«Mentez, calomniez, il en restera toujours quelque chose (Voltaire)»
«Kentin Daniel est un historien qui cherche à comprendre les engrenages qui ont mené à la Bretagne d’aujourd’hui». Bien des auteurs se sont aussi penchés sur cette évolution bretonne depuis la fin de la seconde guerre mondiale, évolutions qui ont radicalement changé la société l’identité bretonne, de la Bretagne elle-même, confrontée aux défis de l’universalisme, de la mondialisation, niveleuses des identités, lui faisant perdre son originalité, voir même son âme, son substrat, malgré des apparences trompeuses relevant souvent du festif.
L’originalité de l’ouvrage de Kentin Daniel « La Bretagne calomniée. Une tradition française (1) » publié récemment chez Yoran Embanner, tient en ce qu’il est une intéressante recension des calomnies, des mensonges des préjugés dont les Bretons n’ont cessés d’êtres victimes depuis des siècles, principalement depuis son annexion en 1532 à la France, mais aussi lorsqu’elle était indépendante. Le sous-titre «Une tradition française» est fort à propos, car quels que fussent les régimes, monarchies, empires ou républiques, la constance dans la calomnie, le rabaissement du Breton par ceux-ci s’est quasiment muée en une véritable tradition renforcée par un jacobinisme destructeur qui consistait, au nom d’une France «Une et Indivisible» à falsifier et à nier l’Histoire de la Bretagne, jusqu’à son existence même, à ridiculiser sa langue, ses traditions.
Cinq siècles de ce traitement, surtout depuis la Révolution, puis l’avènement des Troisième et Quatrième Républiques et le fameux entonnoir assimilateur des deux guerres mondiales, ont eu raison de la dignité et de la fierté des bretons, au point d’en venir à se détester en tant que breton, mais aussi tout ce qui faisait de lui un être différent du français; le breton se muait en clone de son maître. Si la calomnie est donc, d’après Kentin Daniel, une tradition bien française, le jacobinisme en est une autre, et quasiment inguérissable. En fait, calomnie et jacobinisme sont complémentaires, voir indissociables. On pourra cependant faire observer que tous les peuples ont calomnié d’autres peuples, et que cette «tradition française» est en fait une «tradition» commune à tous les peuples, surtout à ceux qui avaient des ambitions dominatrices, et la France a toujours été de ceux-là …
DE L’HUMOUR BÊTE ET MECHANT A LA CALOMNIE DESTRUCTRICE
L’auteur pour justifier tout ce qu’il avance n’est pas avare de citations, de propos, de jugements, de plaisanteries émanent de personnalités provenant aussi bien des élites, toutes classes confondues des diverses époques, nous démontrant jusqu’où l’ignorance, la bêtise, la méchanceté peuvent aller, pour finalement déboucher sur la négation totale de l’identité d’un peuple. Des jugements qui aujourd’hui, concernant d’autres peuples, des minorités enverrait illico leurs auteurs devant les tribunaux pour délit de racisme.
A la lecture de ce travail très fourni, si certains noms de ces calomniateurs ne nous surprennent pas, tant ils sont connus, surtout ceux engendrés par la Révolution et la Terreur, on est parfois étonnés de rencontrer aussi les noms de personnalités (écrivains, artistes, voyageurs, savants) qui se sont adonnés avec une sincérité confondante à cet exercice de la calomnie anti-bretonne. Des personnalités qui, au gré de leurs réflexions ne voyaient en Bretagne que des barbares, des sauvages primitifs, des créatures bestiales, des fanatiques religieux encadrés par des armées de curés. Exactement ce que proclamaient à la Convention les révolutionnaires. Il est vrai que les Vendéens eurent droit au même traitement, et l’on sait combien cela déboucha sur un génocide. Ainsi, des lettres de la Marquise de Sévigné relatant avec condescendance et force caricatures la répression du Papier timbré, dit encore Révolte des Bonnets Rouges par l’impitoyable Duc de Chaulnes, aux éructations haineuses des Barère, Robespierre, Marat, abbé Grégoire, et autres nervis de la Terreur à la Convention, il n’y a que la différence du style et des dentelles.
