Les filières bilingues de l’Enseignement Catholique ont parfois du mal à recruter, tant des élèves que des instituteurs ou professeurs. A la fois parce que les parents d’élèves, voire les enseignants eux-mêmes, ne connaissent pas, n’en saisissent pas l’utilité, etc… Résultat : dans certaines écoles, la filière menace de fermer. Des classes sont regroupées, quitte à ce que les instituteurs soient obligés de jongler avec plusieurs niveaux (au détriment parfois de leur vie de famille…), comme par exemple au Faouët ou encore à Gourin, dont la filière sera « réorganisée » à la rentrée 2015. Rappelons qu’il y a quelques années, l’association Bod Kelenn avait été créée pour contrer une suppression d’un poste partiel et faire la promotion de la langue bretonne sur cette ville du Diocèse de Vannes et le Centre-Bretagne. Devra-t-elle à nouveau monter au créneau ? Certes, d’autres classes ouvrent dans des communes demandeuses. A Vannes, à la rentrée prochaine, c’est même au collège que s’ouvre une filière. Mais quid d’une véritable approche éducative efficace en ce sens, particulièrement sur ce territoire où la langue bretonne revêt une importance particulière ? Une année on ouvrira une filière et l’année suivante on la fermera ou « réorganisera » parce que « pas assez d’élèves », sans chercher à savoir quelle est l’attente des parents, des élèves… et des instituteurs ?
La politique de la DDEC sur la question bretonne reste à notre sens dans une adaptation au jour le jour, une gestion à la petite semaine, sans vision à long terme, qui s’ajoute aux diktats de l’Académie sur les quotas d’élèves*. Quand une école commence à porter du fruit, parce qu’il manque quelques élèves, au lieu de faire de la promotion par un service communication dédié et efficace, on revoit l’organisation générale, quitte à casser ce qui vient d’être fait » nous rapporte un parent d’élève engagé. Un père de famille fustige quant à lui le manque de transparence et de communication avec les parents, évoquant une « vision consumériste de l’enseignement sans véritable projet ».
Or, imaginons que l’Eglise de Bretagne, qui était à une époque en pointe de la défense de la langue bretonne et de son Histoire, avant de travailler à son éviction des écoles et paroisses, puisse faire en sorte d’inverser la tendance, de remotiver les Bretons, de travailler à la revalorisation de la langue bretonne, de montrer l’importance qu’elle porte à la culture de ce territoire particulier… et donc d’être à la pointe du renouveau de la langue bretonne sur le territoire. Nous le rappelions il y a quelques mois : des religieux disaient que « l’Eglise n’a pas vocation à être un Conservatoire des langues, des musiques et traditions, si respectable que tout cela soit. Que sa vocation est d’annoncer le Christ, la Foi, et qu’elle doit le faire dans un langage compris par l’ensemble des fidèles « . Nous entendons bien, et personne ne prétend que sa vocation est autre. Néanmoins, cet argument n’est guère recevable dans son intégralité. Car dans ce cas c’est faire bon marché de l’inculturation tant mise en avant dans les textes du Concile Vatican II, et nier que la richesse culturelle du peuple qui lui est confié puisse être un socle sur lequel la foi peut germer et s’affermir. Nous sommes alors dans le déracinement, et l’Eglise, plus que quiconque, en se référant à l’enseignement du Christ, sait que tout arbre coupé de ses racines meurt..
