra-commerciale américaine derrière des motifs soi-disant culturels et, de plus, déformée lors de son arrivée en Europe. En prétextant un retour aux racines celtiques, les intronisateurs d’Halloween au calendrier ont réussi il y a quelques années un coup fumant qui n’a pour égal que les euros qui tombent par milliers dans leurs escarcelles (même si le soufflé semble retomber) ; mais cela a moins bien pris par chez nous qu’il ne l’auraient voulu. Nous nous en apercevons au fil des années : les rayons des magasins diminuent en taille de manière significative.
Jadis, avant la christianisation de nos peuples, le 31 octobre, comme nous l’avons dit plus haut, correspondait au nouvel an celtique. En opposition avec Beltaine (Bealtaine, Beltane ou Beilteine), qui est la troisième des quatre grandes fêtes religieuses de l’année celtique protohistorique, fêtée le 1 mai, venant après Samhain et Imbolc, et marquant la fin de la saison sombre et le début de la saison claire, Samhain est donc la fête marquant la fin de la saison de la lumière, et l’arrivée de la saison sombre (pour info, la quatrième fête est Lugnasad). Cette fête se célébrait lorsque la lune pleine se trouvait dans la constellation du taureau et le soleil dans celle du cerf. En fait, si l’on veut, la fête était celle de l’Equinoxe d’automne,
En cette nuit, les morts de l’année écoulée partaient pour l’Autre Monde (le Sidh), car un passage se formait entre celui-ci et celui des vivants. Pendant ce temps, les âmes des défunts du temps passé rendaient visite à leur famille. On passait de la lumière de l’été à la tristesse de l’automne engendrant l’hiver. Un passage s’ouvrait de la lumineuse saison vers le Royaume de l’ombre, et les deux hémisphères célestes ne s’ouvraient qu’à ce moment. Les frontières du monde visible et du monde invisible tombaient. Le temps et l’espace n’existaient plus. Il devenait donc possible pour les humains de visiter le Sidh (l’Autre Monde), et pour les habitants du Sidh de s’introduire au Royaume des Vivants.
C’est pourquoi les foyers laissaient une bougie allumée sur les bords de fenêtres, avec un bol de lait et une galette, pour que les esprits puissent se nourrir avant leur grand voyage. Les vivants prirent l’habitude de se costumer afin de ne pas se faire reconnaitre des esprits et autres créatures issues des mondes souterrains, cela étant probablement à l’origine des danses macabres « apprivoisant » la Mort (cf Kernascléden). La fête d’Halloween arrivait, avec le maintien de certaines de ces traditions ancestrales …
Vous voyez cependant que nous sommes loin des sacrifices humains que certains semblent, à la suite de Jules César, admettre pour seule vérité historique. Il est clair que nous sommes aussi éloignés de cela que de l’esprit obscur qui hante cette fête aujourd’hui, même si quelques-uns se la sont approprié pour assouvir leurs pulsions sataniques, avec messes noires et profanations. La solennité de la Toussaint, qui célèbre la Vie après la Mort (et la vocation de sainteté de chacun), se voit ainsi occultée par une fête qui envase la population ignorante dans un esprit de mort qui ne voit plus d’espérance après celle-ci. Or Halloween n’était pas à la base cette fête en faveur de la mort, du morbide et de la sorcellerie, et portait certainement déjà en elle des fruits de l’Esprit (les semences du Verbe, évoquées dans Vatican II ?). C’était une fête qui, si elle pouvait être était teintée de quelque superstition, mettait toutefois en avant le respect et le souvenir des gens que l’on avait connu et aimé, et que la Toussaint et le jour des Morts (2 novembre) venaient illuminer d’espérance (le terme est volontairement choisi). Une manière de communier avec eux au-delà de la vie terrestre. Une sorte de proto-communion des saints, quoi…
Certains rejettent Halloween, sans doute avec raisons, mais il peut être possible de toucher des personnes à partir de là. Plutôt que d’envoyer valser les enfants qui viennent vous extorquer des bonbons, c’est l’occasion de leur apprendre que si Halloween peut être une occasion de se retrouver dans une ambiance bon enfant, il est nécessaire pour cela de revoir quel était l’esprit d’origine de la fête et de ne pas tomber dans le macabre. Il ne s’agit bien évidemment pas d’oublier les priorités, sachant que les Celtes ont célébré Samhain tant qu’ils n’avaient pas eu la Révélation. Quand ils ont été évangélisés, ils ont certainement trouvé dans le christianisme une sorte d’aboutissement ou une « sublimation » de leur propre religion. Ce n’est pas pour rien, n’en déplaise aux adversaires de l’Eglise, que la Toussaint s’est si bien implantée en Bretagne et dans les pays celtes, en gardant certainement un héritage du passé, mais rappelant tout autant l’Enfer, que le Paradis et le Purgatoire par ces trois jours. Le retour vers un néo-paganisme n’a donc pas de sens, d’autant plus si l’on se propulse dans cette dynamique vers la Connaissance divine qui nous a été livrée par l’Evangile et nous est un peu plus révélée chaque jour que nous vivons. Mais le rejet de nos racines n’a pas plus de sens que le « pagan-revival », et la connaissance des sources peut certainement aider à appréhender notre vision d’aujourd’hui, tant dans une optique d’évangélisation que de lutte contre le satanisme et autres dérives.