Chaque chapitre du livre traite d’une époque, ce qui facilite la lecture de la genèse de toutes ces calomnies, les plaçant dans la bouche de leurs auteurs. On en vient à se demanderpourquoi toutes ces calomnies, tant elles dépasse la simple intelligence, surtout quand elles sont le fait de gens censés et cultivés, formés au raisonnement et au discernement ? Tout simplement, parce que ces calomnies qui rabaissait le Breton, au pire, l’animalisait étaient nécessaires pour le franciser, et à partir de la Révolution, le déchristianiser, car en Bretagne langue, traditions, cultures et foi était un tout. En dénigrant constamment l’une de ces composantes, on s’attaquait à toutes. Nous laissons au lecteur intéressé le soin de découvrir, page après page, cette ahurissante collection de bêtises qui n’honore pas ceux qui en sont à l’origine.
Pourtant, les Bretons, devenus sujets de la France. Ils lui auront tout donné, à commencer par ses enfants pour ses guerres. Ils lui auront donné aussi beaucoup de savants, d’explorateurs, de médecins, d’écrivains, d’hommes politiques, mais aussi ses prêtres, ses missionnaires, ses religieuses, ne recevant en retour que davantage de mépris, la France n’abandonnant rien de ses préjugés jacobins, et de sa volonté de la franciser: «pour l’unité linguistique de la France, il faut que la langue bretonne disparaisse» (2), c’est précisément ce terrain là qu’explore Kentin Daniel dans le chapitre «Le sacrifice de la Bretagne». Bien d’autres auteurs ont souvent rappelé à la France tout ce qu’elle devait aux Bretons, comme Jean-Pierre Calloc’h dans son admirable An Daoulin, ou encore Monseigneur Duparc, évêque de Quimper et Léon, qui dans son extraordinaire homélie en la cathédrale de Vannes en 1932, interpelle la France sur ses devoirs envers la Bretagne à qui elle doit tant (3).
Si la France, ou plus exactement l’État Français, quel que soit le régime, s’est comporté en marâtre, n’a témoigné d’aucune reconnaissance, accentuant même ses guerres contre la langue, les traditions bretonnes et la foi, l’Église en Bretagne saura quant à elle reconnaître tout ce qu’elle devait aux Bretons, du moins en sera-t-il ainsi jusqu’au tournant des années 1950. Dans son message de Noël 1943, Pie XII rappellera aux nations pourtant en guerre : «Ne prétendez jamais imposer à aucun membre de la famille des peuples, fut-il petit ou faible, des renonciations à des droits substantiels que vous-mêmes, s’il s’agissait de les appliquer à votre peuple, jugeriez impossibles». Cette sagesse de l’Église est à mettre en parallèle avec le discours d’Anatole de Monzie, cité plus haut. Mais l’Église va bientôt se lancer dans un grand reniement, allant même contribuer à achever ce que l’État français n’était pas entièrement parvenu à faire : débretonniser le Breton dans l’expression de sa foi en rejetant de la pratique religieuse, langue bretonne, cantiques, traditions. Rappelons, qu’en 1902, Combes fit interdire le breton à l’école et à l’église. Dans la foulée, Dantzer Inspecteur d’Académie, dans son rapport au Conseil Général du Morbihan (1903), osera écrire: «Créons pour l’amélioration de la race bretonne (sic) quelques-unes de ces primes que nous réservons aux chevaux, et faisons en sorte que le clergé nous seconde en n’accordant la première communion qu’aux seuls enfants parlant le français, et qui ont abandonnés le costume breton». Si en 1902/1903 les Bretons, des membres du clergé protestèrent et s’y opposèrent, après la guerre de 14/18, la majorité s’en accommoda, et bien des prêtres et des religieuses se mirent à être les meilleurs agents de la francisation, meilleurs même que les fameux «Hussards noirs de la République», avec en renfort les caricatures et les calomnies qui appuyaient cette francisation.
Ce fameux tournant est un sujet que divers auteurs ont abordé dans leurs ouvrages respectifs traitant de la mutation de la foi et de la pratique religieuse en Bretagne depuis les années 1960 (Yvon Tranvouez, Youenn Caouissin, Yann Celton, Fanch Postic, Patrick Buisson, et bien d’autres). Ce qui est navrant, c’est que cet abandon de la part de l’Église en Bretagne va s’appuyer, sans même s’en rendre compte sur les calomnies et les préjugés colportés par la France jacobine. Cet abandon va même donner naissance à de nouveaux préjugés, comme «une foi vécue jusqu’aux années soixante dans un folklore primitif, associant christianisme, superstitions et paganisme», d’où la nécessité de faire table rase de toutes expressions anciennes de la foi. Pour justifier ces abandons, la foi de nos aînés va être, sans vergogne, rabaissée, ridiculisée, calomniée. L’équation était donc très simple : langue, traditions, culture bretonne, costumes bretons et foi ancestrale étaient autant de signes d’une arriération mentale du Breton.
