Par Eflamm Caouissin (rediffusion d’un article du 25/08/2012)
Equipes paroissiales, prêtres, laïcs engagés d’une manière ou d’une autre… comprendront-ils un jour qu’une inculturation partielle ou totale permet parfois (voire souvent) un meilleur ancrage du message divin, car elle s’adresse directement à un fond commun qui touche au plus profond des coeurs. Nous l’avons souligné à maintes reprises, et vous pouvez en retrouver les articles dans les rubriques Inculturation et Nouvelle Evangélisation.
Toutefois, une réflexion me vient ce matin : il y a parfois des dimensions pastorales qui volontairement ou involontairement ne sont pas forcément prises en compte (empêchés par notre propre vision des choses d’avoir un regard plus large, sans évidemment tomber dans le consensuel mou) mais qui pourtant sont essentielles : ces dimensions sont dans la manière d’approcher les populations puis de diffuser le message. Si le christianisme a pu se développer au sein des peuples, pourtant tous différents de par le monde, c’est bien parce que les missionnaires avaient clairement compris comment le faire. Sans dénaturer le message, ils s’adaptaient au tissu local. Or il convient, avant tout, de se rendre compte que le tissu local n’est plus le même qu’auparavant, dans son mode de vie, de communication, de culture religieuse… mais qui malgré tout reste attaché à sa culture propre. Mais quelle est cette culture et comment se décline-t-elle ? Pour y travailler, l’analyser porterait certainement un fort intérêt, avant d’aller à la rencontre desdites populations.
Puis (et navré si la comparaison choque) tout comme dans le marketing, il faut pour commencer avoir une accroche, qui puisse attirer les populations et les faire vibrer, pour ensuite proposer autre chose de plus intense et de plus profond. Dans le cas contraire, dans notre société actuelle, au mieux le message est ignoré, et au pire, en imposant directement ce que l’on aimerait, parce qu’on pense que cela ne va pas assez vite, on obtient le résultat contraire, on braque l’autre partie, et le travail devient bien plus hardu.
La musique, qui casse souvent les clivages, est l’occasion de travailler en ce sens, si l’on accepte de remettre en question ses propres certitudes, aussi fondées soient-elles, au profit de la dimension missionnaire essentielle dans un pays désormais clairement « terre de laïcité » et non plus « terre de chrétienté », à une époque où la mondialisation économique, sociale, mais aussi religieuse et musicale n’ont jamais été aussi fortes. Si l’on veut creuser profondément les sillons qui donneront une moisson abondante, il faut déjà connaître sa terre et les éléments qui la composent, puis désherber, pour enfin travailler la terre en surface puis plus en profondeur, tout en étant conscient que tout ne peut se faire en même temps sauf à mêler les mauvaises herbes à la terre.
Saint Louis Marie Grignon de Montfort l’avait bien compris, musicalement parlant, puisqu’il transposait des paroles religieuses sur des airs profanes connus par les populations et chantonnés dans la vie quotidienne. Non seulement les personnes fredonnaient par la suite ces airs, mais retenaient alors l’évangélisation prégnante de ce média musical. Le Père Julien Maunoir en fit de même. Ces accroches permettaient ensuite de proposer des choses plus profondes par la suite. Et pourtant cela se passait dans une période un peu plus chrétienne qu’aujourd’hui ! Or, à ce jour, nous leur proposons soit des cantiques d’une grande pauvreté musicale et théologique (pour reprendre les termes de certains : des chansons gnan-gnan) ou sinon, en certains lieux, d’une grande richesse musicale mais pas forcément accessible à tous dans un premier temps, car disons-le, la culture musicale est bien pauvre chez beaucoup.
Il importe donc de leur donner envie d’aller plus loin, en les marquant tout d’abord par ce qu’ils connaissent. En bref, avoir une superbe introduction qui leur parle et leur donne envie de lire la suite du livre.
C’est pourquoi, sans tomber dans le « n’importe quoi que l’on trouve parfois », et cependant quitte à mettre momentanément un mouchoir sur nos attentes propres, il convient de prendre en compte la population actuelle (et particulièrement les jeunes) et d’analyser ses attentes avec discernement, pour mener une « stratégie » efficace, qui interpellera ces futurs chrétiens, et leur donnera une autre image de l’Eglise que celle qu’ils en ont, à tort, via les médias et notre société : une Eglise qui assume clairement son message au-delà du temps et de l’histoire, mais qui sait clairement s’adresser à eux, personnellement. Ainsi, ils viendront, et seront à même d’entrer dans l’approfondissement de la parole de Dieu et du mystère célébré.
Tout à fait d’accord: la beauté élève l’âme, et l’art peut être un chemin pour beaucoup de personnes. Et comme cela est bien expliqué dans cet article, si on rejoint la personne dans sa culture et sa sensibilité, on peut ensuite aller plus loin avec elle, car une porte s’est ouverte…