La liturgie et nous…

Amzer-lenn / Temps de lecture : 4 min

par Eflamm Caouissin

Le site ProLiturgia  a proposé à ses lecteurs le 14 avril dernier l’article suivant, mais qui mérite à mon sens un commentaire supplémentaire : 

« On entend souvent dire que toutes les sensibilités humaines doivent pouvoir trouver leur place dans l’Eglise. Ce n’est pas entièrement faux. Cependant il faut se souvenir que, d’une part, on n’appartient pas à l’Eglise en raison d’une sensibilité particulière et que, d’autre part, l’Eglise elle-même n’a pas été fondée sur la sensibilité de Pierre ou de Paul.
La liturgie elle-même n’est pas une question de « sensibilité » : les rites ne sont pas agencés en fonction de sentiments, mais en fonction de ce qu’on peut appeler « l’intelligence de la foi ». Les liturgies élaborées pour correspondre à une « sensibilité » particulière (qu’elle soit de type « traditionaliste » ou de type « progressiste ») favorisent l’émergence de communautés fermées sur elles-mêmes – et donc forcément excluantes – qui s’autocélèbrent en suivant aveuglément le prêtre qu’elles se choisissent comme leader.
On ne devrait jamais aller dans une paroisse parce qu’on « aime bien » la messe qui y est célébrée. Le seul critère qui, dans les circonstances actuelles, peut pousser à aller à la messe dans telle paroisse plutôt que dans telle autre devrait être celui du respect de la liturgie transmise par l’Eglise : « Je vais à la messe ici non pas parce que le style de la célébration correspond à ma sensibilité, mais parce qu’ici le prêtre met fidèlement et dignement en œuvre la liturgie reçue de l’Eglise. » Et aussi : « Je ne vais pas à la messe dans telle paroisse parce qu’on y chante du grégorien et que j’aime le grégorien, mais parce qu’on y chante du grégorien et que l’Eglise m’enseigne que le grégorien est le chant propre de la liturgie romaine. »
Les liturgies qui ne permettent pas de dépasser les limites de la sensibilité sont des célébrations qui, privées d’intelligence, appauvrissent la foi au lieu de la nourrir. »

Je les suis tout à fait, et approuve ces observations, mais j’aimerai à mon tour ajouter que je ne suis pas tout à fait d’accord… ou plutôt que je désire ajouter une précision.

En effet, si les liturgies sont là pour nourrir la foi, nous élever pleinement vers Dieu dans un culte véritablement divin, et que les raisons évoquées dans l’article pour se rendre à telle ou telle messe sont totalement recevables, il serait souhaitable de ne pas occulter notre rôle de missionnaire, qui est l’élément manquant à votre billet. En effet, est-il utile de rappeler qu’être chrétien n’est pas être  uniquement un consommateur de liturgie ; s’il est en effet essentiel de faire en sorte que notre foi de s’atrophie pas par manque de nourriture ou par des apports déficients, il est tout autant essentiel de ne pas se couper de l’idée d’aller « enseigner toutes les nations », à commencer par les plus proches : nos paroisses. 

Ainsi donc, c’est à nous, chrétiens formés, d’apporter à nos paroisses ce qui aidera à vivifier la foi de la communauté, plutôt que de déserter et d’aller « trouver la bonne messe ». Et à l’occasion, rien n’empêche de s’échapper ailleurs pour reprendre « un bol d’air » et se ressourcer (comment nourrir les autres si nous avons nous-même faim ?), mais sans oublier de revenir… 

Aimant les belles liturgies, je fuyais auparavant mes paroisses… Lors d’une discussion, mon curé actuel (un très bon prêtre) m’a dit qu’il faisait avec ce qu’il avait reçu lors de sa formation, et j’ai compris alors qu’il était de la meilleur volonté du monde, et que si nous avions certaines connaissances, il nous incombait de nous impliquer pour transmettre à la communauté chrétienne ce que nous avons reçu. 

Sommes-nous mieux en vase clos, à vivre notre foi entre nous avec une liturgie digne de ce nom ? Certes, l’on s’y retrouve et il est donc aisé de nous laisser tenter par ce choix. Nous avons alors beau jeu de déplorer la désertification des paroisses… mais que faisons-nous nous-mêmes à ce niveau  pour la gloire de Dieu, le bien de la communauté chrétienne ? 

Nous ne devrions pas simplement nous demander pourquoi nous allons dans telle ou telle paroisse , mais plutôt comment, malgré des moments de découragement certains, nous allons aider à proposer une liturgie digne,  respectueuse de ce que nous transmets l’Eglise, qui pourra contribuer à retrouver une unité perdue. Cela siginifiant donc qu’une sensibilisation et une pédagogie doit être effectuée, et non une imposition du rite sans leur expliquer les raisons.

En bref : être missionnaire ! Je sais que parfois nous pouvons avoir l’impression d’avoir un mur en face de nous, mais la foi ne soulève-t-elle pas des montagnes ? J’ai la faiblesse (ou plutôt l’audace) de le croire… 

À propos du rédacteur Eflamm Caouissin

Marié et père de 5 enfants, Eflamm Caouissin est impliqué dans la vie du diocèse de Vannes au niveau de la Pastorale du breton. Tout en approfondissant son bagage théologique par plusieurs années d’études, il s’est mis au service de l’Eglise en devenant aumônier. Il est le fondateur du site et de l'association Ar Gedour et assure la fonction bénévole de directeur de publication. Il anime aussi le site Kan Iliz (promotion du cantique breton). Après avoir co-écrit dans le roman Havana Café, il a publié en 2022 son premier roman "CANNTAIREACHD". En 2024, il a également publié avec René Le Honzec la BD "L'histoire du Pèlerinage Militaire International".

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