Kentin Daniel nous parle des réactions, des révoltes des Bretons qui non seulement se voyaient salis de toutes les manières, mais voyaient aussi leurs droits historiques bafoués, niés, et de nous citer la révolte des Bonnets Rouges, la Conspiration de Pontcallec, des Frères Bretons de la Rouërie, la chouannerie de Cadoudal, et même les activités séparatistes de Breiz Atao, du FLB, autant de sursauts, vite réprimés, destinés à rendre aux Bretons leurs droits, leur fierté, la maîtrise de leur destin. Il y eu aussi depuis le milieu du 19e siècle, bien des mouvements d’ordre culturels, toute une effervescence identitaire qui travaillait à inverser ces images négatives des Bretons: Union Régionaliste, Bleun-Brug, Seiz Breur, An Droellen, cercles celtiques, théâtre, cinéma breton (Brittia-Films), création des écoles bilingues (Diwan) ou dans l’enseignement catholique, dans lesquels oeuvrait toute une élite bretonne. Malheureusement, la puissance étatique et ses lois auront finalement toujours raisons des initiatives les plus prometteuses. Les Bretons en seront toujours réduits à se retrouver dans la position du quémandeur, toujours satisfait des miettes condescendantes que l’État français et ses politiciens voulaient bien lui jeter comme un os à ronger. S’il y avait bien des Bretons que cela révoltait, la majorité en était satisfaite. Toujours la même histoire: la trahison des notables, l’indifférence des braves gens (4).
La Bretagne a depuis longtemps réservé sa place au Panthéon des civilisations disparues ou appelées à l’être…
ET SI LE BRETON CESSAIT D’ÊTRE LE CLONE DE SES MAÎTRES ! …
Et c’est peut-être là, qu’au livre de Kentin Daniel, il manque un chapitre, celui concernant la propre responsabilité des Bretons dans les calomnies dont ils ont été ainsi l’objet, et qui ont fait d’eux des assujettis résignés à un Etat français, et qui au nom de ses valeurs républicaines et universalistes, destructrices par nature, a patiemment désincarné l’homme breton. Comme tout individu, un peuple se juge aussi par l’image qu’il renvoie de lui-même, et nombreuses sont les personnalités bretonnes qui, ayant consacrées leur vie à la Bretagne, ont été déçus, non pas par elle, mais par les Bretons, et diront que «le Breton n’avait pas pire ennemi que lui-même». Certains diront même, «qu’il n’avait que ce qu’il méritait».
L’écrivain-dramaturge Tanguy Malmanche disait que «la Bretagne était intéressante, pas les Bretons». Jugement sévère, mais qui détient un fond de vérité. Se complaire dans la victimisation parce qu’on a été calomnié, n’a jamais été constructif, et ressortir sans cesse les contentieux historiques, même si cela ce justifie, ne l’est pas davantage; l’honneur, la hauteur d’esprit, la fidélité à ses racines non galvaudées, puis l’exemplarité sont les meilleurs antidotes aux calomnies.
L’écrivain-poète Xavier Grall, qui avait ses racines bretonnes «à fleur de peau», était exaspéré de cette culture de la victimisation, de la jérémiade de ses compatriotes, et aurait aimé qu’ils prennent en tout et sur tout de «la hauteur», et les invitait à se remettre en question.
Molière, dans les Femmes savantes, fait dire à un de ses personnages : «Quand sur une personne on prétend se régler, ce n’est point lui faire honneur que de tousser et de cracher comme elle», or trop souvent le Breton sensible à son identité bafouée se joue la «réponse du berger à la bergère», ce qui finalement est stupide, négatif et interdit toute élévation du débat. Pire, il pense qu’en s’alignant idéologiquement, il trouvera la reconnaissance et l’estime de ses calomniateurs. Une bonne maturité politique, ne serait en rien superflue …
Bien des Bretons ayant tous donné à la Bretagne, au soir de leur vie, feront l’amer constat: «Et tout çà pour rien!». Ce n’est pas sur les calomnies, qu’ils connaissaient et regrettaient, qu’ils avaient eux aussi en leur temps combattus, sur lesquelles ils s’apesantaient, mais sur l’indifférence de leurs compatriotes pour leur propre culture, garante de leur fierté, et stérilisaient tous les efforts, toutes les meilleurs initiatives. On pourrait dire que finalement, les seuls gagnants sont les collectionneurs de la matière bretonne, les historiens qui ont dans la bretonnité et le celtisme un riche gisement, mais pendant ce temps là, la Bretagne a depuis longtemps réservé sa place au Panthéon des civilisations disparues ou appelées à l’être … sauf à un sursaut profond qui plonge dans ses plus profondes racines vitales.