Un Père religieux bretonnant, rompu aux missions paroissiales, disait en 1965 : « Je n’ai trouvé autour de moi, même chez ceux qui ont responsabilité et charges d’âme, qu’inconscience, indifférence parfois volontaire et délibérée, mépris, voire hostilité à l’égard de tout ce qui porte l’étiquette bretonne, quelle qu’en soit par ailleurs l’étiquette religieuse, politique ou idéologique. Je ne comprends pas ce manque d’humanisme réel, ce refus du fait breton constatable en chaque personne humaine de chez nous, cette rage d’ignare à vouloir tout démolir, ce rejet de nuances, ce manque de respect… […]Je sais par expérience toutes les difficultés paroissiales d’une situation linguistique aussi confuse que la nôtre, mais quand même ! Le médecin doit-il tuer le malade sous prétexte qu’il a une maladie compliquée ? »
Ainsi donc, au-delà d’une vision restreinte de l’aspect purement linguistique, gageons que l’Eglise gagnerait à prendre conscience (et à faire prendre conscience) de l’essence même de la Bretagne, et à avoir pour et dans ses établissements une politique offensive proposant la langue bretonne d’office dans le « pack » comme partie intégrante de l’instruction scolaire, avec un budget alloué automatiquement, non pas à une sorte d’option » mais dans l’idée d’offrir un socle commun à tous les élèves scolarisés dans l’Enseignement Catholique breton, à l’instar d’autres régions qui ont bien compris le sens de tout cela. Sans oublier un service de communication efficace qui saurait mettre en avant et avec pédagogie l’importance de cette question.
Plus encore, la dimension bretonne pourrait être développée tant au niveau de l’Histoire que du développement religieux de la Bretagne avec les figures phares, missionnaires des premiers siècles ou plus récents. Ainsi donc, c’est toute une autre approche qui serait offerte, peut-être fruit de vocations religieuses bien plus nombreuses. La réflexion doit être poussée bien plus loin que dans une simple gestion de feuille Excel (tant d’élèves, tant de classes, tant d’instit’).
Jean-Paul II disait : « Quand j’entends autour de moi diverses langues, je sens croître les générations, chacune apporte un trésor de leur terre, choses anciennes et choses nouvelles»(1). Il est probable que par ce biais et par une nette inculturation de sa pastorale, un réel renouveau ecclésial puisse naître. Parce que l’Eglise de Bretagne actuelle aura clairement su s’inculturer et se doter des bons outils pour ce faire. Mais encore faut-il en prendre conscience !
(1) Poème de JP II « Quand je pense : patrie »
Rediffusion d’un article du 31/03/2015, réactualisé.
*Nous invitons à signer la pétition pour le retrait des quotas d’élèves pour les filières bilingues.
J’aime beaucoup.
« Cette RAGE D’IGNARE à vouloir tout démolir ». L’expression résume admirablement notre sentiment lorsque nous sommes confrontés à des non-bretons (ni occitans, etc.) qui prétendent avoir une opinion éclairée sur la question linguistique.
Comme le père disait, on les trouve partout, dans toutes les coteries, comme si accepter le fait régional empêchait l’intégrité idéologique.
On les trouve au FN – hélas, car c’est ce qui manque pour en faire un parti identitaire – et on les trouve bien sûr au PS, chez les Gaullistes, etc.
Quel est donc le nom de ce « père religieux bretonnant » ?
Nous n’avons retrouvé que le document précisant qu’il s’agissait d’un « père religieux bretonnant », sans aucun nom. Nous espérons que l’un de nos lecteurs saura nous renseigner un jour ou l’autre.
C’est pourtant bien Mgr Centène qui disait à Langonnet, quand il est passé lors de sa visite dans le secteur, que (je cite l’extrait trouvé sur votre site) :
« Il me parait important de transmettre ce patrimoine breton et de garder ses spécificités car elles font partie de notre identité profonde. Il faut réussir à sortir du complexe que l’on a imposé disant que parler breton était arriéré. Il faut retrouver cette fierté d’être breton. On voit qu’une culture dominante peut écraser des cultures spécifiques, et il faut lutter contre cela. Car pour savoir ou l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Et cela est essentiel dans nos temps troublés.
Aujourd’hui, à travers les écoles bilingues, une génération refleurit. L’Eglise a eu un grand rôle dans la préservation de la langue bretonne. Aujourd’hui, il y a une résurgence des cultures locales. Il faut que l’Eglise reprenne sa place dans cette préservation, mais aussi pour évangéliser. Car nos cantiques bretons favorisent l’intériorité essentielle à l’évangélisation… »
La DDEC ferait bien d’appliquer ce que dit l’évêque.
Très bon article auquel j’adhère totalement.