Avec Halloween version années 2000, nous nous plaçons dans la logique de la sécularisation et de la déchristianisation de l’Europe. Cependant, puisque nous y sommes, ne pouvons-nous pas user de ce tremplin pour (ré) évangéliser, et redonner son sens à la fête de la Toussaint auprès des jeunes générations ?
Halloween (ou Hallowe’en) n’est pas un nom d’origine celtique mais bien anglais. C’est une abréviation de Allhallow-even qui signifie eve of All Saints : la veille de la Toussaint. Halloween est donc fêté le 31 octobre. L’anglais a deux termes pour désigner la Toussaint :
All Saint’s Day avec le mot saint, emprunté au français, d’origine latine (sanctus)
All Hallows’ (Day) vient du vieil anglais haliga, halga.(ce dernier signifiant saint, sainteté).
De la même origine holy (du vieil anglais halig , signifiant « sacré » ou « consacré ») qui a formé holiday : jour saint, jour consacré à la religion, et par extension : jour férié, jour de vacances. Ce mot est apparenté à l’allemand heilig, d’où : Allerheiligen, Toussaint
Certains disent que Eve est une forme usuelle de even qui a formé evening (soir), d’origine germanique et apparenté à l’allemand Abend (soir). Cela provient plus précisément du vieil anglais « aefnung » ou « aefen«
On trouve parfois ces expressions : Hallow-eve et Hallow-day pour désigner la veille et le jours des Saints ou encore Hallowmas (cf. Christmas, Noël avec -mas de messe). Halloween, c’est donc, littéralement, la veille de la Toussaint. Et pourtant, si le nom évoque la Toussaint, Halloween n’a rien à voir avec la fête de tous les saints catholiques.
Halloween, c’est le réveillon de Samhain (se prononce un peu comme « saween« )
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L’Ankou et les betteraves en Bretagne
Vient une année où toutes [les échasses] du quartier sont mobilisées pour une mise en scène qui manque de faire passer sur le haut du bourg le frisson de l’an mille. Nous avons l’habitude, vers l’approche de la Toussaint, de creuser des betteraves, d’y pratiquer des trous en forme d’yeux, de nez et de bouche, d’y introduire un bout de bougie et de refermer le tout. Ce lampion à tête humaine, posé la nuit sur un talus ou dissimulé dans les broussailles d’un chemin creux, terrifie toujours quelques noctambules. Quelquefois aussi, on le dépose sur la fenêtre d’une vieille fille connue pour son petit courage et son esprit crédule. Quelqu’un frappe du doigt sur la vitre avant d’aller se tapir non loin de là. La vieille, qui se chauffe les membres au feu de son âtre, tourne la tête vers la fenêtre et croit voir l’Ankou, os et flamme. Elle pousse un cri terrible. Elle appelle la Sainte Vierge. La voilà qui se précipite au-dehors, affolée, pour chercher au galop on ne sait quel secours. Alors, les garnements reprennent la betterave tête-de-mort et disparaissent. Quand la vieille revient avec le plus proche voisin, il n’y a plus rien à voir. Et tout le bourg fait des gorges chaudes. La dernière vision de la pauvre femme donne pâture aux langues pendant quelques jours, à toutes les langues sauf quelques-unes : et si c’était vraiment l’Ankou !
Cette fois-ci, nous décidons de corser le spectacle. Chacun de nous s’attache la tête-betterave sur la tête en chair et en os, monte sur sa paire d’échasses. Un Timen, un Le Gall ou un Le Corre qui a eu l’idée nous met les uns derrière les autres à la queue leu leu. Et nous descendons ainsi, dans la nuit noire, le sentier qui borde le champ du recteur. Tout à coup, quelqu’un entonne le Libera, les autres reprennent de leur mieux. Ce chœur funèbre attire sur le pas des portes les femmes intriguées qui laissent brûler leur bouillie pour savoir qui on enterre à cette heure… Quand elles voient s’avancer ces yeux de feu et ces bouches d’enfer à deux mètres du sol, elles éclatent en de telles clameurs que nous en sommes saisis nous-mêmes. Nous dévalons de nos échasses, perdant du même coup nos têtes-betteraves dans une avalanche de Jugement Dernier. Aucun de nous n’avouera jamais avoir participé à ce coup-là. Le Libera était de trop. On ne plaisante pas avec l’Autre Monde, même sur des échasses.
À propos de l’Ankou :
Un personnage dont on ne prononcera jamais le nom sans frémir. C’est l’Ankou, le squelette à la faux, le Trépas lui-même, le moissonneur des corps. On préfère l’appeler Lui et, dans le contexte où arrive de Lui, tout le monde comprend. Ce Lui-là est toujours vainqueur tôt ou tard.
(…)
[le recteur, c’est à dire le curé] n’aime pas beaucoup parler de l’Ankou. Un jour au catéchisme nous lui avons demandé ce qu’il est au juste. Il nous a répondu qu’il est celui qui vient nous chercher pour nous emmener dans l’autre monde.
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Source : Lexilogos
Photo : http://www.bretagne.com/fr
Illustration : Pascal Moguerou, éditions Au bord des Continents
1ère diffusion de ce billet le 27/10/2012 et mis à jour.
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Merci pour cet article qui remet les pendules à l’heure.
Pennad a-feson!
Bravo, Efflam, intelligent, cultivé et pertinent.