Dans son éditorial «d’adieu» de sa revue Kroaz ar Vretoned, Augustin Debacker son fondateur et directeur, écrit: «Combien de ces bretons participent réellement à la sauvegarde du patrimoine breton, à la préservation de l’identité culturelle, historique et sociale de la Bretagne?» et il précise avec raison: «que force est de constater que l’état actuel de la Bretagne ne peut être imputé au seul jacobinisme français» (5). Ainsi, après bien d’autres a-t-il fait le constat amer que les Bretons avaient leur propre part de responsabilités dans les images qu’ils renvoyaient, et renvoient toujours d’eux même, même si ces images caricaturales ont évoluées. Si Bécassine fût très caricaturale de la bretonne en son temps, ayant donc accomplie son œuvre dévastatrice, est passée du statut de bonniche niaise à celui d’héroïne sympa de BD pour enfants et ne pose plus de problèmes, il n’empêche qu’elle véhiculait aussi un air de calomnie, qui passait d’autant mieux qu’il était ludique. On sait combien l’indifférence est, en tous domaines, dévastatrice ; elle est même la mère de bien des maux: l’indifférence religieuse, l’indifférence culturelle conduisent à la mort, à la destruction de la foi, du patrimoine : il y a un fil conducteur entre indifférence, calomnie et ruine. Mais il y a aussi un fil conducteur entre le caricaturiste, le ludion d’estrade qui se croit drôle et le calomniateur : il y a humour et humour, il y a celui qui est naturel, sain, recommandé, car rire de soi-même est une bonne chose, et celui qui avili.
DE DEUX LANCEURS D’ALERTES PARMI BIEN D’AUTRES
C’est Dom Alexis Presse, le restaurateur de l’abbaye de Botgwen (Boquen) qui prédisait : «Un jour viendra, immanquablement, où le dynamisme et l’efficience de l’élément breton diminueront et finiront par disparaître. C’est une chose profondément triste. Quant à nous, ne nous laissons pas berner par les chimères perfides. Si elles séduisent et ensorcellent beaucoup de nos compatriotes naïfs, que cela ne nous effraie pas et ne nous fasse pas dériver de notre ligne, celle de nos Martyrs» (6). Et c’est bien précisément parce qu’il n’y a plus d’élites bretonnes, que aujourd’hui les Bretons se laissent séduire par les chimères idéologiques les plus variées, porteuses de toutes les calomnies, habillées d’un humanisme destructeur.
Hier, toute une élite essaya d’ouvrir les yeux et l’esprit de leurs compatriotes pour contrer toutes ces calomnies avilissantes, et en cela le militantisme breton de toute la première moitié du 20e siècle fut porteur d’immenses espoirs, mais aujourd’hui, d’élites il n’y en a plus dans le sens vrai et profond du qualificatif. Après tout, à travers les siècles, les régimes français ont tous été logiques avec leurs ambitions politiques, nationalistes, assimilatrices jacobines et universalistes, et ont ne peut le leur reprocher : ils faisait leur sale boulot, et le faisait très bien. Par contre, les Bretons ont-ils été logiques avec eux-mêmes et leurs prétentions légitimes à être un peuple reconnu et libre, autrement qu’en s’adonnant au festif diluant, trop souvent caricature de leur véritable identité? Cela ne commence t-il pas par une maturité politique, et l’on peut ajouter morale, spirituelle, en sommes les vertus qui font la force d’un peuple, et qui ne doivent rien aux idéologies présentes, qui sont exactement les mêmes que sous la Révolution, porteuses de toutes les calomnies. On sait que toute mise à mort d’un peuple comme d’une personne commence toujours par l’air de la calomnie, dont les couplets sont tout autant caricaturaux, qu’une mise hors-jeu sociale, politique, historique de celui qui en est l’objet.
Je terminerai par un avertissement qui a tout de la prophétie, et est aujourd’hui terriblement d’actualité pour la France, et aurait pu être placé en exergue dans l’ouvrage de Kentin Daniel : « En détruisant notre foi, notre langue, nos traditions, en niant notre histoire, la France connaîtra le jour où ce sera sa propre langue, son Histoire, ses traditions, sa foi qui seront détruites par des forces étrangères, qui retourneront contre elle ses propres lois destructrices des peuples». C’était écrit en 1930 par l’abbé Perrot (7). Aujourd’hui, la calomnie est pour la France, c’est le retour du boomerang, nous y sommes : la France se voit contestée dans son droit à exister: sa langue, ses traditions, ses monuments, ses paysages, sa foi sont aujourd’hui dénigrés, caricaturés, calomniés, signes avant coureurs d’une destruction annoncée, et cela est d’une grande tristesse, et renvoie à ce que disait Dom Alexis Presse pour l’effacement des élites bretonnes, car tout cela serait impossible s’il y avait encore d’authentiques élites à présider aux destins de leurs peuples. La France fait aujourd’hui l’expérience de la calomnie qu’elle a tant prodiguée envers ses provinces, ses voisins. Elle croyait se grandir, elle s’abaissait.
Le livre de Kentin Daniel n’est pas sans rappeler un autre livre «La Germanophobie» de Philippe Gautier, qui lui aussi dénonçait cette propension française à systématiquement affubler le peuple allemand de toutes les tares face à la grandeur française. L’Allemand, c’était le sauvage, le barbare, le Huns de notre temps, sans parler de tous les sobriquets dévalorisants pour le désigner. Cet ouvrage déjà ancien, est un florilège des calomnies anti-allemandes que le nationalisme français jacobin a pu imaginer pour justifier la haine qu’il portait à son voisin, et l’on sait où ces calomnies menèrent la France et l’Allemagne, mais aussi toute l’Europe. Là encore, malgré les jumelages de villes, les échanges franco-allemands et le fameux «couple franco-allemand», bien des préjugés demeurent, et derrière ceux-ci, la calomnie est toujours en embuscade (8).
Le livre de Kentin Daniel est donc un précieux travail de recherches pour tous ceux qu’intéresse cette «évolution bretonne», un travail qui nous donne quelques clés du mental du breton d’aujourd’hui, et nous averti que la caricature précède toujours la calomnie, et que la calomnie précède la mise à mort, d’abord sociale, d’un homme, d’un peuple, d’une institution, d’une société, et même d’une civilisation, pour à la faveur d’évènements (guerres, révolutions) être une mise à mort physique. Les calomnies ne sont jamais innocentes. De nos jours, la calomnie se porte aussi bien que sous la Révolution française. Il faut savoir qu’elle la précéda même, d’abord dans les salons huppés à la mode où une aristocratie décadente apprenait à s’autodétruire, ensuite dans la rue avec la populace avinée, excitée, chauffée à la calomnie engendrant la haine, et on n’en connaît que trop bien la suite: …
Notes et sources :
1) La Bretagne calomniée. Une tradition française de Kentin Daniel. Yoran Ebanner éditeur. 14 euros.
2) Discours du 29 juillet 1925 aux Bretons d’ Anatole de Monzie, ministre de l’Instruction Publique.
3) Homélie intégralement reproduite dans Complots pour une République Bretonne de Ronan Caerléon. Edition de La Table Ronde (1967), et dans Vie de l’abbé Perrot J’ai tant pleuré sur la Bretagne. Edition Via Romana (2017) et Vie de l’abbé Perrot. Une âme pour la Bretagne de Youenn Caouissin. Edition Via-Romana- Ar Gedour (2O21). 14 euros.
4) Fort heureusement, d’intéressantes initiatives permettant des espoirs de renouveaux se font jour avec les nouvelles générations (religieux et laïques), rejetant le misérabilisme religieux des années post-conciliaires, comme le pèlerinage Feiz e Breiz, le site catholique et breton Ar Gedour, pour citer deux exemples connus.
5) Kroaz ar Vretoned, revue mensuelle créée en mai 2021, et qui malgré sa grande qualité et sa contribution incontestable à l’oeuvre de redressement spirituel breton dans le cadre d’une authentique inculturation, n’intéressera pas les Bretons, ni le clergé, n’ayant pas encore compris que cette revue pouvait être un formidable outil d’évangélisation. Faute de lecteurs suffisants, la revue cessera de paraître en mars 2023. La collection est de 20 numéros sur deux ans. Les articles parus dans Kroaz ar Vretoned ont été mis à disposition du fonds Ar Gedour.
6) Lettre du 25 avril 1959 à Herry Caouissin.
7) Voir les livres de Y. Caouissin référencés en note 3, chapitre-annexe «Les Pensées de l’abbé Perrot».
8) La Germanophobie de Philippe Gautier. Editions de l’A/Encre (1997).
Superbe texte ! La Bretagne porte sa croix…